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[ 8 octobre 2015 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Temps de travail : Précision de la Cour de justice de l’Union européenne

Mots-clefs : Droit de l’Union, Temps de travail, Déplacement des travailleurs, Politique sociale

Doivent être considérés comme temps de travail les déplacements des travailleurs sans lieu de travail fixe ou habituel entre leur domicile et le premier ou le dernier client de la journée. 

 

La directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail garantit la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs dans l’Union. Elle définit en outre à l’article 2 la notion de « temps de travail » comme : « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions » a contrario : « toute période qui n'est pas du temps de travail est considérée comme temps de repos ».

Dans le cadre de cette affaire, une société espagnole exerçant des activités d’installation et de maintenance de systèmes de sécurité permettant d’éviter les risques de cambriolages dans les maisons privées ou dans les établissements industriels et commerciaux, refuse de considérer que le déplacement « domicile-clients » effectué par ses techniciens employés relève de leur temps de travail. Ainsi, depuis la fermeture des bureaux régionaux de la société en 2011, les employés dorénavant sans lieu de travail fixe et habituel, sont amenés à se déplacer chaque jour depuis leur propre domicile vers les sites d’interventions. Partant de ce fait, la société en question décompte du temps de travail le déplacement des salariés du premier et du dernier client de la journée vers leur domicile au motif que « seul le temps des interventions entre chaque clients est pris en compte». La juridiction de renvoi espagnole constatant que la notion de « temps de travail » étant opposée à celle de  « temps de repos », saisit dans ce cadre la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle relative à la mise en œuvre de l’aménagement du temps de travail des employés concernés.

Dans le présent arrêt du 10 septembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur l’interprétation de la notion de « temps de travail » au sens de l’article 2 de la directive n° 2003/88/CE.

En premier lieu, la cour estime qu’en refusant de considérer que le déplacement « domicile-clients » constitue l’exercice de l’activité et des fonctions des employés, l’interprétation de la société en question a pour effet de « dénaturer cette notion et nuire à l’objectif de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs » (§ 32).

En second lieu, la Cour rappelle, par application jurisprudentielle (CJCE, 3 oct. 2000, Simap, C-303/98), que le temps de travail recouvre une situation durant laquelle les travailleurs ne peuvent gérer leur temps selon leurs propres intérêts afin de répondre aux exigences de leur employeur. Elle juge, en l’espèce qu’en dépit de la crainte exprimée par le gouvernement espagnol à ce que les travailleurs se livrent à leurs activités personnelles lors de leur déplacement, ils sont cependant soumis aux instructions et obligations de leur employeur.

Enfin, la CJUE considère que la décision de supprimer les bureaux régionaux ne relève que de la volonté de l’employeur au détriment de celle des employés. En effet, ces derniers n’ont désormais plus la possibilité de de déterminer librement et à l’avance la distance qu’ils devront parcourir entre leur domicile et leur lieu de travail.

Au regard de ces faits constatés, la Cour luxembourgeoise reconnait que les déplacements « domicile-clients » effectués par les employés concernées relèvent de leur temps de travail et qu’ils ne doivent ainsi pas être décomptés par leur employeur. 

Cet arrêt révèle la volonté du droit de l’Union à ce que la notion de « temps de travail » soit garantie comme une règle importante de droit social. L’objectif de la directive étant ainsi d’améliorer les conditions de travail au sein des différents États membres en règlementant notamment la durée et l’aménagement du temps de travail dans le but d’assurer une meilleure protection des travailleurs au sein de l’Union européenne.

CJUE 10 sept. 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (CC.OO.) / Tyco Integrated Security SL et Tyco Integrated Fire & Security Corporation Servicios SA, C- 266/14.

Références

■ Directive 2003/88/CE du 4 nov. 2003 relative à l’aménagement du temps de travail.

■ CJCE 3 oct. 2000, SimapC-303/98Dr. soc. 2001. 76, note J. Barthélémy ; ibid. 1097, note F. Baron ; ibid. 2003. 859, chron. Sean Van Raepenbusch.

 

 

Auteur :E. A.


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