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[ 16 décembre 2014 ] Imprimer

Droit administratif général

Rejet des demandes d’annulation de la circulaire Taubira

Mots-clefs : Recours pour excès de pouvoir, Caractère impératif, Mère porteuse, GPA, Circulaire Taubira, Certificat de nationalité, État civil étranger, Registre de l’état civil, État civil de l’enfant, Transcription

Le Conseil d’État valide la circulaire Taubira sur la délivrance des certificats de nationalité aux enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui.

Saisi de plusieurs recours en annulation contre la circulaire en date du 25 janvier 2013 intitulée « Délivrance des certificats de nationalité française – convention de mère porteuse – état civil étranger », le Conseil d’État a rejeté ces requêtes. Les requérants estimaient, notamment, que cette circulaire était une manière de valider le contournement de la loi qui interdit de recourir à une mère porteuse à l’étranger.

La circulaire du 25 janvier 2013, adressée notamment aux greffiers en chef des tribunaux d’instance, leur recommande de faire droit aux demandes de délivrance de certificats de nationalité française (CNF) aux enfants nés à l’étranger de Français ayant eu recours à une convention de mère porteuse.

Il est important de rappeler que le Conseil d’État n’a pas compétence pour se prononcer sur les questions de filiation et de nationalité qui relèvent du juge judiciaire. Cependant, le Conseil d’État est compétent, en premier et dernier ressort, pour se prononcer sur les demandes d’annulation de circulaires ministérielles comme en l’espèce.

Ainsi, le Conseil d’État devait décider si la circulaire litigieuse modifiait le droit en vigueur ou si elle avait uniquement pour vocation de rappeler le contenu de la loi.

Avant sa décision du 18 décembre 2002, le Conseil d’État distinguait deux types de circulaires : les circulaires interprétatives et les circulaires réglementaires.

Les premières avaient pour objectif de commenter ou de rappeler un texte, elles ne faisaient pas grief et ne pouvaient être invoquées à l'appui d'un recours.

Les secondes, ajoutaient des éléments au texte qu’elles devaient seulement commenter, elles créaient ainsi des règles nouvelles, un recours était alors possible (CE, ass., 29 janv. 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker).

Depuis 2002, le Conseil d’État a fixé un nouveau critère de recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre une circulaire. Ce critère réside dans le caractère impératif ou non de la circulaire : l'interprétation que l'autorité administrative donne, des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire font grief, tout comme le refus de les abroger.

Ainsi, le recours formé contre les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entend expliciter ou si cette interprétation réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

En l’espèce, après avoir rappelé la jurisprudence de 2002, le Conseil d’État considère que la circulaire litigieuse s’est bornée à rappeler les dispositions de l’article 47 du Code civil.

Le Conseil d’État précise toutefois que les contrats de gestation ou de procréation pour autrui sont interdits par le Code civil et que cette interdiction est d’ordre public.

Cependant, il valide la circulaire litigieuse en invoquant le fait que « la seule circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine un contrat qui est entaché de nullité au regard de l’ordre public français ne peut, sans porter une atteinte disproportionnée à ce qu’implique, en termes de nationalité, le droit de l’enfant au respect de sa vie privée, garantie par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, conduire à priver cet enfant de la nationalité française à laquelle il a droit, en vertu de l’article 18 du code civil et sous le contrôle de l’autorité judiciaire, lorsque sa filiation avec un Français est établie ».

Par suite, la circulaire attaquée n’est entachée d’aucun excès de pouvoir en ce qu’elle expose que « le seul soupçon de recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui conclue à l’étranger ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française dès lors que les actes d’état civil local attestant du lien de filiation avec un Français, légalisés ou apostillés sauf dispositions conventionnelles contraires, peuvent être, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, regardés comme probants, au sens de l’article 47 du code civil ».

Il est important de rappeler, que pour rendre cette décision, le Conseil d’État a pris en compte les deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme le 26 juin 2014 condamnant la France pour avoir refusé de transcrire des actes d’état civil étrangers pour les enfants nés de GPA. Ce refus a, selon la CEDH, porté atteinte au droit des enfants au respect de leur vie privée au sens de l'article 8 Conv. EDH (Mennesson c/ France et Labassée c/ France : interdire totalement l'établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques nés d'une gestation pour autrui à l'étranger est contraire au droit des enfants au respect de leur vie privée au sens de l'article 8 Conv. EDH).

CE 12 déc. 2014, Assoc. Juristes pour l’enfance et autres, n°s 367324, 366989, 366710,365779, 367317, 368861

Références

 Circulaire du 25 janvier 2013 relative à la délivrance des certificats de nationalité française – convention de mère porteuse – État civil étranger, NOR : JUSC1301528C.

 CE, sect., 18 déc. 2002, n° 233618, au Lebon avec les conclusions ; RFDA 2003. 280, concl. P. Fombeur ; ibid. 510, note J. Petit.

■ CE, ass., 29 janv. 1954, Institution Notre-Dame du KreiskerLebon 64.

■ CEDH, 5e sect. 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France et n° 65941/11, Labassée c/ France, AJDA 2014. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2014. 1797, et les obs., note F. Chénedé ibid. 1773, chron. H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 1806, note L. d'Avout ; AJ fam. 2014. 499, obs. B. Haftel ; ibid. 396, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2014. 887, note C. Bergoignan Esper ; RTD civ. 2014. 616, obs. J. Hauser.

■ Code civil

Article 18

« Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. »

Article 47

« Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

■ Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit au respect de la vie privée et familiale

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

 

Auteur :C. G.


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