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[ 17 février 2014 ] Imprimer

La loi relative à la consommation

La loi relative à la consommation vient d’être définitivement adoptée par le Parlement. Cette loi, obèse, comme toutes ses contemporaines, est censée s’occuper des « vraies gens » afin, notamment, de leur redonner du « pouvoir d’achat ».

Il est impossible de commenter, dans le cadre d’un billet, la totalité de cette loi. En outre, avant de tenter de mettre en lumière certains de ses traits, il n’est peut-être pas inutile de s’attarder quelques instants sur la schizophrénie de la société française.

Il n’y aura sans doute pas grand monde pour critiquer les nouvelles règles mises en place pour accroître la protection du consommateur. Pourtant, la critique à la mode, reprise en canon par tous les Français, est le trop-plein de « normes » qui viendrait brider l’initiative individuelle et gripper le moteur de l’économie. Il faudrait donc tout simplifier, et supprimer ces « normes » honnies. Mais, si les Français n’aiment pas les « normes », ils ont une passion pour les « règles »… Comprenne qui pourra.

La mesure emblématique de la loi relative à la consommation est, sans nul doute, l’adoption de l’action de groupe. Il n’y aura toutefois pas, sur le fondement de cette loi, d’action de groupe, menée par de jeunes et sémillants avocats, payés par des honoraires de résultat, destinée à permettre à des victimes d’obtenir réparation du préjudice subi par leurs langues, carbonisées par un café servi trop chaud…

Trois raisons, au moins, empêcheront une telle action.

D’abord, et même si cela n’a rien à voir avec la loi récemment adoptée, les avocats ne peuvent pas se faire payer uniquement par des honoraires de résultat. Le pacte de quota litis est en effet prohibé. L’honoraire de résultat ne peut qu’accompagner un honoraire au forfait ou au temps passé, et encore, à condition qu’il y ait un rapport de proportionnalité raisonnable entre les deux.

Ensuite, parce que l’action de groupe ne pourra, de toute façon, être intentée que par une association de défense des consommateurs agréée au niveau national. Voilà donc un marché que les avocats n’ont pas réussi à emporter, même s’il faudra bien un avocat pour représenter l’association devant le Tribunal de grande instance.

Enfin, parce que seuls les dommages matériels subis par un consommateur à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de service sont concernés par l’action de groupe, y compris lorsque ce dommage résulte d’une pratique anticoncurrentielle. Autrement dit, l’action de groupe ne concerne pas les dommages corporels.

Par ailleurs, le système mis en place par la loi est celui de « l’opt-in ». Après un jugement de responsabilité, les victimes, qui n’étaient pas à l’origine de l’action, pourront se faire connaître et prouver leur appartenance au groupe selon les modalités prévues par le Tribunal. L’attente sera longue car les mesures de publicité destinées à faire connaître la décision au public ne pourront être effectuées qu’une fois tous les recours purgés, en ce compris le pourvoi en cassation.

Amis consommateurs, gardez vos tickets de caisse !

La loi, après avoir repris la définition européenne du consommateur (art. 3 de la loi relative à la consommation ; article préliminaire du Code de la consommation) contient, ensuite, toute une série de mesures destinées à accroître la protection du consommateur.

Certaines règles sont d’origine européenne, la loi relative à la consommation transposant la directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs. Il en va ainsi, notamment :

– de la modification des informations précontractuelles dues par le professionnel au consommateur (art. 6 et 9 de la loi relatives à la consommation) ou ;

– de l’allongement du délai de rétractation dans la vente à distance et après de démarchage (délai qui passe de 7 à 14 jours ; art. 9 de la loi relative à la consommation).

De même, toujours sur injonction de l’Union européenne, la loi est venue préciser qu’en cas de livraison de la chose, les risques pèsent, durant le transport, sur le professionnel, par dérogation à la règle res perit domino (art. 18 de la loi relative à la consommation ; art. L. 138-4, nouveau, C. consom.).

Cette solution était toutefois, semble-t-il, déjà de droit positif. Elle résultait de l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation, issu de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Cet article précise, en effet, que « le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci ». Reste que le nouvel article L. 138-4 du Code de la consommation a le mérite de la clarté.

En outre, le consommateur pourra résilier certains de ses contrats d’assurance, sans frais, après l’expiration d’un délai d’un an. La loi ne sera toutefois applicable qu’aux contrats conclus après l’entrée en vigueur du décret destiné à préciser les modalités de cette résiliation, ou après la tacite reconduction des contrats en cours (art. 61 de la loi relative à la consommation).

Quant aux acquéreurs-emprunteurs en matière immobilière, ils pourront également résilier leur contrat d’assurance de prêt dans l’année de leur souscription. Ils auront ainsi la possibilité de faire jouer la concurrence, le prêteur n’ayant la possibilité de s’opposer au changement d’assureur que si le niveau de garantie proposé dans le nouveau contrat n’est pas équivalent à celui qui était fourni par l’assureur initial (art. 54 de la loi relative à la consommation).

Toutes ces mesures, et d’autres encore, ont été fortement médiatisées. En revanche, la suppression de l’hypothèque rechargeable, considérée comme un « symbole du sarkozysme », est passée complètement inaperçue (art. 46 de la loi relative à la consommation)… 

Reste maintenant à voir quel sera l’impact réel de cette loi, dont on attend « monts et merveilles » d’un point de vue économique.

Références

■ Loi relative à la consommation : http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0295.asp

■ Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=768A2C1D7CC27B301B223196678681D5.tpdjo17v_1?cidTexte=JORFTEXT000000801164&categorieLien=id

■ Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:304:0064:0088:fr:PDF

■ Code de la consommation

Article L. 121-20-3

« Le fournisseur doit indiquer, avant la conclusion du contrat, la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation de services. A défaut, le fournisseur est réputé devoir délivrer le bien ou exécuter la prestation de services dès la conclusion du contrat. En cas de non-respect de cette date limite, le consommateur peut obtenir la résolution de la vente dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 114-1. Il est alors remboursé dans les conditions de l'article L. 121-20-1. 

En cas de défaut d'exécution du contrat par un fournisseur résultant de l'indisponibilité du bien ou du service commandé, le consommateur doit être informé de cette indisponibilité et doit, le cas échéant, pouvoir être remboursé sans délai et au plus tard dans les trente jours du paiement des sommes qu'il a versées. Au-delà de ce terme, ces sommes sont productives d'intérêts au taux légal. 

Toutefois, si la possibilité en a été prévue préalablement à la conclusion du contrat ou dans le contrat, le fournisseur peut fournir un bien ou un service d'une qualité et d'un prix équivalents. Le consommateur est informé de cette possibilité de manière claire et compréhensible. Les frais de retour consécutifs à l'exercice du droit de rétractation sont, dans ce cas, à la charge du fournisseur et le consommateur doit en être informé. 

Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. 

Toutefois, il peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure. »

 

Auteur :Mathias Latina


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