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[ 14 septembre 2017 ] Imprimer

Professeur des universités

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Ils remplissent les amphithéâtres et transmettent leur savoir à des générations d’étudiants. Pour autant, les professeurs des universités sont loin d’avoir pour seule mission l’enseignement. Quelles sont leurs missions ? Où sont-ils lorsqu’ils n’ont pas cours ? Professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II), spécialiste en droit des obligations, Denis Mazeaud a répondu à nos questions.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?

J’ai fait mes études à l’université de Paris 12 (aujourd’hui appelée Paris-Est Créteil, ndlr). Le parcours pour devenir professeur des universités c’est, d’abord, de faire une thèse de doctorat dont la réalisation dure environ quatre ou cinq ans. Parallèlement, vous disposez parfois d’un poste d’enseignant. Pour ma part j’ai été assistant pendant cinq ans, ce qui correspond aux missions d’un chargé de travaux dirigés (TD). Ensuite, il faut obtenir la qualification aux fonctions de maître de conférences, laquelle vous est délivrée par le Conseil national des universités, composé de professeurs et de maîtres de conférences qui, au regard de la qualité de vos travaux, décident ou non de vous qualifier. Il faut savoir qu’il y a plus de candidats, 250 environ bon an mal an, que de qualifiés, moins d’une centaine. L’obtention de cette qualification permet de concourir à un poste de maître de conférences. Ce qui suppose de passer des auditions dans les universités qui offrent des postes. Chaque année, le nombre de postes varie, mais il est nettement moins important que le nombre de docteurs en droit qualifiés qui postulent. Enfin, reste à devenir professeur. Plusieurs voies sont aujourd’hui possibles. La plus traditionnelle et la plus prestigieuse aussi est le concours d’agrégation de droit privé et de sciences criminelles, qui est ouvert tous les deux ans. Environ 250 candidats se présentent, mais seulement 25 postes environ sont offerts. Deux autres voies sont possibles pour devenir professeur. Sans entrer dans le détail, les candidats sont alors exclusivement jugés sur leurs travaux, alors que ceux qui passent le concours d’agrégation passent, outre une épreuve sur travaux, des leçons dont leurs travaux ne sont pas l’objet.

Qu'est-ce qui vous plait dans ce métier ?

Pour moi, c’est moins la liberté que la diversité. En effet, un professeur de droit fait en réalité plusieurs métiers. Il est d’abord, et sans doute avant tout, un enseignant, étant entendu que même si l’enseignement proprement dit n’est pas chronophage, la préparation des cours et des séminaires l’est nettement plus et est susceptible d’occuper trois jours par semaine, au-moins. La deuxième facette du métier de professeur, c’est la recherche qui consiste, en droit, à écrire des livres, des monographies, des articles, des chroniques, des notes de jurisprudence. Cette activité, elle aussi, prend du temps, et ne rapporte pas grand-chose, si ce n’est parfois, avec le temps et une pincée de talent, une certaine notoriété. Enfin, la plupart des enseignants exercent au sein de leurs universités des fonctions administratives : ils dirigent des diplômes, des centres de recherches, des laboratoires ; ils siègent dans des commissions au sein de leur établissement. Certains occupent des fonctions au sein de conseils nationaux ou de commissions ministérielles, en vue d’évaluer soit des candidats à des postes de l’enseignement supérieur, soit des Universités. 

A tout cela s’ajoutent des fonctions qui sont extérieures à l’université.

De quoi s’agit-il ?

En premier lieu, il peut vous être demandé d’assumer une mission d’intérêt général. Un ministère peut vous solliciter en vue de la rédaction d’un rapport sur tel ou tel problème juridique, ou d’un projet de réforme. 

En deuxième lieu, le professeur peut exercer parallèlement à son activité de fonctionnaire, une activité libérale. Certains sont avocats. Certains rédigent des consultations, qui consistent à donner un avis sur une difficulté juridique rencontrée par un avocat dans un dossier. D’autres encore sont désignés arbitres et tranchent à ce titre des litiges, comme le feraient des juges étatiques. 

En troisième lieu, le professeur de droit peut exercer des fonctions éditoriales et ainsi diriger une revue ou une collection d’ouvrages.

En quatrième lieu, il peut exercer des fonctions associatives, en étant membre ou dirigeant d’une association qui a un objet juridique national ou international.

La réforme du droit des obligations du 10 février 2016 a modifié votre matière en profondeur. Pouvez-vous nous dire quels en sont les apports principaux ?

Cette réforme qui porte sur le droit des contrats, de la preuve et du régime des obligations est absolument fondamentale, ne serait-ce que parce qu’il n’y en avait pas eu depuis 1804.  

Cette réforme consiste, d’une part, à intégrer dans le Code civil qui est resté inchangé depuis plus de deux siècles dans ces matières, des règles qu’avait créées la jurisprudence depuis plusieurs décennies. Les deux tiers des règles nouvelles sont l’expression de notre modèle contractuel classique irrigué par les grands principes séculaires : liberté, sécurité et loyauté contractuelles. D’autre part, des innovations plus ou moins spectaculaires ont été apportées. On a beaucoup parlé de la disparition de la notion de cause, mais si le mot a disparu, l’essentiel de ses fonctions a été maintenu. L’admission de la révision judiciaire pour imprévision a aussi retenu l’attention, mais elle peut être écartée par une clause contraire. A mes yeux, l’innovation la plus importante est l’introduction du contrat d’adhésion, alors que le centre de gravité du modèle contractuel de 1804 était le contrat de gré à gré. Par ailleurs, le rôle du juge a été repensé. Plus important quant au contrôle du contenu du contrat, il est amoindri quant aux sanctions de l’inexécution.

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?

Le meilleur ? Le jour de fin de chacune de mes années universitaires, parce qu’il rimait toujours avec une belle nuit de libation et déraison. Le pire ? Le jour du début de chacune de mes années universitaires, parce qu’il commençait immanquablement par un café très amer avec mes nouveaux « codétenus », au cours duquel chacun racontait ses vacances ratées.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Dingo, l’ami de Mickey et de Donald. Parce qu’il ne suscite pratiquement aucun intérêt et que je suis ainsi certain d’avoir une exclusivité sur lui, parce que j’adore sa tenue : gilet noir sur col roulé rouge, galurin improbable et parce que sa bonne bouille et que sa bonhomie me réconcilient avec la vie.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Celui qui reste à inventer. Pourquoi ? Parce que la lutte continue...

Carte d'identité du professeur des universités

 

Professeur des universités est un métier qui implique de longues études, le passage par différents statuts et la réussite de plusieurs diplômes et concours. Un titre prestigieux. Selon le site d'emploi américain Careercast, il serait le métier le moins stressant en 2013. Il correspondrait le plus souvent à un emploi à vie avec des horaires flexibles, une réelle indépendance et un environnement riche intellectuellement.

■ Les chiffres

En 2014-2015, 91 000 enseignants exerçaient dans les établissements publics d’enseignement supérieur sous tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur un total d’environ 155 000 personnes. 

La France compte, en 2013, 17,3 étudiants par enseignant contre seulement 15,8 en moyenne dans les pays de l’OCDE. Le quart de ces personnels est affecté en Ile-de-France.

L’ensemble des effectifs d’enseignants titulaires et stagiaires a sensiblement augmenté au cours de la dernière décennie (+ 4,8% entre 2005 et 2015), après avoir enregistré des taux de croissance encore plus élevés lors de la décennie précédente.

Les disciplines scientifiques regroupent 40,3 % des effectifs globaux, les Lettres 30,5 %, le Droit (disciplines juridiques et sciences politique, économiques et de gestion) 14,5 % et la Santé 14,7 %.

L’âge moyen des professeurs des universités et des maîtres de conférences titulaires ou stagiaires est respectivement de 53 ans, 9 mois et de 45 ans, 3 mois.

La part des femmes dans les corps d’enseignants-chercheurs a progressé entre 1993 et 2015 de 12,1 % à 23,2 % chez les professeurs des universités et de 35,1 % à 43,9 % chez les maîtres de conférences. Ce taux est plus élevé en Lettres et Pharmacie qu’en Sciences, Droit et Médecine.

■ La formation et les conditions d'accès

La réussite à un concours est nécessaire pour obtenir ce statut. Plusieurs voies sont possibles : les concours nationaux d'agrégation sur épreuves ou les concours sur emplois. Dans le premier cas, les candidats doivent être titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent. Avant de passer ce concours, ils doivent avoir exercé plusieurs années en tant que maître de conférences. Il leur faut également obtenir une HDR (habilitation à diriger des recherches).

■ Les domaines d'intervention

Droit privé, droit public, philosophie du droit et toutes leurs déclinaisons... 

■ Le salaire

Une grille tarifaire s'applique aux professeurs des universités. En début de carrière, ils touchent 3000€ /mois. En fin de carrière, les salaires montent à 6000€ /mois. A cela s'ajoutent diverses indemnités. Enfin, le professeur d'université, selon ses activités externes peut toucher des rémunérations issues de l'édition, de conférences ou d'expertises.

■ Les qualités requises

Pédagogie, rigueur, discipline, écoute, actualisation des connaissances, neutralité, sens critique, patience, persévérance.

■ Les règles professionnelles

Il n'existe pas de code de déontologie à proprement parler. Mais les professeurs des universités sont, par définition, indépendants, tenus à respecter leurs engagements universitaires, à la probité et ils s'engagent à défendre les intérêts de leur faculté et non leurs intérêts personnels.

 

Auteur :A. C.


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