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[ 23 mars 2015 ] Imprimer

Droit administratif général

Adieu « Société entreprise Peyrot » !

Mots-clefs : Contrat administratif, Critère, Société concessionnaire, Entreprise privée, Autoroute, Ouvrage public, Compétence juridictionnelle, Revirement, Contrat de travaux routiers

Par sa décision du 9 mars 2015, le tribunal des conflits revient sur sa jurisprudence en décidant de la compétence du juge judiciaire en cas de conflit relatif à l’exécution d’un contrat de travaux conclu entre une société concessionnaire d’autoroute et une autre personne privée.

La société des Autoroutes du Sud de la France avait conclu avec une sculptrice un contrat lui confiant la réalisation de trois esquisses en vue de l’implantation d’une sculpture monumentale sur une aire de service de la future autoroute A89. Or, la société concessionnaire a par la suite décidé d’abandonner le projet de sculpture. La partie lésée a alors demandé au juge judiciaire réparation du préjudice résultant de la résiliation de la convention. Mais la Cour de cassation a écarté la compétence du juge judiciaire en raison du caractère administratif du contrat au motif que la sculpture était un ouvrage accessoire à l’autoroute. L’artiste a alors saisi la juridiction administrative qui a décliné sa compétence et a demandé au Tribunal des conflits de se prononcer.

Se pose la question de savoir comment qualifier le contrat de travaux conclu entre une société concessionnaire d’autoroute et une personne privée.

Dans sa décision Société entreprise Peyrot du 8 juillet 1963, le Tribunal des conflits avait posé le principe selon lequel les marchés de travaux des sociétés concessionnaires d’autoroute conclus avec des entreprises privées relèvent « par nature » de la compétence du juge administratif.

Revenant sur sa jurisprudence dans sa décision du 9 mars 2015, il considère désormais « qu’une société concessionnaire d’autoroute qui conclut avec une personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l’exploitation ou l’entretien de l’autoroute ne peut, en l’absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l’État » Ainsi, « les litiges nés de l’exécution de ce contrat relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Cette décision s’explique par le fait que la construction des autoroutes est maintenant concédée par l’État à des sociétés privées pour la plus grande majorité d’entre elles.

Par ailleurs, cette nouvelle jurisprudence s’inscrit dans le sens de l’évolution de la jurisprudence récente du Tribunal des conflits en matière contractuelle selon laquelle lorsqu'un opérateur privé agit en tant que concessionnaire, il agit pour son propre compte et non pour celui de la personne publique avec laquelle il a conclu la convention de concession. Par suite, les contrats relatifs à la construction d'un ouvrage conclus avec deux autres sociétés par le concessionnaire, personne morale de droit privé agissant pour son compte, sont des contrats de droit privé. Le litige né de leur exécution ressortit, dès lors, à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire (T. confl. 9 juill. 2012, Cpie générale des eaux c/ Mini. de l'écologie et du développement durable : en l’espèce, compétence du juge judiciaire pour connaître d'un litige opposant un concessionnaire de service public chargé de la construction et de l'exploitation d'une station d'épuration aux sociétés auxquelles il a fait appel pour la réalisation de l'ouvrage).

Ainsi, il aurait été délicat pour cette juridiction de continuer à préciser que le concessionnaire d’autoroute doit être considéré comme agissant, dans ses relations avec des entreprises tierces, pour le compte de l’État.

Toutefois, ce revirement de jurisprudence s’accompagne pour la première fois d’une modulation dans le temps. En effet, une telle évolution concernant la modification du régime d’exécution des contrats n’est pas applicable pour les contrats conclus antérieurement au revirement du 9 mars 2015.

Il s’ensuit que pour le cas d’espèce, le juge administratif est encore compétent.

Pour les contrats conclus postérieurement au revirement, le juge judiciaire sera compétent pour tous les contrats passés par les sociétés concessionnaires d’autoroute, en dehors de la concession elle-même.

T. confl. 9 mars 2015, n° 3984

 

Références

■ T. confl. 8 juill. 1963Société entreprise Peyrot, n°01804, Lebon 787.

■ T. confl. 9 juill. 2012Cpie générale des eaux c/ Mini. de l'écologie et du développement durable, n° 3834, Lebon.

 

Auteur :C. G.


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