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Le billet

[ 4 janvier 2016 ] Imprimer

Les perspectives de 2016

L’année 2015 vient de s’achever. On ne la regrettera pas. « Ensanglotée » par deux odieuses attaques terroristes, l’année 2015 ne sera pas oubliée. Ceux qui le peuvent vont toutefois tourner la page raturée de rouge de 2015, afin d’ouvrir celle de 2016, pour l’instant immaculée. Le pire n’est jamais sûr mais, lorsqu’il s’est produit, sa réitération paraît malheureusement moins improbable. L’année 2016 ne pourra donc pas être celle de l’insouciance.

Les futurologues auront la lourde tâche de prédire ce qui se produira en général... En droit, plusieurs réformes sont annoncées.

Le marché du travail sera-t-il modifié en profondeur ? C’est assez peu probable tant la Société française est indécise. D’un côté, il y aurait trop de contraintes, trop de protection, trop d’assistanat, le tout nuisant à la libre entreprise et à la croissance. De l’autre, les Français n’ont jamais autant réclamé de protection de la part de l’État. L’exemple des chauffeurs de VTC est édifiant. Ces derniers n’ont eu de cesse de réclamer la liberté de travailler sans entrave, fustigeant un système sclérosé profitant aux taxis, ces derniers étant présentés sur les réseaux sociaux comme des nantis, malhonnêtes, impolis, incompétents, etc. Mais, tout juste auréolés de certaines victoires, voilà les chauffeurs de VTC qui menacent de bloquer les grandes villes. Que réclament-ils ? Que l’État vienne réglementer leur secteur d’activité et qu’il les protège contre les entreprises qui, à défaut de les employer, les mettent en relation avec leurs clients. L’ironie de la situation leur a sans doute échappé… Il faut dire que « l’ubérisation » du marché du travail profite essentiellement à ces entreprises, transformées en « coquille vide », puisque n’ayant que peu de salariés. Le système est délirant : les chauffeurs de VTC sont des travailleurs indépendants ; ils peuvent pourtant être exclus du réseau mis en place par l’entreprise, si la notation qu’ils reçoivent de leurs clients passe sous un certain seuil. Autrement dit, ils peuvent être renvoyés sans préavis. Voilà donc des travailleurs indépendants, soumis aux conditions de travail fixées par une entreprise et aux dictats de leurs clients, dont nombre se transforment en petits patrons autoritaires et sourcilleux. La bouteille d’eau n’était pas prête dans la voiture ? Deux étoiles en moins ! La conversation dans les bouchons n’était pas de qualité ? Trois étoiles en moins ! On passera sur les études menées dans d’autres pays qui tendent à démontrer que les travailleurs d’origine étrangère ont systématiquement de plus mauvaises notes de leurs clients que les autres… Quelle merveilleuse liberté du travail que celle-là. Est-ce l’avenir du marché du travail ? Peut-être. La France étant engluée dans un chômage de masse, certains se sont résignés à voir les chômeurs devenir des travailleurs indépendants, quitte à ce qu’ils soient miséreux.

Une réforme constitutionnelle est également annoncée. L’état d’urgence ferait son entrée dans la Constitution en même temps que la déchéance de la nationalité française pour les citoyens binationaux. Cette deuxième mesure serait essentiellement symbolique. Celui qui a fomenté ou perpétré une attaque terroriste contre la France et les Français ne s’est-il pas lui-même mis au ban de la Société française ? Dans cette perspective, la déchéance de la nationalité n’est pas tant une sanction que la conséquence logique des actes accomplis par celui qui en est frappé. Mais, permettre la déchéance de la nationalité française des citoyens binationaux c’est, de fait, indiquer que leur nationalité française est plus fragile que celle de ceux qui sont « uniquement » français. En somme, il y a un choc de symboles, et chacun choisira le sien, jusqu’à ce que le Parlement décide.

La réforme du droit des contrats semble également toujours sur les rails, bien qu’aucune nouvelle version n’ait « fuité » depuis mars 2015. La Chancellerie ne communique que peu sur le sujet, les travaux gouvernementaux étant frappés du sceau du secret. Normalement, et sauf coup de théâtre, l’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations sera présentée lors du conseil des ministres du 3 ou du 10 février, afin que la publication de l’ordonnance soit faite in extremis avant le 15 février 2016. Le contenu de l’ordonnance devrait donc être connu vers la fin du mois de janvier.

Enfin, et sans souci d’exhaustivité, deux réformes potentielles intéressent particulièrement les étudiants en droit. Celle de l’accès aux professions d’avocat et de notaire. Pour ce qui est de la première, le principe de la réforme est acté. Un examen d’entrée unique aux différentes écoles d’avocats va être mis en place, sans doute dès la rentrée 2016. Quant aux notaires, ils songent à créer une grande école du notariat, dont ils maîtriseraient l’accès (examen, concours, dossiers ?). De nombreux arguments sont avancés pour justifier ces modifications. Mais il est clair que ces réformes ont vocation à permettre à ces deux professions de mieux maîtriser le flux des nouveaux entrants… Où l’on voit que la libéralisation est toujours une bonne chose… quand elle touche les autres professions !

Quoi qu’il en soit, le signataire de ces lignes souhaite une bonne et heureuse année à tous les lecteurs du site Dalloz Actu Étudiant (et aux autres aussi) !

 

Auteur :Mathias Latina


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