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[ 23 novembre 2011 ] Imprimer

Droit administratif général

Référé-liberté : une procédure adaptée pour traiter des situations de mise en danger des personnes

Mots-clefs : Référé, Procédure, Référé-liberté, Droit au respect de la vie, Autorité publique, Chantier des Halles, Péril, Mesure de sauvegarde

Le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative a précisé le Conseil d’État, dans une décision du 16 novembre 2011.

Le problème posé par cette affaire était de savoir quelle est la voie de référé appropriée pour prévenir ou faire cesser un péril dont la cause se trouve dans l’action ou la carence de l’autorité publique. Après avoir rappelé deux procédures d’urgence utilisées,

– le référé-suspension qui a pour objet de demander la suspension de l’exécution d’une décision administrative à l’origine du péril (art. L. 521-1 CJA) ;

– le référé-conservatoire ou référé « mesures utiles » (art. L. 521-3 CJA) qui permet de demander au juge toute mesure utile avant même que l’administration ait pris une décision ; l’objectif étant de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à ce péril. À ce titre, le juge peut suspendre la demande d’une action décidée par l’autorité publique ;

le Conseil d’État reconnaît que lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique créer un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie (art. 2 Conv. EDH) et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de 48 heures, le juge des référés, peut, en appliquant la procédure du référé-liberté (art. L. 521-2 CJA), ordonner les mesures nécessaires à faire cesser le danger résultant de cette action en carence.

En l’espèce, le 20 septembre 2011 est survenu un incident lors des travaux du chantier des Halles à Paris réalisés par la société d’économie mixte PariSeine agissant comme maître d’ouvrage délégué de la Ville de Paris. La dalle du plafond du magasin H&M a été perforée à plusieurs endroits à la suite d’une erreur du conducteur du brise roche hydraulique utilisé pour détruire le renformis en béton sur la dalle de couverture du centre commercial. Après cet incident, qui s’est déroulé à une heure où le magasin de vêtements n’était pas ouvert aux clients, une nouvelle méthodologie de destruction a été préconisée afin de remédier au problème. Mais la société H&M saisit le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l’article L. 521-2 CJA afin que soient suspendus les travaux de démolition à l’aplomb de son établissement recevant du public. Le juge des référés accepte cette demande pour une durée de 72 heurs afin qu’il soit procédé aux réparations du plafond du magasin et qu’un bureau d’étude ou un sachant vérifie les travaux. Saisi de l’appel de la Ville de Paris et de la société d’économie mixte PariSeine, la section du contentieux du Conseil d’État, tout en acceptant pour la première fois que le juge des référés puisse être saisi par la voie du référé-liberté pour l’action ou la carence d’une autorité publique, juge, en l’espèce, que l’ensemble des circonstances ne fait apparaître aucun danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes. Ainsi, l’autorité publique n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale susceptible de constituer une situation d’urgence particulière.

Selon Serge Slama, par cette affaire, le Conseil d’État consacre « la 22e liberté fondamentale protégée dans le cadre du référé-liberté » (« Consécration du droit à la vie comme liberté fondamentale protégée par le référé-liberté en cas de danger caractérisé et de péril imminent » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 9 nov. 2011).

CE, Sect., 16 nov. 2011, Ville de Paris et Société d’économie mixte PariSeine, n° 353172 et 353173

Références

■ Référé administratif

[Droit administratif]

« •  Référé-conservatoire. Procédure permettant au juge des référés administratif, en cas d’urgence, d’ordonner toute mesure utile, à la demande de l’Administration ou d’un administré, sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative. Exemple : ordonner la cessation de travaux présentant des risques graves et immédiats pour un élément du domaine public limitrophe.

(…)

    Référé-liberté. Procédure permettant au juge des référés administratif, en cas d’urgence, d’ordonner les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une collectivité publique (ou un organisme chargé d’une mission de service public) aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale dans l’exercice d’un de ses pouvoirs. Cette atteinte peut être représentée aussi bien par un simple comportement que par une décision juridique.

(…)

   Référé-suspension. Procédure permettant au juge des référés administratif, en cas d’urgence, quand une décision administrative fait l’objet d’un recours en annulation ou en réformation, d’en suspendre l’exécution quand il est invoqué contre elle un moyen propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité. »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

Article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à la vie

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ;

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

■ Code de la justice administrative

Article L. 521-1

« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »

Article L. 521-2

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

Article L. 521-3

« En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. »

 

 

Auteur :C. G.


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