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Le billet

[ 3 décembre 2012 ] Imprimer

Règlement de comptes à OK COCOE

Bel hommage, ou piètre pastiche de la série Dallas, c’est selon, l’UMP se donne en spectacle depuis maintenant trop longtemps, et sans doute encore pour quelques temps.

Dans le rôle de J.-R. Ewing, Jean-François Copé, le sourcil toujours levé, quoique l’œil un peu plus las, est parfait. Le nouveau chef de la « famille » n’a pas l’intention de se laisser « voler sa victoire », qu’aucun oracle sondagier n’avait d’ailleurs été en mesure de prévoir… En revanche, François Fillon propose une nouvelle interprétation de Bobby Ewing. Le gentil de la « famille », l’effacé, le « simple collaborateur » a décidé de se rebiffer, agacé qu’il serait, (« enfin » !) par sa naïveté. C’est lui qui devrait être à la tête de la « famille » et présider à sa destinée ! Déterminé, semble-t-il, à pratiquer la politique du pire, François « Bobby » Fillon utilise deux leviers pour tenter d’obtenir une nouvelle élection.

Le premier est politique. Il a consisté à créer un nouveau groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, le RUMP, à ne pas confondre avec une nouvelle danse à la mode. Ce levier politique pourrait devenir un levier financier si les subsides versés par l’État à chaque groupe parlementaire, en fonction du nombre de ses membres, venaient à ne pas être restitués à l’UMP. On sait en effet que l’UMP est lourdement endetté, notamment en raison de l’acquisition de son siège. On ose à peine imaginer ce qu’il adviendrait si l’UMP, « premier parti de France », devait être amené à céder son bien, comme le Front national avait été obligé de le faire avec son « paquebot ».

Le second levier est juridique. Il s’agit d’une contestation en justice des résultats de l’élection à la présidence de l’UMP. Aux dernières nouvelles, qui ne le seront plus au moment de la publication de ce billet, tant les choses vont vite, la « plainte » de François Fillon serait en passe d’être déposée. Mais quelle plainte ?

En vérité, plutôt que de plainte, c’est une assignation devant la justice civile aux fins d’obtenir l’annulation du scrutin organisé par l’UMP qui serait imminente. Un parti politique est en effet une association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Certes, de nombreuses obligations ont été, au fur et à mesure, imposées à ces associations bien particulières. C’est ainsi que la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique contient des dispositions relatives au financement des partis et groupements politiques. L’article 7 de cette loi précise même que « les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement » — ce que l’article 4 de la Constitution affirmait déjà —, « qu’ils jouissent de la personnalité morale », « qu’ils ont le droit d’ester en justice », etc.

En outre, les partis et groupements politiques doivent favoriser « l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales » (Cons., art. 1er, al. 2 sur renvoi de l’art. 4, al. 2), sous peine de sanctions financières que l’UMP a par ailleurs préférées payer lors des dernières élections…

Faute de disposition particulière relative à la contestation du scrutin au sein d’un parti politique, il faut donc en revenir à la loi de 1901 qui, dans son article 1er, précise que : « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ». Le conflit qui oppose des membres d’une même association est donc un conflit privé qui doit se régler devant les juridictions civiles et, plus précisément, devant sa juridiction de droit commun, le Tribunal de grande instance, le montant du litige étant indéterminé.

Au soutien de cette thèse, on peut exhumer, pour ce que cela vaut, une question posée le 7 août 2000 au ministre de l’Intérieur, par le député Thierry Mariany qui souhaitait « savoir dans quels délais et sous quelle forme les membres d’une association peuvent ester en justice pour demander l’annulation des élections de plusieurs personnes choisies pour représenter les adhérents d’une association au sein de son conseil d’administration ou de toute autre instance dirigeante ».

Le ministère de l’Intérieur alors répondu que « tout membre d’une association peut exercer une action devant [le Tribunal de grande instance du lieu du siège de l’association], dans les conditions et formes prévues par le nouveau code de procédure civile, s’il estime les élections au sein des instances dirigeantes ou les conditions de leur déroulement (ordre du jour, quorum, procuration, votes…) irrégulières, pour obtenir la nullité ». Le délai pour agir est aujourd’hui de cinq ans, conformément au droit commun, il l’était déjà à l’époque, la jurisprudence estimant la nullité relative. Le ministre évoque d’ailleurs un arrêt de la cour d’appel de Paris dans lequel les juges avaient décidé que les membres de l’association n’avaient pas à saisir, préalablement à la demande en justice, la « commission » chargée de « rechercher, conformément à l’esprit de l’association, une solution amiable aux contestations nées de l’application des statuts » (Paris, 2 avr. 1991). Ainsi, si l’on se réfère à cette décision, François Fillon n’avait pas à saisir la fameuse CONARE, même s’il l’a fait, avant d’agir en Justice.

Enfin, quelle peut-être la destinée de cette action ? Personne ne peut être affirmatif, « compte tenu de l’aléa inhérent à toute procédure juridictionnelle », ce que les avocats prudents n’omettent jamais de préciser dans leur lettre « parapluie ». Toutefois, l’étroitesse des résultats, 90 voix pour l’un, puis 28 voix pour l’autre, les indéniables problèmes d’organisation (fil d’attente…), et les doutes quant à la composition de la commission des recours peuvent faire pencher la balance en faveur d’une annulation.

Les choses se régleront-elles rapidement ? Pas nécessairement, même si le référé est utilisé, compte tenu des voies de recours. Le temps de la justice sied mal au temps politique, surtout lorsque le personnel politique en question « twitte » plus vite qu’il ne pense.

Quoi qu’il en soit « ce n’est pas la classe à Dallas »…

 

Références

Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000497458&fastPos=1&fastReqId=1790701117&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte

Article 7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique

« Les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement. Ils jouissent de la personnalité morale.

Ils ont le droit d'ester en justice.

Ils ont le droit d'acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux des biens meubles ou immeubles : ils peuvent effectuer tous les actes conformes à leur mission et notamment créer et administrer des journaux et des instituts de formation conformément aux dispositions des lois en vigueur. »

■ Constitution

Article 1er

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Article 4

« Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1er dans les conditions déterminées par la loi.

La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

Réponse ministérielle publiée au JO du 23 octobre 2000 : http://questions.assemblee-nationale.fr/q11/11-49970QE.htm

Paris, 2 avril 1991, JCP E 1991. Pan. 508.

 

Auteur :Mathias Latina


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