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[ 9 janvier 2015 ] Imprimer

La secrétaire générale de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Autorité administrative indépendante et consultative chargée de veiller à la liberté d'accès aux documents administratifs et de réutilisation des informations publiques, la CADA fait partie des nombreuses instances soutenues par les services du Premier ministre. Créée par la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, elle est logée au 35 rue Saint Dominique à Paris, avec le ministère délégué aux personnes âgées, la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou encore la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Rencontre avec sa secrétaire générale, Anne Josso.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours professionnel ?

Je gère depuis trois ans le secrétariat général de la Commission d'accès aux documents administratifs, mais j'ai été recrutée au sein de l'institution 4 ans plus tôt. Mon parcours est assez atypique car si je suis attachée d'administration comme mes prédécesseurs, je suis historienne de formation, je ne suis pas passée par les instituts régionaux d'administration, et j’ai travaillé quinze ans dans l'édition publique. J’ai fait un long détour à La Documentation française comme responsable des éditions de l'École française d'Extrême-Orient (EFEO) en passant par les Presses universitaires Paris-Sorbonne.

Lorsque j'ai été embauchée à la CADA en 2007, c'était surtout pour développer le réseau des personnes responsables de l'accès aux documents administratifs et des questions relatives à la réutilisation des informations publiques (PRADA) créé par un décret de 2005 (décret n°2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, ndlr). La CADA souhaitait élargir son réseau informel de correspondants au sein des ministères, des grandes collectivités ou des grands établissements administratifs et il fallait quelqu'un pour accompagner sa mise en place, mais aussi pour développer la communication et faire la promotion du droit d'accès et de réutilisation des informations publiques. Le site Internet a été rénové, des sessions de formation pour les PRADA ont été organisées et des fiches pratiques pour les administrations ont été élaborées particulièrement pour celles qui ne disposent pas de service juridique.

En quoi consiste la CADA et quels sont ses domaines d’intervention ?

Au secrétariat général, nous sommes tous fonctionnaires des services du Premier ministre, « mis à disposition » de l'institution qui demeure indépendante. Le service constitue une sorte de greffe de tribunal avec en plus une activité de conseil auprès des administrations et d’information générale du public sur le droit d’accès et de réutilisation. L’instruction des demandes est en partie assurée par des collaborateurs extérieurs, les rapporteurs, qui sont de jeunes magistrats qui perçoivent des indemnités pour leurs travaux auprès de la Commission.

La CADA est là pour faciliter les relations entre les usagers et l'administration et garantir la transparence de cette dernière. Les administrations ont encore du mal à répondre aux demandes d'accès alors que les usagers, pour la plupart, demandent des documents parce qu'ils en ont vraiment besoin pour défendre leurs droits ou divers intérêts. Si leur demande n'aboutit pas, alors ils s'adressent à nous.

La CADA n'est pas très connue du public et pourtant les personnes arrivent à nous trouver en cas de blocage de l’administration. 96 % des dossiers sont des demandes d’avis des usagers de l'administration, dont une grande majorité de particuliers, mais aussi des entreprises et des associations, parfois par le biais d'un avocat, alors que 4 % sont des demandes de conseil d'administration.

Les avis rendus ne sont pas contraignants mais ils sont généralement suivis par les administrations car le tribunal administratif, s'il est saisi, a tendance à les confirmer. 

Les refus de communication de documents dont est saisie la CADA sont très divers, mais quelques sujets font masse. Ainsi : 

– 15% des demandes concernent les marchés publics. Elles peuvent être émises par des sociétés non retenues dans un appel d’offres ou par des sociétés spécialisées dans le conseil qui mettent à profit ces informations auprès de leurs clients ;

– les dossiers d’agents publics (salaire et carrière notamment) occupent 15 % des saisines, de même que les questions d'urbanisme (demandes d’autorisations individuelles et PLU) ;

– 10 % des demandes sont émises dans le domaine des affaires sociales, Pôle emploi, CPAM, CNAV et accès aux dossiers médicaux. En général, la communication de ces dossiers ne pose pas de problème mais elle se complique dans le cas des personnes décédées ou de faute de l’hôpital (maladies nosocomiales) ;

– l'environnement ne représente que 8 % des saisines alors que la demande d’information est très forte, mais les aménagements du Code de l’environnement en 2005 (transposition d’une directive européenne de 2003) ont mis en place un large régime de publication et une transparence qui fonctionnent bien ;

– 10 % des saisines sont liées à la sécurité publique : les demandes d’extraits de mains courantes de commissariat, le permis à point et la problématique des entrées/sorties de séjour des étrangers qui augmente considérablement. À cet égard, les préfectures d’Ile-de-France sont souvent mises en cause ;

– la vie locale est également à l’origine de près de 8 % des demandes qu’il s’agisse des budgets locaux, des taxes locales, et des délibérations et décisions des conseils municipaux ou établissements territoriaux ;

– le reste des requêtes porte sur les domaines les plus divers : liste électorale, archives publiques, dossier de détenu, copie d’examen, réserve parlementaire, comptes de campagne, autorisation de mise sur le marché….

Qu'est-ce qui vous plaît dans ce métier ?

C'est plutôt satisfaisant de travailler dans une administration, une autorité ou institution où l'on peut observer concrètement les effets de son action. C'est moins le cas d'un poste dans une administration centrale.

Ici, nous sommes une petite structure en prise directe avec les problèmes de tout ordre des gens qu'on a au téléphone ou par écrit. C'est motivant, on voit ce que notre action contribue à améliorer, largement même puisque la Commission purge de façon efficace un nombre de litiges conséquent (plus de 80 % des saisines).

Toutefois on ne peut pas nier que la CADA ou le droit d'information sont parfois instrumentalisés par des personnes qui sont très procédurières ou mauvaises perdantes dans le cas des élus. Nos concitoyens ont parfois le goût de regarder les affaires des autres et c'est la raison pour laquelle on ne souhaite pas les encourager et faire trop de publicité sur le fait qu'on peut demander accès à beaucoup de documents. La CADA a surtout fait de la pédagogie auprès de l’administration pour qu’elle réponde mieux aux demandes d’information. Quelques journalistes nous saisissent très régulièrement mais assez curieusement ils sont peu nombreux.

Quelles ont été les évolutions importantes de la CADA ces dernières années ?

En 2005, il y a eu la transposition de la directive 2003/98/CE de 2003 sur la réutilisation qui pose le principe de la liberté de  réutilisation des informations publiques. Un chapitre 2 a été ajouté à la loi CADA. Il est étonnant de voir que l’ouverture des données publiques (Open data) est un sujet dont on parle énormément, et à juste titre, mais que le droit nouveau reconnu en 2005 n'a pas du tout engendré une hausse des saisines de la CADA. Cela concerne à peine 5 % des dossiers instruits.

La CADA ne s’est pas encore prononcée sur toute la problématique de l’ouverture des données publiques parce qu'on ne lui a pas posé les bonnes questions. Elle a éclairé seulement récemment, de façon détaillée, la question de la tarification.

Un point délicat est l’articulation entre ouverture des données publiques et protection des données à caractère personnel, car beaucoup d’informations détenues par l’administration contiennent ce type de données. Et une anonymisation garantissant qu’aucune réidentification n'est possible reste difficile à obtenir. Autrement dit, il s’agit d’articuler la loi CADA et la loi CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés, ndlr). Or la CNIL est une autorité beaucoup plus imposante que la CADA, et elle fait entendre sa voix – c'est normal – mais il faut trouver un équilibre entre l'ouverture, la transparence et la protection des données à caractère personnel. Les Anglais, par exemple, sont beaucoup plus soucieux d'avoir une administration réduite, avec les pouvoirs strictement nécessaires et sont moins sensibles à la divulgation de certaines informations personnelles, par exemple des salaires. C’est pourquoi l’équivalent de la CADA au Royaume-Uni est davantage développé que l’équivalent de la CNIL.

Pour résumer, le maître mot de la CADA c'est la recherche d'un équilibre.

Quels sont les prochaines avancées attendues ?

Il devrait y avoir des changements au plus tard en juillet 2015 avec la transposition de la directive révisée de 2003 sur la réutilisation des données publiques. On ne sait pas encore si elle va s'inscrire dans une grande loi numérique ou s’il s'agira d'une transposition a minima parce que le droit français a largement anticipé ce qui va s’imposer à tous les États membres. Finalement, cela ne va pas changer grand-chose si ce n'est qu'on s'achemine vers une tarification au coût marginal de la réutilisation des informations publiques à savoir le simple coût de mise à disposition de ces données.

La CADA souhaite que le législateur profite de cette transposition pour modifier certains passages de la loi du 17 juillet 1978 à la fois sur la réutilisation mais aussi sur l’accès pour lever des problèmes d'interprétation et d'articulation avec certains textes.

Elle espère aussi quelques aménagements qui renforceraient ses pouvoirs et assoupliraient son mode de fonctionnement. En effet, 5000 demandes instruites par an pour une petite structure comme la nôtre c'est étouffant et le délai d'un mois fixé par la loi pour rendre les avis est intenable. Une instruction allégée pour des demandes sur lesquelles la CADA s'est prononcée des milliers de fois et sur lesquelles sa position est très claire serait plus efficace que d'attendre un passage en Commission.

Nous ne souhaitons pas voir supprimer le délai d'un mois dans la mesure où dans beaucoup de cas, les personnes ont besoin des documents rapidement notamment sur des dossiers médicaux. En revanche, nous souhaitons rendre le service aux usagers plus efficace et prendre le temps nécessaire sur des questions difficiles afin d’assurer une fiabilité des avis rendus, parce que l'institution doit son autorité à sa réputation.

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?

C'est l'oral de l'agrégation d’histoire en médiévale. Les oraux en général, celui-là en particulier. J'en ai fait un cauchemar pendant des années. Je crois que maintenant dans les jurys, ils n'ont plus le droit d'être méchants. J'étais sortie en larmes. En tout cas, dans les concours administratifs, c'est aujourd'hui interdit de déstabiliser les candidats.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

C’est Modesta dans L’Art de la joie de Goliarda Sapienza. Cette femme n’est pas mon modèle mais sa détermination force l’admiration. C’est aussi une des rares héroïnes qui n’est l’instrument de personne et qui n’est pas une victime.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Le premier de la Déclaration des droits de l'homme : l’égalité (« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »). De là découlent les autres.

Carte d'identité de la CADA

Le collège des membres de la CADA se réunit deux fois par mois pour étudier et trancher 200 dossiers par séance, soit 400 par mois. Un travail colossal qui nécessite dans certains cas une analyse pointilleuse, approfondie même s'il s'agit d'une question déjà maintes fois posée. « Il y a énormément de cas où il faut apprécier le contenu du document pour déterminer ce qui doit être occulté de ce qui est communicable. On est obligé de tenir compte du contexte et du contenu même des documents, c'est là toute la difficulté », souligne Anne Josso.

■ Les chiffres

– 13 personnes travaillent au secrétariat général de la CADA. L'équipe comprend aussi 14 rapporteurs, un rapporteur général et un rapporteur général adjoint ;

– 5 000 demandes par an en moyenne adressées à la CADA depuis une dizaine d'années ;

– 5 486 dossiers instruits très précisément en 2013, soit 5 386 avis, 178 conseils et 2 sanctions ;

– 40,3 jours d'instruction par dossier en moyenne contre 30 jours requis ;

– 35 appels/jours et 5 620 courriers/courriels envoyés à la CADA.

– 57,4% des avis rendus sont favorables, 23% sont sans objet (communiqué ou inexistant), 9,3 sont défavorables, 4,9 sont des avis d'incompétence et 5,4 saisines sont déclarées irrecevables.

■ La formation et les conditions d'accès

Diplôme de l’enseignement supérieur (droit, sciences politiques) et être fonctionnaire en principe (niveau A ou A+).

■ Les domaines d'intervention

Tous documents détenus (produits ou reçus dit la loi) par les autorités publiques ou les personnes privées chargées d’une mission de service publique (SNCF, RAPT mais aussi Orange, Veolia…) quel qu’en soit le support (fichiers, photos, enregistrement audios…) dans tous les domaines : marchés publiques, urbanisme, sécurité publique, justice, environnement, affaires sociales, dossiers de fonctionnaires, finances publiques, transports, enseignement, culture, divers... (v. l'interview).

■ Le salaire

Entre 3 000 et 5 000 euros mensuels selon l’ancienneté et le grade.

■ Les qualités requises

Ethique, rigueur, probité, sens critique, équilibre, connaissance des textes, rapidité, maîtrise du contexte, vulgarisation du droit, capacité d'analyse.

■ Les règles professionnelles

La discrétion qui s’impose à tous les agents publics et le service aux usagers avant tout.

■ Le site Internet

– La CADA : http://www.cada.fr/

– Les services du Premier ministre : http://www.gouvernement.fr/les-services-du-premier-ministre

 

Auteur :A. C.


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