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[ 18 janvier 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Faute dolosive et responsabilité d’un constructeur

Mots-clefs : Faute dolosive, Responsabilité, Constructeur, Obligations, Inexécution

La troisième chambre civile de la Cour de cassation retient une conception spécifique de la notion de faute dolosive qu’elle reprend dans l’arrêt commenté pour écarter la responsabilité d’un constructeur.

En l’espèce, deux particuliers avaient acquis une maison, construite par une société qui avait eu recours à des sous-traitants. En raison de fissures apparues après la réception de l’ouvrage, les maîtres de l’ouvrage avaient exercé une action en responsabilité contre le constructeur. Les juges du fond ont accueilli favorablement cette action au motif qu’elle n’était pas prescrite et que le constructeur avait commis un dol.

Le constructeur a formé un pourvoi dans lequel, en substance, il contestait avoir commis une faute dolosive. 

La question posée à la Cour était donc celle de savoir si la faute dolosive était ou non caractérisée.

La troisième Chambre civile casse l’arrêt des juges du fond au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa formulation antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Elle affirme ainsi, dans le chapeau de sa décision, que « Le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles » et décide que la cour d’appel a violé le texte susvisé au motif qu’elle n’avait pas suffisamment caractérisé l’existence d’une faute dolosive, ainsi définie, commise par le constructeur.

L’arrêt suscite trois séries d’observations.

D’abord, il s’inscrit dans la lignée des arrêts précédents rendus dans ce même domaine par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation. En effet, dans un arrêt précurseur du 27 juin 2001 (99-21.017 et 99-21.284), celle-ci avait déjà défini la faute dolosive comme étant celle par laquelle le constructeur viole de propos délibéré, même sans intention de nuire, ses obligations contractuelles, par dissimulation ou par fraude. En l’espèce, contrairement aux juges du fond, elle a considéré que le fait pour le constructeur de ne pas avoir pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l’exécution des travaux qu’elle avait sous-traités, ne constituait pas une faute dolosive. Et si elle s’est prononcée en ce sens, c’est parce que faisait défaut la preuve d’une dissimulation ou d’une fraude imputable au débiteur, lesquelles sont nécessaires pour qu’une faute dolosive soit caractérisée.

Ensuite, la troisième Chambre civile retient une conception de la faute dolosive plus étriquée que celle qu’adopte la première Chambre civile en droit commun. Certes, l’une et l’autre n’exigent plus une intention de nuire de l’auteur de la faute mais alors que pour la première Chambre civile la volonté délibérée du débiteur de ne pas exécuter ses obligations suffit (Civ. 1re, 4 févr. 1969), « une intention caractérisée de causer le dommage ou de tromper le maître de l’ouvrage » (V. RTD civ., P. Jourdain, obs. ss. Civ. 3e, 27 juin 2001, préc.) sont nécessaire pour la troisième chambre civile quand elle statue sur la responsabilité des constructeurs, ce qu’expriment les références aux concepts de dissimulation et de fraude dans ses arrêts.

Enfin, on peut se demander, à l’instar de M. l’avocat général Brun, que nous remercions de nous avoir transmis son avis, si en raison du contexte particulier dans lequel la question lui était posée, la troisième Chambre n’aurait pas pu adopter une conception plus souple de la faute dolosive et s’aligner sur la jurisprudence de la première Chambre civile. En effet, en l’espèce, le constructeur avait confié une partie des travaux de gros œuvre, il eût été opportun de faire preuve de plus de rigueur à son égard afin que le sous-contrat ainsi conclu ne constitue pas un alibi trop commode pour échapper à sa responsabilité. En clair, la Cour aurait pu apprécier avec rigueur la manière dont le constructeur avait surveillé l’exécution de la mission qu’il avait confiée à son sous-traitant. Et, dans cette perspective, elle aurait pu apprécier avec moins d’exigence l’existence de la faute lourde en admettant que celle-ci était constituée à la seule condition que soit caractérisée une violation délibérée de ses obligations par le constructeur, indépendamment de toute fraude ou dissimulation de sa part.

Civ. 3e, 5 janv. 2017, n° 15-22.772

Références

■ Civ. 3e, 27 juin 2001, n° 99-21.017 P et 99-21.284 P, D. 2001. 2995, concl. J.-F. Weber ; ibid. 2998, note J.-P. Karila ; RDI 2001. 493, obs. G. Leguay ; ibid. 525, obs. P. Malinvaud ; ibid. 2002. 231, obs. D. Tomasin ; RTD civ. 2001. 887, obs. P. Jourdain.

■ Civ. 1re, 4 févr. 1969 : D. 1969, 601, note J. Mazeaud.

 

Auteur :D. M.


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