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[ 25 janvier 2016 ] Imprimer

Droit administratif général

Ville de Béziers : suspension de la délibération créant la « garde biterroise »

Mots-clefs : Référés, Déféré préfectoral, Suspension, Légalité, Garde de citoyens, Police administrative, Collaborateur occasionnel du service public

La décision de création d’une garde composée de citoyens bénévoles ayant une mission de surveillance paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision.

Par une délibération du 15 décembre 2015, le conseil municipal de Béziers a décidé de la création de la « garde biterroise » en faisant appel à d’anciens policiers, gendarmes, militaires et pompiers en tant que collaborateurs occasionnels. Leur mission consiste à apporter leur aide à la collectivité, dans un contexte marqué par l'état d'urgence, et plus spécifiquement à surveiller les bâtiments publics, à déambuler sur la voie publique et à appeler les forces de police en cas de troubles à l’ordre public ou de comportements délictueux. Leur rôle ne se confond pas avec celui des forces de l'ordre mais vise, par leur action vigilante, à soulager les autorités de police en leur permettant de se concentrer sur leurs missions régaliennes. 

A la demande du préfet de l’Hérault, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu, sur le fondement de l’article L. 554-1 du Code de justice administrative, l’exécution de cette délibération et enjoint à la commune de Béziers, de surseoir à la mise en place opérationnelle de la garde biterroise et de mettre fin à toute mesure d’information et de publicité la concernant, jusqu’à ce que le tribunal ait statué sur le déféré tendant à l’annulation de la délibération.

Dans cette décision, deux notions importantes de droit administratif sont rappelées : la notion de police administrative et celle de collaborateur occasionnel du service public.

La police administrative, un service public, qui par sa nature ne peut se déléguer

Contrairement à la police judiciaire qui a un but de répression, la police administrative a pour objet de protéger l’ordre public (tranquillité, sécurité, salubrité publiques). Il convient de noter qu’une mission de police administrative peut se transformer en opération de police judiciaire. 

Selon l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 19 janvier 2016, en vertu de l’article L. 511-1 du Code de la sécurité intérieure et des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, les missions de surveillance de bâtiments et de la voie publique d’une commune sont des missions de police administrative relevant de la police municipale et sont exercées par le maire ou par les agents de police placés sous son autorité et sous le contrôle du représentant de l’État. Il s’ensuit que le conseil municipal ne pouvait légalement confier à des particuliers ces missions de surveillance. En effet, il est interdit de déléguer des pouvoirs de police (V. par ex. : CE 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary, n° 12045 : le service de la police rurale, par sa nature, ne saurait être confié qu'à des agents placés sous l'autorité directe de l'administration de telle sorte qu'il y a excès de pouvoir si la charge de ce service est confiée à une fédération de propriétaires privés. CE 23 mai 1958, Cts Amoudruz, n° 35737, 31976 et 32078: la commune ne peut se dégager de la responsabilité afférente à l'exercice de sa mission de police. CE 1er  avr. 1994, Cne de Menton et a., n° 144152 et 144241 : la gestion du stationnement payant sur la voie publique peut être déléguée à une société privée mais non l'exercice de prérogatives telles que la constatation des infractions au stationnement payant. CE 29 déc. 1997, Cne d'Ostricourt, n° 170606 : des tâches de surveillance et de gardiennage des immeubles municipaux et du mobilier urbain peuvent être confiées à une entreprise spécialisée, sur le fondement des articles 1er et 3 la loi du 12 juill. 1983 régissant cette activité, (V. désormais CSI, L. 611-1 et L. 613-1), mais non des tâches de surveillance de la voie publique. Par ailleurs, le juge des référés soutient qu’en l’espèce ne sont ni établies, ni invoquées les circonstances exceptionnelles. Ainsi, « le conseil municipal d’une commune qui, en vertu de l’article L. 2121-29 du Code général des collectivités territoriales règle par ses délibérations les affaires de la commune, ne tient d’aucune dispositions législatives ou réglementaires actuellement en vigueur la compétence pour créer, de sa propre initiative et pour une durée non déterminée » un service de garde comme celui mentionné dans la délibération du 23 décembre 2015 de la commune de Béziers.

La notion de collaborateur occasionnel du service public

La notion de collaborateur occasionnel du service public est une notion essentiellement jurisprudentielle. Elle s’est développée dans un souci d’indemnisation des personnes qui, à l’occasion de leur participation désintéressée à l’exécution d’un service public, ont subi des dommages. Le juge a voulu protéger une catégorie ne bénéficiant d’aucun régime législatif de réparation des accidents du travail. Ainsi, un collaborateur occasionnel du service public peut se définir comme un particulier qui a participé de manière effective et directe à l’exécution d’un service public dans un soucis de servir l’intérêt général (V. par ex : CE, ass., 22 nov. 1946, Cne de St Priest-La-Plaine, n° 74725 : personnes blessées après avoir accepté de tirer bénévolement un feu d’artifice à la demande du maire ; CE, sect., 25 sept. 1970, Cne de Batz-sur-Mer, n° 73707 : décès d’une personne ayant porté secours à un enfant emporté par la mer ; CE, sect., 13 janv. 1993, Dame Galtié, n° 63044 : accident survenu à une accompagnatrice à l'occasion d'une sortie scolaire des élèves du lycée franco-hellénique de Delphes ; CE, sect., 12 oct. 2009, Mme Chevillard et a., n° 297075 : salarié d’un entreprise collaborateur occasionnel du service public).

En l’espèce, la notion de collaborateurs occasionnels du service public invoquée dans la délibération litigieuse, concernant les personnes bénévoles composant la garde biterroise ne peut être retenue, selon le juge des référés du tribunal administratif, en raison notamment de la durée indéterminée de ce service de garde. La sollicitation de ce type de collaborateurs n’existe qu’à titre temporaire et exceptionnel lors d’une carence ou une insuffisance avérée des services de l’administration ou en cas d’urgence. Par ailleurs, il est important de rappeler que cette notion a été créée par la jurisprudence afin de permettre l’application d’un régime favorable de responsabilité au profit des particuliers.

Il s’ensuit que la délibération du conseil municipal de la commune de Béziers en date du 15 décembre 2015 relative à la création de la garde biterroise est suspendue.

TA Montpellier, réf., 19 janvier 2016, Préfet de l’Hérault, n° 1506697

Références

■ CE 17 juin 1932, Ville de Castelnaudary, n° 12045: Lebon 595 ; DP 1932. 3. 26, concl. Josse.

■ CE 23 mai 1958, Cts Amoudruz, n° 35737, 31976 et 32078: Lebon 301 ; AJDA 1958. 309, chron. Fournier et Combarnous.

■ CE 1er  avr. 1994Cne de Menton et a., n° 144152 et 144241: Lebon 175 ; RDI 1995. 303, obs. J.-B. Auby et C. Maugüé

■ CE 29 déc. 1997, Cne d'Ostricourt, n° 170606: Lebon T. 706.

■ CE, ass., 22 nov. 1946Cne de St Priest-La-Plaine, n° 74725, Lebon GAJA.

■ CE, sect., 25 sept. 1970Cne de Batz-sur-Mer, n° 73707, Lebon.

■ CE, sect., 13 janv. 1993Dame Galtié, n° 63044, Lebon ; D. 1994. 59, obs. P. Terneyre et P. Bon ; RFDA 1994. 91, note P. Bon.

■ CE, sect., 12 oct. 2009Mme Chevillard et a., n° 297075, Lebon ; AJDA 2009. 1863 ; RFDA 2010. 410, note F. Lemaire.

 

Auteur :C. G.


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