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[ 23 janvier 2013 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Loi de 1985 : présence d'un véhicule sur les lieux d'un accident de la circulation et notion d'implication

Mots-clefs : Accident de la circulation, Loi du 5 juillet 1985, Responsabilité, Implication, Véhicule terrestre à moteur, Rôle causal

La seule présence d'un véhicule sur les lieux d'un accident de la circulation, lui ayant occasionné un dommage matériel, ne suffit pas à caractériser son implication au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985.

Condition d'application du régime de responsabilité mis en place par la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 relative à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, l'implication d'un véhicule terrestre à moteur (ci-après « VTAM ») constitue également le fait générateur de l'obligation d'indemniser la victime des dommages résultant pour elle de l'accident. C'est dire le rôle central de cette notion, qui explique qu'elle soit l'objet d'un contentieux inépuisable quant à son interprétation, comme vient le rappeler un arrêt rendu le 13 décembre 2012 par la Cour de cassation.

En l'espèce, ayant entrepris une manœuvre de dépassement, un véhicule non assuré a percuté successivement une motocyclette et deux voitures circulant en sens inverse. L'accident a causé le décès du conducteur de la seconde automobile percutée et celui de son fils, passager. Les ayants droit des victimes ayant assigné en réparation de leur préjudice l'assureur du conducteur décédé, ont été appelés en la cause les assureurs de chacun des véhicules percutés, mais également l'assureur d'un véhicule circulant dans la file dépassée par l'auteur de l'accident.

En cause d'appel, ce dernier véhicule a effectivement été reconnu comme impliqué dans l'accident, parce qu'il avait reçu une projection de liquide corrosif occasionnée par l’une des collisions. La cour d'appel retient qu'ayant ainsi été directement victime d'un dommage matériel immédiatement consécutif aux collisions successives intervenues dans un même laps de temps entre les véhicules impliqués, le conducteur de ce véhicule est nécessairement impliqué au sens des dispositions de la loi du 5 juillet 1985. L'assureur s'est donc pourvu en cassation, critiquant l'arrêt d'appel pour avoir ainsi retenu l'implication du véhicule assuré.

Fidèle aux intentions du législateur de 1985, la jurisprudence a très tôt retenu une conception extensive et fonctionnelle de la notion d'implication : « un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident » (Civ. 2e, 28 févr. 1990 : véhicule frappé par une pierre tombée d'un talus qui traverse le pare-brise et blesse un passager). L'implication est soigneusement distinguée de la notion de causalité juridique : « l'absence de lien de causalité entre la faute d'un conducteur et le dommage subi par la victime n'exclut pas que le véhicule puisse être impliqué dans l'accident » (Civ. 2e, 11 avr. 1986). L'autonomie de la notion d'implication permet donc de retenir l'application de la loi de 1985 nonobstant le fait que l'accident soit dû à un cas de force majeure ou à la faute de la victime ou au fait d'un tiers présentant les caractères de la force majeure. Plus encore, l'implication du véhicule n'est pas subordonnée à la preuve de son rôle actif ou causal dans l'accident (sur l'incidence de cette notion en matière de responsabilité du fait des choses, V. Porchy-Simon), ce qui permet de retenir l'implication d'un véhicule même en l'absence de tout contact avec celui-ci, et indépendamment de l'anormalité du comportement ou de la position du VTAM (v. Civ. 2e, 18 mars 1998 : véhicule dépassé dont la présence dans la voie de droite avait empêché l'automobile accidentée de se rabattre ; pour un véhicule immobile, v. Civ. 2e, 13 juill. 2000).

Cette conception libérale de l'implication doit tout de même connaître des limites, ce qui ressort de la cassation prononcée ici au visa de l'article 1er de la loi de 1985 : « la seule présence d'un véhicule sur les lieux d'un accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication au sens du texte susvisé ». La Cour de cassation exprime ainsi dans un attendu de principe une solution qu'elle avait déjà eu l'occasion d'appliquer à plusieurs reprises (v. par ex. Civ. 2e, 8 juillet 2004), et selon laquelle la présence fortuite d'un véhicule au moment et sur les lieux de l'accident ne suffit à établir son implication, à défaut pour celui-ci d'avoir joué un rôle quelconque dans sa survenance. La solution demeure inchangée – précise l'arrêt rapporté – même si le véhicule en question a subi un dommage causé par l'accident.

Civ. 2e, 13 déc. 2012, no 11-19.696, FS-P+B

Références

■ Rep. civ., V° « Responsabilité – régime des accidents de la circulation ».

■ Porchy-Simon, Droit civil 2e année, Les obligations, 7e éd. , Dalloz, 2012, nos 680 s.

■ Civ. 2e, 28 févr. 1990, no 88-20.133, D. 1991. 123, note Aubert [2e esp.].

■ Civ. 2e, 11 avr. 1986, no 85-11.092Gaz. Pal. 1986. 2. 610, note Jourdain ; JCP 1986. II. 20672, note Barbiéri [2e esp.]).

■ Civ. 2e, 18 mars 1998, no 96-13.726, RCA 1998. Chron. 14, par Groutel.

■ Civ. 2e, 13 juill. 2000, no 98-21.530, RCA 2000. Comm. 324, obs. H. Groutel ; RTD civ. 2000. 853, obs. Jourdain.

 Civ. 2e, 8 juillet 2004, no 03-12.323.

 Article 1er de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 relative à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation

« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »

 

Auteur :P. P.


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