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[ 30 septembre 2015 ] Imprimer

Droit des obligations

Indivisibilité contractuelle : approche subjective

Mots-clefs : Contrats, Indivisibilité, Interdépendance, Critères objectifs, Approche subjective, Cause commune

Les contrats sont indivisibles lorsque les éléments objectifs démontrent que les parties avaient l’intention de les lier en vue d’atteindre une cause commune. 

 

Les faits des deux arrêts du 10 septembre 2015 sont similaires. Un contrat de prêt est conclu entre un couple de particuliers et un établissement de crédit en vue de l’acquisition, d’un panneau photovoltaïque dans l’un des arrêts (n° 14-13.658), d’une éolienne dans l’autre (n° 14-17.772). Les obligations des contrats de ventes n’ayant pas été correctement remplies, leur résolution ainsi que la caducité des contrats de crédits ont été demandées en justice, et obtenues.

En effet, la Cour d’appel retient l’existence d’un lien entre le contrat de prêt et de vente mettant en place une cause commune, caractérisant ainsi l’indivisibilité des deux contrats. Les contrats étant liés, l’anéantissement du contrat de vente principal se répercute sur l’existence de celui accessoire.  

Dans les deux pourvois, les prêteurs affirment que le prêt ne relève pas des dispositions du Code de la consommation, qui prévoit l’anéantissement du prêt affecté à un contrat principal également anéanti. Ce moyen est écarté puisque c’est en application du droit commun que la Cour d’appel a qualifié les contrats d’indivisibles.  Dans le second pourvoi, le prêteur expose que la cause du prêt ne réside pas dans la conclusion de la vente mais dans la mise à disposition des fonds. 

La question qui se pose alors à la Cour de cassation est de savoir si deux contrats peuvent être considérés comme indivisibles et selon quels critères. Et dans l’affirmatif, quel est le sort du contrat accessoire en cas d’anéantissement du contrat principal. 

La Cour, après avoir contrôlé les éléments objectifs utilisés par la Cour d’appel pour qualifier les contrats d’indivisibles, estime, qu’en l’espèce, les contrats sont effectivement indivisible au regard du droit commun. De ce fait, la résolution du contrat principal, entraine l’anéantissement du contrat accessoire. 

La Cour de cassation fait ici une application de son approche subjective de l’indivisibilité fondée sur l’article 1218 du Code civil. Elle permet de retenir, du fait de la volonté des parties, la notion d’interdépendance ou d’indivisibilité, pour des contrats participant à une opération économique commune, afin de lier des contrats entre eux (Com., 5 juin 2007, n° 04-20.380 et Com. 12 juin 2001, n° 98-19.787). 

L’indivisibilité, du fait de la volonté des parties, s’apprécie par l’existence d’éléments objectifs caractérisant la commune intention des parties de lier les contrats entre eux. Ainsi, les juges vérifieront par exemple l’existence ou non d’une cause commune envisagée par les parties, un objet commun qui ne soit pas susceptible d’exécution autonome, ou encore la prise en considération des autres contrats comme éléments de validité et d’exécution de leur propre contrat. 

Dans la première espèce, le vendeur renseignait l’établissement de crédit quant à la vente et les fonds avaient été remis au vendeur directement. De plus, l’établissement de crédit avait exigé un bon de livraison pour s’assurer que le vendeur avait bien exécuté le contrat principal. 

Dans la seconde espèce, la Cour retient que le contrat de prêt était subordonné à celui de vente et que l’emprunteur avait dû attester de la bonne exécution du contrat principal afin de libérer les fonds, fonds qui ont été versé directement au vendeur. 

Ainsi, la volonté des parties, révélée par les éléments objectifs, était bien d’inclure le contrat de prêt dans l’opération de vente. 

Par deux arrêts du 17 mai 2013 (n° 11-22.768 et 11-22.927), la chambre mixte de Cour de cassation avait appliqué une approche objective basée sur l’interprétation de l’économie générale du contrat et faisant apparaitre une indivisibilité impérative (s’imposant aux parties), dès lors que l’on était en présence d’un contrat de location financière. Le contrat de prêt a pour essence même de contribuer à une opération plus large, en l’espèce l’acquisition d’un bien, sa nature pouvant ainsi révéler une indivisibilité, indépendamment de toute volonté des parties. Cependant, la Cour de cassation n’étend pas cette solution aux contrats de prêt, adoptant l’approche subjective classique de recherche de la volonté des parties. 

De plus, la Cour de cassation, dans sa décision du 10 septembre 2015 (n° 14-17.772), se contente de réaffirmer que « la résolution du contrat principal emportait l’anéantissement du contrat accessoire ». 

 

Cette résolution (anéantissement rétroactif du fait de l’inexécution par une des parties de ses obligations) du contrat principal semble, au regard des solutions précédentes, emporter la caducité des contrats accessoires (Com., 5 juin 2007, n° 04-20.380), solution adoptée par la Cour d’appel dans le second pourvoi.

Civ. 1re, 10 sept. 2015, n° 14-13.658

Civ. 1re, 10 sept. 2015, n° 14-17.772

Références

■ Code civil

Article 1218

« L'obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'exécution partielle ».

■ Com., 5 juin 2007, n° 04-20.380, D. 2007. 1723, obs. X. Delpech ; RTD civ. 2007. 569, obs. B. Fages ; JCP 2007. II. 10184, obs. Y.-M. Serinet.

■ Com. 12 juin 2001, n° 98-19.787, RTD civ. 2002. 96, obs. J. Mestre et B. Fages.

■ Ch. mixte 17 mai 2013, n° 11-22.768 et n° 11-22.927D. 2013. 1658, obs. D. Mazeaud ; RTD com. 2013. 569, obs. D. Legeais ; RTD civ. 2013. 597, obs. H. Barbier.

 

 

Auteur :A. M.


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