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[ 18 février 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Nullité du contrat de construction de maison individuelle : la démolition n’est pas une condition d’engagement de l’action

Mots-clefs : Contrat de construction de maison individuelle (CCMI), Action en nullité, Effets, Indemnisation du préjudice, Démolition de l’immeuble (non)

La demande en nullité du contrat de construction de maison individuelle faite par le maître de l’ouvrage n’est pas soumise à l’exigence de démolition, celle-ci pouvant se limiter à l’indemnisation du préjudice résultant de la nullité.

 Un couple avait conclu un contrat de construction de maison individuelle avec une société, puis avait assigné celle-ci en nullité du contrat, invoquant le non-respect de certaines dispositions d’ordre public de la réglementation applicable en la matière, tout en souhaitant conserver la construction. La société, quant à elle, avait reconventionnellement sollicité la résolution du contrat aux torts des maîtres de l’ouvrage. La cour d’appel déclara la demande en nullité des maîtres de l’ouvrage irrecevable au motif qu’ils ne pouvaient pas demander l’annulation du contrat sans solliciter dans le même temps la démolition de la construction, et que s’étant abstenus d’y procéder, leur demande ne pouvait être valablement prise en compte. La question soumise à la Cour était donc de savoir si les maîtres de l’ouvrage pouvaient invoquer la nullité du contrat sans demander la remise en l’état initial du terrain sur lequel la maison avait été construite, autrement dit la démolition.

A cette question, la Cour de cassation répond par l’affirmative, jugeant « que le maître de l’ouvrage, qui invoque la nullité d’un contrat de construction de maison individuelle, n’est pas tenu de demander la démolition de la construction, que le juge n’est pas tenu d’ordonner, et peut limiter sa demande à l’indemnisation du préjudice résultant de cette nullité ».

A titre liminaire, rappelons qu'assurant une fonction générale de protection de l'accédant à la propriété, l'article L. 230-1 du Code de la construction et de l'habitation attribue à l'ensemble du régime du contrat de construction de maison individuelle un caractère d’ordre public. C’est dans cette optique protectrice que la jurisprudence offre au maître de l’ouvrage la possibilité de demander la nullité du contrat de construction de maison individuelle, qui sera prononcée en cas de violation des règles d'ordre public protégeant ses intérêts, comme elle lui ouvre le droit de solliciter la restitution des sommes versées en exécution de celui-ci et qu’elle l’autorise, enfin, à demander la démolition de la construction.

La violation de ces règles d’ordre public, visant à protéger le maître d’ouvrage, est sanctionnée par la nullité relative du contrat. Or dans tous les cas, la nullité du contrat, par essence rétroactive, implique de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion de ce dernier. Dans le cadre spécifique du Contrat de construction de maison individuelle (CCMI), il conviendrait donc a priori de restituer les sommes versées par les maîtres de l’ouvrage au constructeur et de remettre le terrain en l’état, c’est-à-dire de le démolir. Or s’il est acquis que, dans son intérêt, le maître de l’ouvrage est en droit de demander la démolition de la construction (Civ. 3, 26 juin 2013, n° 12-18.121 - La nullité du contrat de construction de maison individuelle ouvre le droit pour le maître de l'ouvrage de solliciter la démolition sans indemnité pour le constructeur), demeurait la question de savoir si cette demande devait être considérée comme une condition de recevabilité de l’action en nullité. Les juridictions du fond n’étant pas unanimes (V. Le nouveau régime de la nullité du contrat de construction de maison individuelle, A. Vennetier – F. Garcia, RDI 2014. 147), la décision rapportée a le mérite de régler la question, la Cour affirmant l’indépendance des deux actions en sorte que l’annulation du contrat peut être obtenue sans qu’il soit nécessaire de requérir la démolition de la construction. Elle mérite aussi d’être approuvée en ce qu’elle conduit à tempérer la sévérité de la sanction traditionnellement imposée au constructeur, lequel a par principe à sa charge la démolition (Civ. 3e, 26 juin 2013, préc.).

En revanche, s’agissant des conséquences de l’annulation, c’est-à-dire des restitutions, l’arrêt est plus lacunaire. Un éclairage avait néanmoins été récemment apporté par la même troisième chambre civile dans l'hypothèse d’une construction qui avait été conservée par le maître de l'ouvrage, comme en l'espèce. La Cour avait alors consacré le droit du constructeur à la restitution des sommes versées, la tâche des juges consistant à évaluer la valeur globale de la prestation fournie par le constructeur en la minorant, le cas échéant, du montant des désordres constatés (Civ. 3e, 17 juin 2015, n° 14-14.372). En l’espèce, la Cour reconnaît au maître de l’ouvrage la possibilité de limiter sa demande à l’indemnisation du préjudice résultant de la nullité prononcée, les juges devant naturellement tenir compte, pour évaluer ce préjudice, des conséquences de la conservation de la construction par le maître de l’ouvrage.

Si « Carthago delenda est », ce n’est donc pas forcément le cas de la maison individuelle.

Civ. 3e, 21 janv. 2016, n° 14-26.085

Références

■ Civ. 3e, 17 juin 2015, n° 14-14..372D. 2015. 2198.

■ Civ. 3e, 26 juin 2013, n° 12-18.121D. 2013. 1685 ; RDI 2013. 474, obs. F. Garcia et A. Vennetier.

 

 

 

 

 

 

 

 

Auteur :M. H.


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