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[ 12 avril 2013 ] Imprimer

La défense des droits fondamentaux des étrangers

Chaque année, La Cimade milite pour la défense des droits fondamentaux des étrangers et le respect de leur dignité. L’association accueille et accompagne plusieurs dizaines de milliers de migrants et de demandeurs d'asile dans ses permanences réparties sur l’ensemble du territoire (plus de 80 groupes locaux). Elle intervient également en prison, et dans des centres de rétention administrative où sont retenues les personnes faisant l’objet d’une mesure d’expulsion. Jean-Claude Mas — qui a pris ses fonctions de secrétaire général de l’organisation au début de l’année 2013 — répond à nos questions sur l’actualité des demandeurs d’asile.

Quelle est la part de juristes travaillant pour La Cimade ? Quelles sont leurs missions ?

La Cimade se compose notamment de juristes salariés exerçant effectivement des missions d’accès aux droits, d’accompagnement juridique et judiciaire des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés, ainsi que d’autres missions, nécessitant également des compétences juridiques, de plaidoyers, d’information et d’analyse des politiques publiques en matière d’immigration et de droit des étrangers. Une part importante de ces missions est également assumée par des bénévoles, pas forcément juristes à la base, mais qui ont développé des compétences importantes dans nos domaines d’intervention.

Quelle avancée majeure dans le système de protection des fillettes est consacrée par les arrêts du Conseil d’État du 21 décembre 2012 ?

L’avancée majeure est la reconnaissance du statut de réfugié pour les fillettes qui risquent l’excision parce qu’elles appartiennent à un groupe social susceptible d’être persécuté. Les rédacteurs de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés n’ont pas donné une définition très claire de cette notion de « groupe social ». Cependant l’Agence des Nations unies pour les réfugiés  (HCR)  a peu à peu construit une définition qui a été en partie reprise par la directive européenne sur les critères d’octroi du statut de réfugié que le Conseil d’État a lui-même reprise dans ses arrêts d’Assemblée. Cette avancée de la jurisprudence intervient après plusieurs années d’errements de l’Office français des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (NDA) qui avait considéré qu’en raison de leur âge elles ne pouvaient exprimer leur refus de ne pas être excisées mais, du fait qu’elles risquaient de subir des traitements inhumains et dégradants, elles pouvaient toutefois bénéficier de la protection subsidiaire (qui donne droit à une carte de séjour d’un an au lieu de dix pour les réfugiés). C’est aussi pour la première fois la reconnaissance par le Conseil d’État que des persécutions spécifiques aux femmes relèvent de la convention de Genève. En effet, le Conseil d’État a par exemple refusé d’inclure dans la convention les mariages imposés en Turquie considérant qu’il s’agissait d’un phénomène privé. Sur ce thème, il faut noter que la directive revue de 2011 a introduit la question de l’identité de genre comme un motif d’appartenance à un groupe social.

Faut-il craindre, selon vous, les conditions posées à cette garantie par la juridiction administrative ?

En même temps qu’il fait un saut dialectique sur le principe, le Conseil d’État a strictement borné son application en exigeant au demandeur de justifier ses craintes en fonction de critères familiaux géographiques et sociologiques (la charge de la preuve revient donc principalement au demandeur), et en réactivant la notion d’asile interne qui n’avait pas véritablement été intégrée dans la jurisprudence (l’asile peut être refusé parce qu’il existe une zone sûre dans le pays d’origine où la personne ne craint pas de persécutions et peut vivre normalement). On soulignera que la jurisprudence refuse de qualifier de groupe social les parents des enfants qui subissent ces traitements, et exclut, sauf circonstances particulières, le fait qu’ils risquent des persécutions ou des menaces graves en tant que parents d’enfants non excisés. Lesdits parents représentaient la majorité des personnes protégées par l’OFPRA. Désormais, ils verront, paradoxalement, leurs demandes de protection rejetées alors que leurs enfants seront, elles, protégées. Il faudra alors que les préfectures leur délivrent un titre de séjour qui n’est pas encore prévu par la législation.

Il faut aussi souligner qu’une liste établie par l’OFPRA permet de refuser l’asile aux ressortissants de pays d'origine « sûr », c’est-à-dire, un pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (CESEDA, art. L. 741-4, 2°). Si l’on prend l’exemple du Mali, on se retrouve à nouveau face à un paradoxe. En effet, le Mali, n’est plus considéré comme un pays d’origine « sûr ». Avec cette nouvelle jurisprudence, le taux d’accord risque cependant de s’effondrer alors qu’il était le plus élevé de tous les pays quand le Mali était inscrit sur cette liste.

NDLR : Réponses techniques ci-dessus rédigées avec le concours de Gérard Sadik, spécialiste des questions d’asile à la Cimade.

 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Si je m’en tiens aux études, et pas aux à-côtés de la vie estudiantine, les meilleurs souvenirs restent les moments où, croyant que l’on a échoué à un examen, on découvre les résultats et le plaisir d’avoir finalement réussi, même in extremis.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.

Références

■ http://www.cimade.org/

■ Directive 2004/83 CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts :http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:304:0012:0023:FR:PDF

■ CE 21 déc. 2012, req. n° 332491.

■ CE 21 déc. 2012, req. n° 332492.

 Article L. 3741-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

« Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si :

1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres États ;

2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en œuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ;

3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État ;

4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre État membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. 

Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°. »

 

Auteur :M. B.


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