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[ 7 février 2013 ] Imprimer

Droit de la famille

Le mariage du majeur protégé : une liberté limitée

Mots-clefs : Mariage, Majeur protégé, Curatelle, Autorisation, Constitutionnalité, Appréciation

Conforme à la Constitution, la décision d’autoriser le mariage du majeur protégé relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Un majeur placé sous le régime de la curatelle renforcée sollicite du juge des tutelles l’autorisation de se marier, conformément à l’article 460 du Code civil qui dispose que « le mariage d’une personne en curatelle n’est permis qu’avec l’autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge ». Par ordonnance, le juge saisi rejette sa demande. Pour confirmer cette ordonnance, la cour d'appel a souverainement estimé, en tenant compte tant des certificats établis par le médecin psychiatre ayant examiné le demandeur que des autres éléments d'appréciation versés aux débats, « qu’en considération de l'évolution psychopathologique des troubles présentés par l'intéressé et de sa perte de maîtrise des réalités financières, que le majeur n'était pas en mesure de donner un consentement éclairé au mariage ». Ce raisonnement est validé par la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi que le majeur protégé avait formé.

La première chambre civile rappelle tout d’abord que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par le demandeur à propos de l’article 460 du Code civil a déjà été examinée par le Conseil constitutionnel, ce qui justifie l’irrecevabilité d’une nouvelle demande. Cette affaire offre ainsi l’occasion de rappeler la récente déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition, qui soumet le droit au mariage du majeur protégé à autorisation. En effet, la même première chambre civile de la Cour de cassation avait transmis, le 12 avril 2012, une QPC au Conseil constitutionnel relative à la conformité de cette disposition aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il était alors soutenu que « l’article 460 du code civil, qui impose, pour le mariage d’une personne placée sous curatelle, l’autorisation du curateur ou, à défaut, du juge des tutelles, est contraire au principe constitutionnel de la liberté du mariage, acte strictement personnel et privé dont l’exercice doit être garanti toutes les fois où la réalité du consentement du majeur sous curatelle est vérifiée ». Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 29 juin 2012. Il a rappelé que la curatelle est une mesure judiciaire destinée à protéger juridiquement une personne dont les facultés mentales ou corporelles l’empêchent d’exprimer sa volonté selon l’article 425 du Code civil. L’article 460 s’applique à certaines personnes qui sont déclarées par le juge des tutelles comme ne pouvant garder le plein exercice de leurs droits, car « sans être hors d’état d’agir elle[s]-même[s], [elles ont] besoin, pour l’une des causes prévues à l’article 425, d’être assistée[s] ou contrôlée[s] d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile ».

Ainsi, le champ d’application du texte est-il limité. L’article 460 n’interdit donc pas aux personnes placées en curatelle de se marier ; il subordonne seulement leur mariage à l’obtention d’une autorisation. Cela se justifie par les effets, tant personnels que patrimoniaux, du mariage, tels que la solidarité (C. civ., art. 220), la présomption de mandat entre époux (C. civ., art. 220), ou encore le devoir d’assistance (C. civ., art. 212). Dès lors, « compte tenu des obligations personnelles et patrimoniales résultant du mariage, le Conseil constitutionnel juge qu’en subordonnant le mariage d’une personne en curatelle à l’autorisation du curateur ou à défaut, à celle du juge, le législateur n’a pas privé la liberté du mariage de garanties légales. Les restrictions prévues par la loi afin de protéger les intérêts de la personne n’ont pas porté à cette liberté une atteinte disproportionnée ». Pour déclarer l’article 460 conforme à la Constitution, le Conseil avait également relevé que la liberté du mariage du majeur protégé, à défaut d’accord du curateur, demeure préservée dès lors que le juge peut y suppléer par son pouvoir souverain d’appréciation.

En ce sens, la Cour de cassation affirme ici très clairement que la décision d’autoriser le mariage d’un majeur sous curatelle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, rendant ainsi inopérants les moyens critiquant les motifs retenus par le juge pour rejeter l’autorisation.

Civ. 1re, 5 déc. 2012, n°11-25.158

Références

 Cons. const. 29 juin 2012, décis. n° 2012-260 QPC, Dalloz Actu Étudiant 6 sept. 2012.

■ Code civil

Article 212

« Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »

Article 220

« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement. 

La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant. 

Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. »

Article 425

« Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. 

S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions. »

Article 460

« Le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge. 

Le mariage d'une personne en tutelle n'est permis qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents et de l'entourage. »

 

Auteur :M. H.


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