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[ 7 janvier 2016 ] Imprimer

Le budget de l’État

Fin d’année 2015 – Début d’année 2016. L’heure est aux comptes. C’est Aurélien Baudu, prix de thèse de la Fondation Jacques Descours Desacres 2009 (Contribution à l’étude des pouvoirs budgétaires du Parlement en France – Éclairage historique et perspectives d’évolution), maître de conférences HDR à l’Université de Lille 2, auteur d’un manuel de Droit des finances publiques, qui nous éclaire sur le budget de l’État.

Quels sont les grands principes budgétaires ?

En France, comme dans la plupart des démocraties européennes, le droit des finances publiques repose sur des règles fondamentales, et notamment le principe du consentement de l’impôt, duquel en découle celui de l’autorisation du budget de l’État. Ensuite, la présentation de ce dernier doit respecter de grands principes classiques (annualité, unité, universalité et spécialité), auxquels il convient d'adjoindre le principe de sincérité et l’objectif d’équilibre des finances publiques, consacré par le législateur organique et le constituant, sous l’influence du droit de l’Union européenne.

En effet, la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), dont l'un des objectifs principaux était de renforcer l'exercice des pouvoirs budgétaires du Parlement en accroissant ses prérogatives de contrôle et son information, a consacré le principe de sincérité, tant sur le plan comptable (LOLF, art. 27) que budgétaire (LOLF, art. 32). Il précise que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Cette rédaction tend à consacrer la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la sincérité budgétaire. Seule une disposition inscrite en loi de finances révélant de la part du Gouvernement une intention de modifier l'équilibre du budget de l’État en ignorant délibérément des informations disponibles au moment de l'élaboration budgétaire pourrait être annulée par le juge constitutionnel pour un motif d'insincérité budgétaire.

Enfin, l’objectif d’équilibre des finances publiques renvoie à la nécessité d’équilibrer les comptes des administrations publiques de manière à éviter la présence de déficits chroniques dans les budgets de l’État, des administrations locales et de Sécurité sociale. Depuis 2008, le constituant a précisé que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ». En déclinant dans la Constitution l’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques, conformément aux engagements pris au niveau européen, la France vient ainsi solenniser par un vote du Parlement ses objectifs de bonne vertu budgétaire. 

Quelles sont les lois clés du budget de l’État ? 

Tout d’abord, parmi les normes législatives budgétaires, il convient de distinguer les normes législatives organiques qui ont pour objet de fixer les modalités d’application des articles de la Constitution relatifs au budget de l’État, selon qu’il s’inscrit dans un cadre pluriannuel (LOPGFP du 17 déc. 2012) ou annuel (LOLF du 1er août 2001). La LOLF, dont l’année 2016 célèbre les dix ans de son entrée en vigueur puisqu’elle s’applique pleinement pour la première fois au budget de l’État de l’année 2006, réforme profondément le budget de l'État, même si la doctrine pointe désormais du doigt ses insuffisances. Au-delà de la nouvelle architecture budgétaire, la gestion publique est amenée à passer d'une culture de moyens à une culture de résultats, même si cela est difficile en pratique. 

Ensuite, il est important d’isoler les normes législatives qui transportent le budget de l’État d’une année sur l’autre. Ce dernier peut être défini comme l’ensemble des dispositions, votées par le Parlement, qui prévoient et autorisent les ressources et les charges de l’État pour chaque année. Les lois de finances (LFI, LFR, LFS) sont donc le véhicule législatif de support du budget de l’État. Leur contenu ne se réduit pas à la description du budget de l’État. Elles contiennent des dispositions sur les emplois, l’information et le contrôle du Parlement sur les finances publiques. Elles peuvent également contenir des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne et des dispositions fiscales.

Existe-t-il une harmonisation des systèmes budgétaires en Europe ?

Oui, car le droit de l’Union européenne exerce indubitablement une influence sur les mécanismes du droit budgétaire des États. Désormais les normes budgétaires des États européens sont induites par la mise en place de l’Union économique et monétaire (UEM). Aux termes du traité sur l’Union européenne (TUE) qui a généré le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), il existe un dispositif multilatéral contraignant de politique budgétaire, complété par la signature à Bruxelles, le 2 mars 2012, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), et la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES), entré en vigueur le 27 septembre 2012, afin d’éviter que la crise des dettes souveraines européennes de ces dernières années ne se reproduise à l’avenir.

Le droit des finances publiques, dont les règles étaient hier exclusivement écrites à l’intérieur des frontières nationales, est aujourd’hui, comme l’ensemble des branches du droit, un corpus juridique dont les fondements sont définis dans le cadre des instances de l’Union européenne et au niveau international (ONU, FMI, OCDE). Comme l’a souligné une partie de la doctrine, l’importance du droit budgétaire comparé s’est renforcée avec le développement des relations internationales et européennes des États du vieux continent. Dans le cadre fixé par les traités européens, les États membres disposent cependant d’une certaine marge de manœuvre pour la traduction de ce corpus juridique dans leur droit national. La diversité de leurs traditions juridiques, de leurs systèmes institutionnels et pratiques politiques, les conduit à développer des mécanismes originaux qui justifient des études comparatives en droit des finances publiques.

Que pensez-vous de la mission « Justice » dans le cadre budget de l’État pour 2016 ?

La mission « Justice » correspond au périmètre du ministère régalien de la justice et comporte six programmes, dont trois programmes qui concourent respectivement à l’organisation et au fonctionnement des juridictions judiciaires (programme n° 166), des services pénitentiaires (programme n° 107), ainsi que de ceux de la protection judiciaire de la jeunesse (programme n° 182). Deux programmes transversaux retracent les moyens de la politique d’accès au droit et à la justice (programmes n° 101 et 310). Enfin, un programme est dédié au Conseil supérieur de la magistrature (programme n° 335). 

La progression des crédits dévolus à la mission « Justice » en projet de loi de finances initiale pour 2016 semble constituer une originalité dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. La part du budget de la justice dans le budget de l’État en loi de finances initiale a progressé de 2, 34 % en 2007 à 2, 67 % en 2015. Toutefois, la réalité de la situation de la justice en France, c’est qu’elle ne peut continuer à fonctionner avec le budget qui lui est dédié… Aussi bien les rapporteurs spéciaux à l’Assemblée nationale et au Sénat que la Cour des comptes mettent en évidence, depuis 2012, l’absence de soutenabilité du budget de la justice. Ce dernier n’est pas soutenable parce que les dépenses obligées sont manifestement supérieures aux moyens alloués. En 2016, les priorités du budget de la justice sont, selon le Gouvernement, d’abord les moyens en personnels, viennent ensuite les investissements immobiliers (notamment en milieu pénitentiaire) puis enfin les moyens de fonctionnement de la justice. 

D’une part, s’agissant des moyens en personnel, selon la Cour des comptes, l’exécution du budget de la justice en 2012, 2013 et 2014 met en évidence l’écart des annonces d’augmentation des effectifs avec la réalité budgétaire et comptable. La masse salariale prévue par les PLF est donc manifestement sous-calibrée au regard des emplois annoncés. La part croissante des rémunérations empêche durablement l’augmentation significative des effectifs. Elle est le premier facteur de rigidification du budget de la justice. 

D’autre part, les investissements immobiliers sont sacrifiés pour satisfaire les besoins de dépenses de personnel et de fonctionnement, inéluctables et prioritaires. La Cour estime que le ministère de la justice ne peut durablement sacrifier les crédits d’investissement sans compromettre à terme la mise en œuvre de ses missions. Ainsi, les dépenses d’investissement sont prioritaires lorsqu’il s’agit d’annuler des crédits ! La Cour des comptes observe que la baisse des dépenses d’investissement traduit un renoncement à certains projets structurants. 

Enfin, les moyens de fonctionnement de la justice (frais de justice, moyens de fonctionnement) sont insuffisants comme ceux dévolus à l’aide juridictionnelle, compte tenu du faible niveau des dotations. La situation est caractérisée par une insuffisance de moyens budgétaires et la constitution de restes à payer croissants. La question des frais de justice n’est pas réglée et ne pourra l’être, sauf à prendre des mesures tendant à préciser les règles de prescription par les ordonnateurs. Les dépenses d’aide juridictionnelle sont également toujours en forte augmentation et ce poste budgétaire n’est toujours pas maîtrisé.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Toulousain d’origine, je garde un souvenir ému de mes premiers enseignements juridiques auxquels j’ai assisté au sein de l’amphi Cujas, à écouter mes enseignants qui arboraient la robe universitaire, tout en me passionnant à comprendre ceux qui me parlaient de droit public. Je ne peux oublier mes nombreux passages devant le buste de Maurice Hauriou, qui trône au milieu des jardins des anciennes facultés toulousaines, pour me rendre à la Bibliothèque Garrigou, où régnait une ambiance studieuse et agréable au milieu des vieux ouvrages reliés de cuir et des parquets cirés anciens.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

En tant qu’escrimeur, je ne peux m’empêcher de vous répondre Cyrano de Bergerac, ce chef d’œuvre d’Edmond Rostand ! Plus jeune, Cyrano m’a ému, alors je l’ai lu et relu, vu et revu. C’est un héros romantique que j’affectionne particulièrement ! Grotesque par sa disgrâce physique, je trouve qu’il allie le courage physique à la timidité et qu’il alterne l'énergie et la mélancolie.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Le droit de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ; et le droit de demander compte à tout agent public de son administration. C’est le fondement de toute démocratie…

 

Auteur :M. B.


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