Actualité > Le billet

Le billet

[ 26 février 2013 ] Imprimer

La conférence de consensus sur la récidive

Le 18 septembre 2012, la garde des Sceaux, qui n’avait pas encore à l’époque l’aura de quasi-divinité qui lui a été attribuée après les débats à l’Assemblée nationale sur le « Mariage pour tous », a mis en place une conférence de consensus sur la récidive dont les résultats viennent d’être publiés.

Qu’est-ce d’abord qu’une conférence de consensus ? Il s’agit d’un organe qui est chargé de trancher une question particulièrement complexe sur laquelle des experts s’opposent. Elle est donc censée permettre de dépasser les clivages et de trouver un… consensus sur la thématique traitée.

À cet effet, la conférence est composée d’entités distinctes. L’autorité qui a souhaité la réunion d’une conférence de consensus désigne, en premier lieu, un comité d’organisation qui va, notamment, effectuer un lourd travail préparatoire. Ce comité a également la tâche de nommer un jury pluridisciplinaire qui, in fine, va devoir forger son avis, et rédiger son rapport, à partir des travaux préparatoires, et des auditions d’experts…

Reste qu’en l’espèce, le rapport rendu par le jury de la conférence de consensus sur la récidive est explosif, car la position exprimée se veut révolutionnaire. Le jury a en effet estimé disposer d’éléments suffisants pour remettre en cause « l’efficacité de la peine de prison en termes de prévention de la récidive ». Il prône notamment la création d’une nouvelle « peine » : la peine de probation dont, à la vérité, il est difficile de cerner les contours à la lecture du rapport. Entièrement déconnectée de l’emprisonnement, la peine de probation serait prononcée pour un temps limité au cours duquel le condamné aurait diverses obligations, comme indemniser les victimes, en rencontrer d’autres, ou effectuer des travaux d’intérêt général…

Plus surprenant, si le jury propose que la violation des obligations imposées au condamné constitue un délit, il ajoute qu’il ne devrait pas y avoir de « sanction-couperet », mais un accroissement de « l’effort pour mieux accompagner le condamné ». Mieux, ou pire c’est selon, le jury précise que « la réitération occasionnelle n’implique pas l’abandon du processus [de sortie de la délinquance] mais en fait au contraire partie ». Comme s’il en allait de la récidive d’une infraction comme de la rechute d’un malade… Ainsi, seule « la non-observation persistante de règles de probation constituera[it] un délit qui pourra[it] justifier un renvoi devant le tribunal ».

Qui ne voit qu’il est impossible qu’une telle préconisation, tout comme l’instauration de libération conditionnelle d’office, déconnectée des mérites du condamné, ne fera jamais consensus dans l’opinion publique. Cela ne signifie pas que, sur le fond, les propositions n’aient aucune pertinence. Mais la forme du rapport est catastrophique. Tout au long de celui-ci, le délinquant récidiviste apparaît comme une victime, de lui-même d’abord, et de la société ensuite, qui n’a pas su l’aider à ne pas commettre à nouveau d’infraction.

La fonction principale de la peine devient ainsi la réinsertion, voire la réparation, la punition étant totalement occultée. Le titre du rapport « Punir dans une société démocratique » ne manque alors pas de sel, comme si une société démocratique ne devait pas sanctionner. Au vrai, avec ses propositions « décoiffantes », la conférence de consensus a oublié quel était son objectif : faire des propositions permettant au gouvernement d’améliorer sensiblement la qualité des normes afin de faire diminuer la récidive.

En l’état, le rapport apparaît comme un parti pris dogmatique qui, au lieu de faire consensus, ravivera la polémique sur le traitement de la récidive et embarrassera le gouvernement socialiste qui va se retrouver sous le feu nourri d’accusations de laxisme.

En définitive, loin d’avoir trouvé un consensus, le jury en appelle au « grand soir de la peine ». Gageons qu’il n’aura pas lieu, et que la montagne de la conférence accouchera d’une souris législative.

 

Référence

 Rapport de la conférence de consensus : http://conference-consensus.justice.gouv.fr/

 

Auteur :Mathias Latina


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr