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[ 25 septembre 2012 ] Imprimer

Mariage homosexuel et homoparenté : la réforme annoncée

31e mesure des « engagements pour la France » de François Hollande et récemment annoncés par la garde des Sceaux Christiane Taubira, le mariage et l’adoption homosexuels soulèvent aujourd’hui tant un débat de société qu’un véritable enjeu juridique. Dalloz Actu Étudiant a rencontré Cécile Peres, professeur à l’Université de Reims et responsable du Master notarial.

Quel est le contenu du projet de loi « Mariage pour tous » ? Quand la loi devrait-elle être adoptée ?

Dans un entretien accordé au journal La Croix le 11 septembre dernier, la ministre de la Justice a dévoilé les grandes lignes du projet de loi qui devrait être présenté au Conseil des ministres le 24 octobre. Le projet consacre le mariage homosexuel et ouvre l’adoption aux couples de même sexe. La loi devrait être votée au début 2013.

 

La réforme s’imposait-elle ? 

Juridiquement, non. La Cour européenne des droits de l’homme (v. CEDH 24 juin 2010, Schalk et Kopf c. Autriche) et le Conseil constitutionnel (v. décis. 28 janv. 2011) avaient récemment déclaré conforme aux droits fondamentaux l’interdiction du mariage homosexuel ainsi que l’interprétation jurisprudentielle de l’article 365 du Code civil sur laquelle la Cour de cassation se fonde depuis 2007 pour refuser de prononcer l’adoption simple de l’enfant au profit du partenaire ou du concubin du parent biologique (v. Civ. 1re, 20 févr. 2007).

 

Quels sont les points qui restent incertains ? 

S’agissant du couple, le sort du PACS. A priori, le projet de loi ne prévoit rien à son sujet. Il devrait donc subsister à côté du mariage. De fait,  plus de 90% des PACS sont conclus par des hétérosexuels qui le perçoivent comme un cadre plus souple, spécialement au stade de la rupture. Mais, à terme, l’on ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur la cohérence de notre droit.

S’agissant de l’enfant, l’accès à la procréation médicalement assistée et la légalisation de la gestation pour autrui : le texte actuel n’envisage pas de modifier le droit positif. Mais, le gouvernement a fait savoir que les arbitrages ne sont pas arrêtés et les associations représentatives des homosexuels militent activement afin que la reconnaissance de l’homoparenté ne se limite pas à l’adoption. 

 

En matière d’adoption, qu’est-ce qui va changer concrètement pour les couples homosexuels ?

Il s’agit de leur reconnaître les mêmes droits qu’aux couples hétérosexuels. S’ils sont mariés, ils pourront adopter conjointement un enfant en France, ce qui était jusqu’ici impossible. Le conjoint homosexuel pourra aussi adopter simplement l’enfant de son époux et exercer, avec lui, l’autorité parentale. L’on pourrait aller plus loin en accordant les mêmes droits aux partenaires pacsés. Compte tenu du très faible nombre d’enfants adoptables en France, cette évolution présente surtout un intérêt pratique en présence d’une situation internationale lorsqu’il est demandé au juge français de tirer les conséquences d’une adoption régulièrement prononcée à l’étranger. Les réserves dont la Cour de cassation avaient récemment fait preuve à ce sujet ne devraient plus être d’actualité.

 

Que pensez-vous de cette réforme ?

En tant que citoyen, je crois qu’elle a le mérite d’être démocratique. Elle fait suite à une promesse électorale qui avait été clairement formulée par le nouveau président de la République. Sur le fond, la reconnaissance du mariage homosexuel m’apparaît comme la conquête d’un symbole déjà très dévalué. Je n’y suis pas défavorable. En revanche, il me semble que nous n’avons pas un recul suffisant en matière d’homoparenté et que l’intérêt de l’enfant mérite mieux qu’une annonce médiatique. En tant que juriste, je ne peux que formuler le vœu que le législateur ait bien conscience de l’importance des répercussions de cette réforme sur l’ensemble du droit civil de la famille.

 

Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiante ?

Ma soutenance de thèse. Beaucoup d’appréhension, une forte émotion, une libération. Il y a eu un « avant » et un « après ».

Quel est votre personnage de fiction préféré ?

Une réponse de juriste : Antigone, pour sa résistance aux lois arbitraires.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

En guise de clin d’œil à un récent séjour en Colombie, le « droit à l’amour » que la Cour constitutionnelle colombienne reconnaît au profit de l’enfant.

Références

■ CEDH 24 juin 2010, Schalk et Kopf c. Autriche, n° 30141/04, Dalloz Actu Étudiant 19 mars 2012.

■ Cons. const. 28 janv. 2011, n°2010-92 QPC, Dalloz Actu Étudiant, Le Billet, 3 févr. 2011.

■ Civ. 1re, 20 févr. 2007, n°06-15647.

■ Article 365 du Code civil

« L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité.

Les droits d'autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Les règles de l'administration légale et de la tutelle des mineurs s'appliquent à l'adopté ».

 


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