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[ 21 janvier 2015 ] Imprimer

Procédure pénale

La transaction est bien un contrat !

Mots-clefs : Transaction, Exception, Acte juridictionnel, Autorité de la chose jugée entre les parties, Dimension contractuelle, Soumission au droit commun des contrats, Force obligatoire, Volonté des parties, Théorie de la dénaturation, Irrecevabilité (non)

La transaction ayant l’autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties, le juge, saisi d’une exception l’invoquant, ne peut l’écarter en dénaturant les termes clairs et précis de cette convention.

Si la transaction est un acte juridictionnel qui produit le même effet extinctif qu’une décision de justice, elle est aussi un contrat dont les termes lient tant les parties que le juge. Tel est l’enseignement principal de la décision rapportée.

Un tribunal correctionnel avait proclamé la conductrice d’un véhicule terrestre à moteur coupable de blessures involontaires. Ayant statué, après expertise médicale, sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré sa décision opposable à l’assureur du véhicule de la prévenue.

Pour confirmer le jugement sur tous ces points et écarter la fin de non-recevoir soulevée par l’assureur de la prévenue en raison de la conclusion d’une transaction entre la victime et l’assureur du scooter que cette dernière pilotait au moment de l’accident, les juges du second degré retinrent que la convention en question, intervenue dans le cadre d’un mandat entre assureurs, était inopposable à la victime.

Leur décision est cassée par la Haute Cour qui, au visa des articles 2044 et 2052 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, énonce le principe selon lequel, « saisi d’une exception invoquant la transaction, laquelle a l’autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties, le juge ne peut l’écarter en dénaturant les termes clairs et précis de la convention ».

La nature hybride de la transaction a conduit à lui appliquer un régime spécifique qui tient compte de sa dualité.

Vue avant tout comme un contrat, la transaction, mode amiable de règlement des litiges, est soumise au droit commun des obligations, et plus particulièrement au droit commun des contrats. À ce titre, la transaction est, notamment, régie par le texte fondateur du droit commun contractuel de l'article 1134 du Code civil, affirmant que « [L]es conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En outre, parce qu’elle constitue, également, un acte juridictionnel, la transaction se rapproche, dans ses conséquences, des décisions de justice, comme le précise l'article 2052 du Code civil figurant au visa de la décision rapportée, selon lequel : « [l]es transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ». Son objet étant de clore définitivement un litige, la transaction produit l'effet extinctif traditionnellement attaché aux jugements, et fait ainsi obstacle à toute contestation ultérieure.

C’est dans cette dernière dimension, juridictionnelle, que la transaction est appréhendée par le législateur, qui y consacre, cela étant, peu de textes. Parmi eux, l’article 2052 du Code civil fait ressortir, par la référence qui y est faite à l’autorité de la chose jugée, l’identité des effets de la transaction et des décisions judiciaires.

En revanche, la dimension contractuelle de la transaction est, dans la loi, passée sous silence. Pourtant, en tant que contrat, la transaction doit produire les effets attachés à ce type d’actes juridiques notamment, le respect de sa force obligatoire et son opposabilité aux tiers.

Or, la décision ici rendue par la chambre criminelle souligne une des conséquences de cette soumission de la transaction au principe fondateur du droit commun des contrats, tiré de l’effet obligatoire des conventions. Si en tant que contrat, la transaction tient lieu de loi à ceux qui l'ont conclue, donc aux parties, la force obligatoire de son contenu doit également lier le juge saisi d'un litige relatif à son exécution. En ce sens, la théorie de la dénaturation trouve, en matière d’interprétation des transactions, naturellement à s’appliquer.

Rappelons qu’en vertu de cette théorie, reposant sur l’idée que la souveraineté de la volonté exige que le contrat soit exécuté conformément à ce qu’ont voulu les parties, les juges doivent utiliser une méthode qui consiste à rechercher, pour la respecter et ne pas la dénaturer, la volonté des parties. Et si les juges du fond sont souverains en cette matière, puisque pour déterminer la volonté des parties, il convient de se livrer à des recherches de fond (tous les documents de la cause) que la Cour est empêchée de mener, celle-ci contrôle l’absence de dénaturation du contrat par les juges. L’idée est d’interdire aux juges de modifier, sous couvert d’interprétation, le sens ou le contenu d’un contrat dépourvu de toute ambiguïté.

Par principe, comme le rappelle ici la Cour, lorsque les termes du contrat sont clairs et précis, le juge, privé du droit de les réinterpréter, est lié par eux (Civ. 15 avril 1872). Cette théorie se fonde sur l’article 1134 du Code civil : par la dénaturation, le juge ignore la volonté des parties, alors même qu’elle ressort clairement des termes du contrat, et en modifie les effets. Il est d’ailleurs surprenant que ce texte ne figure pas au visa de la décision rapportée, comme il l’était dans une précédente décision rendue par la chambre criminelle, dont les faits étaient analogues (Crim. 2 déc. 2008  : la victime d'un accident corporel avait conclu une transaction afin de fixer le montant de son indemnisation avant de saisir le juge pour évaluer son préjudice. Les juges d'appel avaient rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande d'indemnisation avancée par l'auteur de l'accident. Leur décision est cassée au visa des articles 11342044 et 2052 du Code civil au motif que : « saisi d'une exception invoquant la transaction, laquelle a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties, le juge ne peut l'écarter en dénaturant les termes clairs et précis de la convention »).

Crim. 16 déc. 2014, n°14-80.491

Références

■ Crim. 2 déc. 2008, n° 08-83.540.

■ Code civil

Article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Article 2044

« La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit. »

Article 2052

« Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. »

 Article 593 du Code procédure pénale

« Les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.

Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. »

 

Auteur :M. H.


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