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[ 1 mars 2017 ] Imprimer

Droit civil

Modification des statuts d’une association : la majorité suffit !

Mots-clefs : Association, Modification des statuts, Procédure d’admission, Renouvellement, Quorum, Majorité, Unanimité (non)

Seule la modification des statuts d’une association qui aboutit à une augmentation des engagements des associés nécessite l'unanimité de ses membres.

L'assemblée générale d’une association de chasseurs avait décidé, par une délibération prise à la majorité de ses membres, de modifier les statuts relatifs à l'admission des sociétaires, celle-ci devenant renouvelable chaque année. Deux d’entre eux, dont la demande d'admission pour la nouvelle saison avait été rejetée, avaient assigné l'association en nullité de la délibération et des décisions de refus d'admission ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts. Pour accueillir leurs demandes, la cour d’appel retint que la modification statutaire en cause, ayant eu pour effet de permettre l'exclusion d'un adhérent sans motif disciplinaire et sans possibilité d'être entendu, aurait dû, en vertu du principe d'intangibilité des conventions et à défaut de disposition statutaire ou légale, être décidée à l'unanimité des membres participants. Au visa de l’ancien article 1134 du Code civil, cette décision est cassée au motif que dans le silence des statuts d'une association, seules les modifications statutaires ayant pour effet d'augmenter les engagements des associés doivent être adoptées à l'unanimité, ce qui n’était pas le cas, en l’espèce, la modification décidée par l'assemblée générale ayant seulement eu pour effet de soumettre ses membres à une procédure annuelle d'admission, et donc de diminuer éventuellement leurs droits, sans en augmenter les engagements. 

Dans les associations reconnues d'utilité publique, les modifications statutaires peuvent être décidées par une assemblée générale devant grouper le quart, au moins, des membres de l'association ayant pris la décision et à la majorité des deux tiers. Dans les autres associations, les statuts déterminent librement les conditions de quorum et de majorité. En cas de silence des statuts, une jurisprudence ancienne de la cour d'appel de Douai avait décidé que les statuts résultant d'un contrat qui avait, pour sa conclusion, requis l'accord unanime des associés, la même unanimité devrait en conséquence être requise pour la modification de ce contrat (CA Douai, 25 avr. 1910). La Cour de cassation semble pour sa part permettre, au nom de la liberté contractuelle, que même des décisions s'imposant à tous les membres d’une association, telle une modification statutaire, puissent être simplement prises à la majorité afin de permettre aux associations de répondre sans entrave excessive aux besoins qu'elles sont appelées à satisfaire. Aussi bien, la liberté contractuelle justifie-t-elle qu’une association dotée de la personnalité morale puisse, sauf dispositions réglementaires ou législatives impératives contraires, modifier la procédure d’admission de ses membres sans être contrainte par l'exigence d'une décision unanime des associés pour modifier ses statuts. 

Comme le rappelle ici la Cour, il n’y a que dans l’hypothèse où la modification statutaire a pour effet d'augmenter les engagements des associés que l'unanimité se révèle nécessaire (Civ. 3e, 20 juin 2001, n° 99-17.961). La règle, issue du droit des sociétés, repose sur deux fondements textuels : l' article 1836, alinéa 2, du Code civil décide ainsi qu'« en aucun cas, les engagements d'un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci », auquel fait écho l 'article L. 225-96, alinéa 1, du Code de commerce, selon lequel l'assemblée générale extraordinaire d'une société anonyme ne peut « augmenter les engagements des actionnaires, sous réserve des opérations résultant d'un regroupement d'actions régulièrement effectué ». Si les textes applicables aux associations – tant ceux issus de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association que ceux issus de celle du 21 juin 1865 sur les associations syndicales libres - ne comportent pas de dispositions identiques, ce dont il aurait pu être déduit que les engagements des associés pouvaient être augmentés à la majorité prévue par les statuts, conformément à l'ancien article 1134 du Code civil, une telle solution a néanmoins été écartée pour éviter la situation paradoxale à laquelle elle aurait mené, celle de garantir la protection des membres d'une association moins efficacement que celle des membres d'une société. Ainsi la règle est-elle devenue commune à l'ensemble des groupements (V. E. Alfandari, « Associations et sociétés : points de rencontre », LPA, n° 50, 24 avr. 1996, p. 47 ; D. Randoux, « Vers un droit commun des groupements », JCP 1996, I, 3982), de telle sorte que la modification des statuts d'une association emportant augmentation des engagements des membres ne peut être décidée qu'à l'unanimité, comme l’a décidé la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt précité arrêt du 20 juin 2001 à propos d'une modification statutaire affectant la répartition des charges entre les membres et comme le rappelle ici, mais pour en refuser cette fois l’application, la première chambre.

Civ. 1re, 1er février 2017, n° 16-11.979

Références

■ CA Douai, 25 avr. 1910 : Gaz. Pal. 1910, 2, jurispr. p. 95

■ Civ. 3e, 20 juin 2001, n° 99-17.961 P, Rev. sociétés 2002. 321, note E. Alfandari.

 

Auteur :M. H.


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