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[ 17 février 2015 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Question de compétence en matière de rétention administrative

Mots-clefs : Tribunal des conflits, Rétention administrative, Compétence du juge judiciaire, Juge de la liberté et de la détention, Liberté individuelle, Conseil constitutionnel

Le juge judiciaire est le seul juge compétent pour mettre fin à une rétention administrative lorsqu’elle ne se justifie plus quel que soit le motif.

En l’espèce, un étranger, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, assorti d’un placement en rétention administrative. Le juge de la liberté et de la détention (JLD) a prolongé par deux fois son placement. Cet homme soutenait que ce placement ne se justifiait plus en raison du caractère improbable de la délivrance à court terme d’un document de voyage par les autorités égyptiennes. Toutefois, le JLD a estimé qu’il était incompétent pour se prononcer car il serait alors amené à apprécier la légalité de la décision administrative de placement en rétention administrative.

Le Tribunal des conflits, saisi de cette affaire, décide de la compétence du juge judiciaire pour mettre fin, à tout moment à la rétention administrative, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient.

Pour cela, il se réfère, tout d’abord, à l’article L. 554-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, selon lequel un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et aux articles L. 552-1 et L. 552-7 du même code qui précisent que la prolongation de la rétention, dans la limite de deux fois vingt jours, est subordonnée à des décisions du juge judiciaire.

Ensuite, pour la première fois, le Tribunal des conflits se fonde sur deux décisions du Conseil constitutionnel (du 20 nov. 2003 et du 9 juin 2011), et plus précisément sur les réserves d’interprétation émises dans ces deux décisions, pour décider qu’il est de la compétence du juge judiciaire de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque les circonstances de fait ou de droit le justifient. Le Conseil constitutionnel avait fondé ses décisions en se référant à l’article 66 de la Constitution selon lequel l’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle.

Le Tribunal rappelle, enfin, que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l’article 62 de la Constitution.

Dès lors, le juge judiciaire est compétent pour connaître, en l’espèce du litige entre l’étranger et le préfet de Seine-et-Marne. Toutefois, dans cette affaire, les délais légaux de la rétention administrative étant expirés, il n’y a pas lieu de renvoyer les parties devant le juge compétent.

T. confl. 9 févr. 2015, M. H. c/ Préfet de Seine-et-Marne, n° 3986

 

Références

 Cons. const. 20 nov. 2003, n° 2003-484 DC.

■ Cons. const. 9 juin 2011, n° 2011-631 DC.

■ Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Article L. 552-1

« Quand un délai de cinq jours s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l'étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé ou de son conseil, s'il en a un. L'étranger peut demander au juge des libertés et de la détention qu'il lui soit désigné un conseil d'office. Toutefois, si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle. »

NOTA : Le décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011, article 22, a fixé la date d'entrée en vigueur de ces dispositions au 18 juillet 2011, conformément à l'article 111 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011. Toutefois les dispositions introduites par le 1° de l'article 51 ne sont applicables qu'aux décisions de placement en rétention et à celles concernant l'interdiction de retour prises après cette date.

Article L. 552-7

« Quand un délai de vingt jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de cinq jours mentionné à l'article L. 552-1 et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.

Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration, pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa.

Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S'il ordonne la prolongation de la rétention, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa du présent article et pour une nouvelle période d'une durée maximale de vingt jours.

Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, si l'étranger a été condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d'expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement et qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d'un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois.

L'article L. 552-6 est applicable. »

NOTA : Le décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011, article 22, a fixé la date d'entrée en vigueur de ces dispositions au 18 juillet 2011, conformément à l'article 111 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011. Toutefois ces dispositions ne s'appliquent qu'aux décisions de placement en rétention et à celles concernant l'interdiction de retour prises après cette date.

Article L. 554-1

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. »

■ Constitution du 4 octobre 1958

Article 62

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Article 66 

« Nul ne peut être arbitrairement détenu.

L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

 

 

Auteur :C. G.


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