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[ 13 avril 2016 ] Imprimer

Droit pénal général

Abus de faiblesse… œnologique

Mots-clefs : Abus de faiblesse, Vente à domicile, Démarchage

Il ne résulte pas des termes de l’article L. 122-8 du Code de la consommation que plusieurs visites au domicile d’une même personne soient nécessaires pour constituer le délit d’abus de faiblesse.

Sanctionnant les pratiques commerciales illicites, le Code de la consommation définit l’abus de faiblesse comme le fait par quiconque d’abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. 

Trois conditions doivent être réunies pour que le délit d'abus de faiblesse soit constitué: l'existence d'un état de faiblesse ou d'ignorance de la victime préalable à la sollicitation et indépendant des circonstances dans lesquelles elle a été placée pour souscrire l'engagement (V. Crim. 18 mai 1999, n° 97-85.979), la connaissance par le cocontractant de cet état et la souscription d'un engagement (V. Crim. 7 nov. 2001, n° 00-85.491). Préalablement, il faut encore vérifier que le champ du délit défini par la loi est respecté, l’article L. 122-8 du Code de la consommation énumérant les différentes situations à l'occasion desquelles le délit peut être commis. Tel était le premier enjeu de l’arrêt. 

Un individu exerçant, de 2010 à 2013, une activité de vente de vins par démarchage des clients à partir de fichiers achetés, livraison et facturation à domicile, a été poursuivi pour abus de faiblesse à l’encontre de victimes âgées et pour certaines, atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de sénilité, et pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile. En première instance, le tribunal correctionnel l’a déclaré coupable des délits poursuivis, à l’exception de l’infraction de livraison avant le délai de rétractation de sept jours. En appel, la chambre correctionnelle a confirmé la déclaration de culpabilité et l'a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, 5 000 euros d’amende, deux ans d’interdiction professionnelle. 

Dans son pourvoi, le prévenu contestait, d'une part, la caractérisation des éléments constitutifs de l’infraction d’abus de faiblesse, et, d'autre part, le cumul d’infractions entre cette dernière infraction et celles sanctionnant le non-respect des obligations prescrites par les articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation en cas d’engagement conclu lors d’un démarchage à domicile. Il n’obtint gain de cause ni sur l’un ni sur l’autre des moyens, la chambre criminelle rejeta l’ensemble de son pourvoi. 

Concernant l’infraction d’abus de faiblesse qui retiendra notre attention ici, le prévenu faisait notamment valoir, sur le fondement de l’interprétation stricte de la loi pénale, que celle-ci suppose pour être caractérisée plusieurs visites domiciliaires. En effet, le texte de l’article L. 122-8 indique que l’abus de la faiblesse d’une personne dans le but de faire souscrire un engagement doit se faire «  par le moyen de visites à domicile ». Le pourvoi s’appuyait donc sur le pluriel employé au mot "visite" pour faire admettre que l'article L. 122-8 impose la réitération du comportement. 

Rejetant l’analyse, la chambre criminelle affirme au contraire «  qu’il ne résulte pas des termes de l’article L. 122-8 du Code de la consommation que plusieurs visites au domicile d’une même personne soient nécessaires pour constituer le délit d’abus de faiblesse ». Ainsi compris, il n’est donc pas nécessaire pour que l’infraction soit constituée que le consommateur subisse au moins deux fois les assauts du démarcheur. Une seule suffit. 

La solution énoncée a le mérite de rendre plus de cohérence entre les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation. Le second texte n'impose pas une telle réitération du comportement lorsqu’il vise « le démarchage par téléphone ou télécopie ». L’expression employée est au singulier. Il est difficile de croire que les victimes auraient besoin d’une protection consumériste moins importante chez elles que par téléphone. Il semble donc que la Cour de cassation ait entendu l'expression « par le moyen de visites au domicile » comme synonyme de « par le moyen d’un démarchage à domicile ».

Crim. 8 mars 2016, n° 14-88.347

Références

■ Crim. 18 mai 1999, n° 97-85.979.

■ Crim. 7 nov. 2001, n° 00-85.491.

 

Auteur :C. L.


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