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Source : Ministère des Affaires étrangères.

[ 6 juin 2012 ] Imprimer

La mission d'un ambassadeur

Mardi 29 mai 2012, la France a décidé d'expulser l'ambassadrice syrienne Lamia Chakkour. Étant aussi déléguée permanente de la République arabe syrienne auprès de l'Unesco dont le siège est à Paris, cette dernière demeure encore sur le territoire français à ce titre jusqu'à ce que l'Unesco, ou le gouvernement syrien, décide de son départ. D'autres ambassadeurs de Syrie dans les pays de l'Union ont connu cette semaine la même sanction. Monsieur Jean-François Bouffandeau, ancien ambassadeur de France au Sri Lanka, aux îles Fidji et ancien consul général à Londres et Istanbul, a accepté de nous rappeler la mission de ce représentant  de l’État  et de nous éclairer sur cet état de crise diplomatique.

Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs quel est le rôle d’un ambassadeur ?

Il est défini à l’article 1er du décret n° 79-433 du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l’organisation des services de l’État à l’étranger :

« L’ambassadeur est dépositaire de l’autorité de l’État dans le pays où il est accrédité. Il est chargé, sous l’autorité du ministre des affaires étrangères, de la mise en œuvre dans ce pays de la politique extérieure de la France.

Il représente le Président de la République, le Gouvernement et chacun des ministres.

Il informe le Gouvernement, négocie au nom de l’État, veille au développement des relations de la France avec le pays accréditaire, assure la protection des intérêts de l’État et celle des ressortissants français ».

L’article 3 ajoute : « L’ambassadeur, chef de la mission diplomatique, coordonne et anime l’action des services civils et de la mission militaire. »

Quel est l’intérêt de la présence d’ambassades à l’étranger pour un pays comme la France ?

Dans un monde multipolaire, où les économies nationales et les États sont de plus en plus interdépendants, où l’ordre international est souvent troublé, la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et cinquième puissance économique du monde doit pouvoir assumer ses responsabilités internationales en promouvant la paix, le développement et les droits de l’homme tout en préservant ses intérêts.

Par leur travail individuel ou en réseau, les ambassades de France à l’étranger sont un outil essentiel à l’information du gouvernement. Les analyses politiques, économiques et de sécurité de l’ambassadeur et de ses collaborateurs spécialisés s’inscrivent dans une perspective à court, moyen et long terme. Elles ont pour objet de permettre au gouvernement de disposer du maximum d’informations pertinentes, notamment en situation de crise, pour prendre des décisions adaptées. Il s’agit en particulier de mettre les choses en perspective, d’identifier les tendances profondes en les distinguant des apparences trompeuses et des événements sans lendemain.

Un tel travail d’analyse et de réflexion en profondeur nécessite une présence suffisamment longue sur le terrain mais aussi un renouvellement périodique des équipes en place pour ne pas céder au risque de la « routine » et garder un œil neuf. Ce travail a pour objectif de permettre au gouvernement français de faire face aux défis d’un monde caractérisé par :

– le renouvellement des équilibres mondiaux ;

– les évolutions de l’Europe ;

– de nouvelles dimensions de la paix et de la sécurité dans un monde fragmenté ;

– la compétition globale des idées ;

– le défi de la démocratie.

Les ambassadeurs ont également la responsabilité, chacun pour ce qui le concerne, dans le ou les pays où il est accrédité, de promouvoir ou mettre en œuvre les priorités du gouvernement dont les principales sont :

– assurer la sécurité de la France et des Français, défendre et promouvoir leurs intérêts ;

– construire avec nos partenaires une Europe forte, démocratique et efficace ;

– agir dans le monde pour la paix, la sécurité et les droits de l’homme ;

– contribuer à l’organisation d’une mondialisation qui assure un développement durable et équilibré de la planète ;

– assurer la présence des idées, de la langue et de la culture françaises tout en servant la diversité culturelle.

Dans quels pays la France ne dispose-t-elle pas « d'agence diplomatique »?

La France a des relations diplomatiques avec la quasi-totalité des pays du monde. Elle n’en a pas avec la Corée du Nord.

L’établissement de relations diplomatiques s’accompagne, dans la plupart des cas, de la présence d’un ambassadeur résidant dans la capitale du pays où il est accrédité. Certains de nos ambassadeurs sont accrédités dans plusieurs pays pour des raisons pratiques et d’économies. Ainsi, l’ambassadeur de France aux îles Fidji, qui a ses bureaux et réside à Suva, la capitale fidjienne, est également accrédité dans les pays suivants : Tonga, Tuvalu, Kiribati et Nauru, où lui ou ses collaborateurs se rendent périodiquement. Ceci explique pourquoi la France qui dispose d’environ 160 ambassades entretient des relations diplomatiques avec près de 200 pays.

Quel est le statut d'un ambassadeur ? Quel droit s'applique au sein d'une ambassade ?

Selon les dispositions de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les locaux de la mission diplomatique (ambassade) sont inviolables (les agents étrangers ne peuvent y pénétrer que si ils y sont autorisés par l’ambassadeur) ainsi que la personne des diplomates et celle des membres de leur famille. C’est le droit local qui s’y applique sous réserve des impunités ou avantages spécifiques prévus par la convention de Vienne.

Dans quelles circonstances et quelles sont les autorités françaises compétentes pour prendre la décision d'expulser un ambassadeur ? Quelles en sont alors les conséquences ?

Les circonstances dans lesquelles un ambassadeur peut être déclaré « persona non grata » sont variables ; elles peuvent être dues au comportement personnel de l’intéressé ou à la détérioration des relations entre les deux États. En France une telle décision relève du président de la République et du gouvernement ; elle est ensuite notifiée à l’ambassadeur concerné par une « note verbale » du ministère des Affaires étrangères précisant le délai dans lequel l’ambassadeur devra avoir quitté le pays (deux à quatre jours en général). Si à l’expiration du délai imparti, l’ambassadeur n’a pas quitté le pays, il n’a plus de statut diplomatique, redevient un étranger ordinaire dépourvu de titre de séjour et est exposé à être reconduit à la frontière selon le droit commun.

La procédure de « persona non grata » prise à l’encontre d’un ambassadeur n’entraîne pas par elle-même une rupture des relations diplomatiques à condition que les deux États concernés n’entrent pas dans une spirale de surenchères réciproques et successives.

S’agissant des ambassadeurs représentant leur pays auprès d’une organisation intergouvernementale, leur départ ne peut être demandé par le pays hôte qu’en fonction des dispositions de « l’accord de siège » qui lie cette organisation avec le pays hôte.

 

Auteur :A. T.


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