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[ 4 avril 2014 ] Imprimer

L’Asset manager

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Dans la sphère du milieu immobilier, il est un métier apparu en France voilà une vingtaine d'années : celui d'Asset manager. En somme, un gestionnaire d'actifs capable d'irriguer et doper ces derniers de manière à les vendre à moyen ou long terme à un prix lui permettant d'en tirer le plus de bénéfices. Pour Nicolas Ingueneau, il s'agit là d'une véritable industrie, très vivante. Asset manager chez Tour Eiffel Asset Management (TEAM), il nous a expliqué les enjeux de son métier.

Avant toute chose, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le métier d'Asset manager et dans quel contexte il a été créé en France ?

L’Asset management est un terme anglo-saxon qui peut se traduire par « Gestion d’actif » et le métier est celui d’Asset manager (Gestionnaire d’actifs). L’actif peut être très varié mais le sous-jacent qui nous intéresse ici est un immeuble.

L’Asset manager a été créé dans les années 1990 en pleine crise immobilière comme un outil de « remédiation » et est devenu un véritable métier d’optimisation et de valorisation de l’actif immobilier se retrouvant dans toutes les grandes sociétés immobilières en Europe. Aujourd’hui, l’Asset management constitue une branche importante de l’industrie immobilière et demande une compétence transversale. L’Asset management peut être intégré au sein de grandes sociétés foncières cotées, ce qui est mon cas au sein de Tour Eiffel Asset Management, de fonds de pensions, de sociétés externes offrant leurs services aux institutionnels disposant d’importants portefeuilles immobiliers.

Son objectif est la performance d’un actif immobilier. Cette dernière passe par les trois principaux temps de la vie immobilière d’un actif :

– l’acquisition ;

– la gestion ou optimisation de la relation avec le ou les locataires ;

– et la vente.

Pour remplir sa mission, l'Asset manager doit disposer de connaissances en droit de l’urbanisme, en fiscalité immobilière, en droit des baux commerciaux, en droit des contrats mais doit également avoir une parfaite maîtrise de la modélisation financière permettant de mesurer la performance de l’actif.

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours professionnel ?

Quand on fait du droit, on n’imagine pas que l'immobilier en France est une véritable industrie avec un panel de métiers aussi différents. Comme évoqué précédemment, il faut savoir que l'immobilier a été modernisé par les Anglo-Saxons dans les années 1990 avec des méthodes tout à fait novatrices. Maintenant, toutes ces méthodes ont été adoptées et ma génération comme celles d'après ont été formées sur le même standard. Quand j'ai fait mes études, j'avais déjà envie de valoriser les actifs immobiliers, de m'orienter vers l'investissement immobilier. J'avais donc pris dès la faculté des formations appropriées en faisant parallèlement des stages dans une banque et, ce fut ma première rencontre avec ces nouvelles méthodes de travail.

Après ma maîtrise de droit j'ai rejoint le DESS (ndlr Master 2 aujourd'hui) de droit immobilier de la construction avec le professeur Malinvaud. Par la suite, j'ai fait l'ICH en prenant plusieurs modules (expertise immobilière et technologie du bâtiment), dans l'optique de me présenter à la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS). C'est une association professionnelle d'origine anglo-saxonne représentée en France par la RICS-France, un label internationalement reconnu dans le milieu immobilier.

À la sortie du DESS, j'a<spani rejoint&nbsp;<="" span=""></spani>en qualité d’expert immobilier la société Ad Valorem-Crédit foncier, désormais Crédit foncier-immobilier, pour développer le département d'expertise qui est un bon tremplin pour apprendre à valoriser les actifs immobiliers. J'y suis resté trois ans puis j'ai intégré la société Tour Eiffel Asset Management en 2001.</spani>

Qu'est-ce qui vous plaît plus précisément ?

L’Asset manager est un véritable chef d'orchestre de la vie d'un immeuble, il est le dépositaire de l'autorité du propriétaire et gère donc l'actif comme pour lui-même.

C'est un métier passionnant car il offre une vision transversale de la vie d’un immeuble alors que beaucoup de métiers issus de l'industrie immobilière ne traitent que quelques points. Il requiert un champ de compétences très diversifié : juridiques bien sûr mais aussi financières, fiscales ou techniques. Enfin, c’est un métier vivant car l’Asset manager est chargé d'assurer l'interface entre un grand nombre de prestataires comme les notaires, les avocats, les techniciens, les property managers et les locataires…

Comment se déroulent vos journées ? Quelles sont vos activités au quotidien ?

Dans les grandes sociétés d'investissements, les Asset manager ont en charge des portefeuilles de plusieurs immeubles (mono-locataires/multi-locataires ou vide) et parfois avec des sous catégories selon le type de produits (bureaux, commerces, etc..).

À ce titre, je suis le garant de la performance de l'actif immobilier et du respect du business plan qui aura été établi par l'investisseur (le propriétaire).

En tant que représentant du propriétaire, j'assure donc dans la durée la relation commerciale avec le locataire pour m'assurer du bon respect des dispositions du bail mais aussi de la maîtrise de toute la politique marketing des locaux à louer.

Je pilote ainsi au quotidien des agents immobiliers qui ont pour mission de présenter ces locaux à louer à des futurs utilisateurs.

J’établis la ligne tarifaire des locaux à louer et il m'appartient de négocier les baux et les conditions locatives avec les locataires, dans le respect du business plan.

Périodiquement, j'assure le reporting complet auprès de l'investisseur, je participe dans le cadre des acquisitions ou des arbitrages à l'ensemble de la négociation. Car c'est moi qui suis censé connaître le mieux l'actif à céder ou qui sait appréhender les problématiques de gestion ou de commercialisation d'un nouvel immeuble.

Ainsi, je dois sans cesse m'informer de l'évolution de la législation en droit des baux, en fiscalité immobilière, en urbanisme, et sur les questions environnementales.

Par ailleurs, je pilote la politique de travaux de l'immeuble en gardant toujours à l'esprit la création induite de valeur à terme sur l'actif, soit pour mieux le vendre ou pour mieux le louer.

Enfin, je participe avec les experts immobiliers à la détermination de la valeur de l'actif de manière à ce qu'ils intègrent les bons éléments de compréhension de l’immeuble. Plus généralement, il me faut parfaitement maîtriser Excel et les méthodes de modélisations financières d'une part, les grands principes de l’expertise immobilière d'autre part.

Après vingt ans d'existence en France, quels sont les futurs enjeux de cette profession ? Quel est son avenir ?

En moins de vingt ans, l'Asset management a complètement révolutionné la façon d’appréhender le métier de la gestion d’actifs immobiliers. Est-il victime de son succès ? La question peut se poser dans la mesure où un nombre important de sociétés se sont créées, or il ne suffit pas de mettre un terme anglophone dans le nom de sa société pour devenir un véritable Asset manager.

Je pense que la profession doit apporter des garanties sur les équipes qui composent ces sociétés. À cet égard, dans un monde professionnel très compétitif toujours à la recherche de label, de « certification » et d'une certaine déontologie, la formation de la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS) peut remplir ces critères et offrir un très bon bagage complémentaire à un cursus universitaire ou de grandes écoles. On peut citer également l'ICH et ses modules très formateurs. Dans un monde globalisé on a besoin de ces repères.

À propos de la RICS en particulier, un investisseur anglais, par exemple, privilégiera celui qui justifie de ce diplôme plutôt qu’un autre car il reconnaîtra en lui une personne formée selon une méthodologie correspondant à ses demandes. Dans ces conditions le service qui sera assuré dans le futur par l’Asset manager sera de qualité et fera la différence dans un environnement très concurrentiel.

Pour conclure, l’Asset management est un métier qui offre, compte tenu de sa relative jeunesse, de belles perspectives de carrière pour les étudiants, dans un environnement qui reste encore à moderniser.

D’ailleurs, j'invite ces derniers à tout faire pour prendre le plus vite possible contact avec le monde de l'entreprise au travers de stages ou de formations assurées par des professionnels de l'immobilier. Il faut absolument qu'ils intègrent les attentes d'une société car elles recherchent des profils « opérationnels » quasiment dès la sortie de la formation.

Indépendamment de la qualité de la connaissance transmise qui est un « pré-requis », c'est cette relation étroite avec le monde des entreprises qui a fait la réussite du Master 2 de monsieur le professeur Malinvaud car il a su mettre en contact le monde universitaire et celui de l’entreprise et je l’en remercie !

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?

Mon meilleur souvenir, c'est mon année de DESS en droit immobilier et de la construction avec le professeur Malinvaud. Mon pire souvenir ce sont mes cours de droit administratif.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Le professeur Mortimer.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Le droit de propriété.

Carte d'identité de l'Asset manager

Aujourd'hui, nombreuses sont les sociétés foncières cotées en Bourse à avoir adossé le titre d'Asset management à l'une de ses filiales, qu'il s'agisse de Natixis, du groupe Edmond de Rothschild ou de Groupama. L'Asset manager peut être intégré au sein de grandes sociétés foncières cotées, au sein de fonds de pensions ou enfin, de sociétés externes offrant leurs services aux institutionnels et disposant d’importants portefeuilles immobiliers. Nicolas Ingueneau répond au premier cas. Il travaille pour une filiale de la société de la Tour Eiffel qui est une entreprise foncière cotée à la bourse de Paris.

 Les chiffres (selon l'association française de gestion immobilière AFG)

– 600 entreprises d'Asset management fonctionnent en France soit 400 groupes.

– L'industrie de l'Asset management emploie 83 000 personnes dont 15 000 sont directement employés par des compagnies d'Asset management.

– 12 000 fonds d'investissements se partagent le marché.

 La formation et les conditions d'accès

Il existe désormais des formations spécifiques au métier d'Asset manager à l'image du Master Finance – parcours gestion d'actifs de l'Université Dauphine à Paris. Des diplômes comme celui de la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS) sont vivement recommandés comme gage de crédibilité.

 Les domaines d'intervention

Cela va du droit de l’urbanisme à la fiscalité immobilière, en passant par le droit des baux commerciaux ou le droit des contrats. Est également nécessaire la maîtrise de la modélisation financière.

 Le salaire

À partir de cinq années d'expérience, le salaire de l'Asset manager varie entre 55 et 90 K€ / an. Il peut atteindre 150 K€ / an au bout de douze années d'ancienneté selon le cabinet de recrutement Robert Walters, chiffres actualisés pour l'année 2014.

 Les qualités requises

Éthique, rigueur, probité, réactivité, capacité d'écoute, connaissance des textes, impartialité, ouverture, patience.

 Les règles professionnelles

Hormis les lois en vigueur, l'Asset manager est tenu d'éviter tout comportement pouvant aboutir à un conflit d'intérêts ; un contrôle et une prévention sont mis en place en la matière au sein des sociétés. Ils peuvent être de plusieurs ordres. Par exemple : le cadre réalise une transaction personnelle ou reçoit un avantage d'un fournisseur. En principe, chaque société édicte à l'égard de ses membres un règlement intérieur définissant les règles et le cadre du travail. Certaines sociétés délèguent la compétence de contrôle et de déontologie à d'autres, spécialisées.

 Sites Internet : 

– TEAM, au sein de la société de la Tour Eiffel : http://www.societetoureiffel.com/

– Association française de gestion financière : http://www.afg.asso.fr/index.php?lang=en

 

Auteur :A. C.


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