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[ 11 janvier 2019 ] Imprimer

Droit des biens

Chemin d’exploitation : chaque propriétaire riverain peut en interdire l’accès au public

Les chemins d’exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains dont l’usage, commun à ceux-ci, peut être interdit par un seul d’entre eux au public.

Les propriétaires d’une parcelle desservie par un chemin d’exploitation, se plaignant de ce qu’une société et deux personnes privées prétendaient faire usage de ce chemin sans en être riverains et de ce que le propriétaire d’une parcelle riveraine, avait autorisé le passage à des propriétaires d’arrière-fonds, les avaient assignés en interdiction d’accès au chemin par les non-riverains.

La cour d'appel déclara irrecevable la demande d’interdiction de l’usage du chemin par des non-riverains, au motif que l’interdiction au public prévue par l’article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime est subordonnée aux conditions de majorité prévues par l’article 815-3 du Code civil relatif à l’indivision et que les propriétaires de la parcelle desservie par le chemin d’exploitation ne disposaient pas à eux seuls de la majorité des deux tiers des riverains, ni ne pouvaient se prévaloir d’un mandat tacite de ceux-ci.

L’arrêt d’appel est partiellement cassé au visa de l’article L. 162-1 du Code rural et de la pêche maritime. Rappelant qu’en l’absence de titre, les chemins d’exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains et que leur usage, commun à ceux-ci, peut être interdit au public, la Cour précise que l’usage commun des chemins d’exploitation n’est pas régi par les règles de l’indivision et que chaque propriétaire riverain dispose du droit d’en interdire l’accès aux non-riverains.

Distincts des chemins ruraux appartenant aux communes et affectés à l’usage du public (C. rur., art. L. 161-1), les chemins d’exploitation sont « ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation » (C. rur., art. L. 162-1); en l’absence de titre de propriété contraire, ces chemins sont présumés appartenir aux propriétaires riverains qui peuvent, à ce titre, en interdire l’accès au public, bien que leur ouverture au public n’empêche pas, en soi, qu’ils soient ainsi qualifiés (Civ. 3e, 9 févr. 2017, n° 15-29.153). Cette présomption de propriété se comprend au regard du critère même de qualification du chemin d'exploitation, et du fait qu’il soit au service exclusif de la communication ou de l'exploitation des fonds qu’il dessert, donc au profit de ses riverains. 

« L’usage en est commun à tous les intéressés ». Ce sont ces termes contenus à l’article L. 162-1 du Code rural que les juges ont mal interprété pour en déduire à tort que si les riverains bénéficient d’un droit d’usage à la fois légal et inhérent au droit de propriété, les non-riverains ont, pour leur part, un droit d’usage unilatéral, sous la réserve d’une interdiction d’accès faite au public. Or il va de soi que le droit d’usage prévu ne peut profiter qu’à ceux qui sont intéressés à la communication ou à l’exploitation des fonds desservis par le chemin, soit qu’il les traverse, les borde, ou y aboutisse ; en tous cas, ce droit d’usage ne peut bénéficier au public, comme il ne peut déjà pas profiter à des parcelles non limitrophes.

Aussi l’affirmation d’un droit de co-usage indivis reconnu à tous, riverains ou non, ne pouvait être que démentie par la Haute cour. L’usage des chemins d’exploitation, commun aux seuls riverains, n’est pas régi par les règles de l’indivision, mécanisme juridique d’origine essentiellement légale conférant à plusieurs personnes un droit commun d’exercice du droit de propriété, dans l’attente d’un partage. Le texte précité dispose au contraire, expressément, que les chemins sont présumés appartenir aux propriétaires riverains, « chacun en droit soi » (ou chacun pour ce qui le concerne et selon les droits qu'il a), ce qui implique que chaque propriétaire riverain peut, en vertu de l’usus propre au droit que la loi présume être le sien, agir seul afin de faire respecter le caractère privatif de l’usage du chemin, notamment en en interdisant l’accès aux non-riverains, sans qu’il ait besoin d’obtenir l’accord des autres riverains.

Civ. 3e, 29 nov. 2018, n° 17-22.508

Références

■ Fiche d’orientation Dalloz : Voirie routière

■ Civ. 3e, 9 févr. 2017, n° 15-29.153 P : D. 2017. 405

 

Auteur :Merryl Hervieu


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