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[ 28 juin 2013 ] Imprimer

Droit de la famille

Dissolution de la communauté par divorce : l’attribution préférentielle peut être prononcée

Mots-clefs : Divorce, Communauté, Dissolution, Partage, Attribution préférentielle, Droit au bail, Logement familial

En vertu des articles 831-2, 1°, et 1476 du Code civil, un époux peut, consécutivement à son divorce, demander l’attribution préférentielle du droit au bail du logement familial qui lui sert effectivement d’habitation s’il y avait sa résidence.

En cas de divorce, un conjoint peut prétendre à l'attribution préférentielle, tant dans les partages de communauté que de succession. Certes, l'article 831 du Code civil paraît limiter ce droit dans les partages de communauté au seul cas où celle-ci se dissout par décès, puisqu’il ne vise expressément que le « conjoint survivant ». Toutefois, avant le vote de cette disposition, la jurisprudence avait décidé que l'attribution préférentielle pouvait être prononcée, nonobstant la lettre du texte, dans les partages de communauté consécutifs au divorce et à la séparation de corps (Civ. 9 nov. 1954). Comme en témoigne le visa de l’arrêt rapporté, cette interprétation peut se réclamer d'un fondement explicite, issu de l'article 1476 du Code civil, selon lequel « le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne... l'attribution préférentielle... est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre “Des successions” pour les partages entre cohéritiers ».

Les articles 831 à 834 sont donc applicables quelle que soit la cause de la dissolution de la communauté : décès, divorce, séparation de corps, séparation de biens, changement de régime matrimonial. C’est ce que vient de rappeler la première chambre civile par cet attendu de principe : « en cas de dissolution de la communauté par divorce, un époux peut demander l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation s’il y avait sa résidence ». Pour ces motifs, elle casse l’arrêt des juges du fond ayant refusé de faire droit à la demande d’une épouse divorcée de se voir attribuer le droit au bail du logement familial. Pour rejeter sa demande, fondée sur l’article 1751 du Code civil, la cour d’appel s’était appuyée sur la spécificité des textes applicables au bail emphytéotique litigieux régi, selon elle, par les seuls articles L.451-1 et suivants du Code rural. Et la Haute cour de censurer cette décision pour violation de la loi par refus d’application des articles 831 et 1476 du Code civil.

À l’inverse de ces textes, centrés sur le cas du partage successoral, l’article 1751, également retenu en l’espèce, prévoit expressément qu'en cas de divorce ou de séparation de corps, le droit au bail peut être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, à l'un des époux par la juridiction saisie de la demande. Celle-ci doit alors apprécier souverainement les circonstances permettant de choisir l'attributaire (Civ. 1re, 10 déc. 1962), de sorte qu’en cas de demandes concurrentes d'attribution du droit au bail du bien qui abritait le foyer conjugal, la préférence doit être donnée à celui des époux qui, par exemple, s’est vu confier la garde de l'enfant commun, ou bien à celui qui promet de connaître le plus de difficultés pour se reloger (V. Paris, 28 janv. 1963), une règle voisine s'appliquant d’ailleurs au droit au maintien dans les lieux (L. 1948, art. 5).

En revanche, les juges ne tiennent pas compte du fait qu’en cours et pour le temps de la procédure de divorce, le logement familial ait été attribué à l'autre époux au titre des mesures provisoires (Paris, 1re ch., 4 févr. 1965).

En l’espèce, c’est l’appartenance du bien à la famille de la demanderesse qui s’est révélée déterminante pour « départager » les conjoints et désigner l’épouse comme attributaire du droit au bail. Il faut toutefois remarquer ce que cette solution peut avoir d'exorbitant à l'égard du conjoint et du bailleur. En effet, le conjoint du demandeur en attribution se voit ainsi purement et simplement privé du droit qu'il tenait soit du contrat, soit de la loi (C. civ., art. 1751, al. 1er). Quant au bailleur, il subit une diminution des garanties de paiement qui résultaient de la présence de deux débiteurs ; or, en droit commun, le bailleur pourrait s'opposer au renouvellement demandé par l’un de ses locataires indivis (Civ. 3e, 11 déc. 1968 ; Civ. 3e, 5 juin 1969). Dans le cas spécifique de l'article 1751, alinéa 2, du Code civil l'un des preneurs peut, au contraire, être évincé en cours d’exécution du bail et le bailleur n'a aucun moyen de s’y opposer pour protéger ses droits.

Civ. 1re, 12 juin 2013, n°12-11.724

Références

■ Civ. 9 nov. 1954, JCP G 1954. II. 8440, note B. Ancel ; D. 1954. Jur. 749, note R. Savatier.

■ Civ. 1re, 10 déc. 1962Bull. civ. 1962, I, n° 528.

 Paris, 28 janv. 1963, Rev. loyers 1963. 436.

■ Paris, 1re ch., 4 févr. 1965, Rev. loyers 1965. 32.

■ Civ. 3e, 11 déc. 1968Bull. civ. 1968, III, n° 534.

■ Civ. 3e, 5 juin 1969Bull. civ. 1969, III, n° 448.

■ Code civil

Article 831

« Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants. 

S'il y a lieu, la demande d'attribution préférentielle peut porter sur des droits sociaux, sans préjudice de l'application des dispositions légales ou des clauses statutaires sur la continuation d'une société avec le conjoint survivant ou un ou plusieurs héritiers. »

Article 831-2

« Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle : 

1° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant ; 

2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage professionnel garnissant ce local ; 

3° De l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à ce dernier. »

Article 1476

« Le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre "Des successions" pour les partages entre cohéritiers. 

Toutefois, pour les communautés dissoutes par divorce, séparation de corps ou séparation de biens, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit, et il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant. »

Article 1751

« Le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux.

En cas de divorce ou de séparation de corps, ce droit pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, à l'un des époux, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux.

En cas de décès d'un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d'un droit exclusif sur celui-ci sauf s'il y renonce expressément. »

■ Code rural

Article L. 451-1

« Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. 

Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction. »

■ Article 5 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement

« I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux pour les locaux visés à l'article premier appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant de bonne foi, au conjoint ou au partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2° de l'article 27 ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs. 

I bis. - Nonobstant les dispositions de l'article 1742 du code civil, même en l'absence de délivrance d'un congé au locataire, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire. Le contrat de bail est également résilié de plein droit en cas d'abandon du domicile par le locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé. 

Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux appartient aux personnes visées au I du présent article. 

II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi. 

En cas d'instance en divorce ou en séparation de corps, la juridiction saisie attribue à l'un des époux l'éventuel droit au maintien dans les lieux en considération des intérêts sociaux ou familiaux en cause. Si l'époux qui en est bénéficiaire n'est pas celui au nom duquel étaient délivrées les quittances, notification de la décision devra être faite au bailleur dans le délai de trois mois de son prononcé par lettre recommandée avec avis de réception. La juridiction prévue au chapitre V reste compétente sur toute contestation du bailleur quant à l'application des conditions exigées par la présente loi. 

Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux ne s'appliquera pas aux locaux à usage exclusivement professionnel, à moins que l'une des personnes visées aux alinéas précédents ne continue à y exercer la profession à laquelle ces locaux étaient affectés. »

 

Auteur :M. H.


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