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[ 16 septembre 2016 ] Imprimer

Droit pénal général

Application de la loi pénale dans le temps : mise en œuvre de la rétroactivité in mitius

Mots-clefs : Application de la loi pénale dans le temps, Rétroactivité in mitius, Loi pénale plus douce, Application immédiate, Stationnement, Handicap

L’article L. 241-3-2 du Code de l’action sociale et de l’aide aux familles, qui instaure le stationnement gratuit et illimité pour les personnes handicapées, doit s’appliquer à des faits de stationnement abusif commis avant son entrée en vigueur et non encore jugés.

Aux termes de l’article 112-1, alinéa 1er, du Code pénal, « seuls sont punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ». Mais l’alinéa 3 précise : « toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ». Il s’agit du principe de rétroactivité in mitius ou d’application immédiate des lois pénales plus douces, qui concerne les seules lois pénales de fond (c’est-à-dire celles qui déterminent les actes qui tombent sous le coup de la loi et les peines qui leur sont applicables), et dont il était question dans cet arrêt.

En l’espèce, Mme X., qui est titulaire d’une carte de stationnement pour personne handicapée, a été poursuivie devant la juridiction de proximité du chef de stationnement abusif pour avoir garé son véhicule le 24 décembre 2014 pour une durée supérieure à 15 minutes sur une place spécialement réservée à des arrêts-minute en centre ville. 

Le 15 décembre 2015, la prévenue a cependant été renvoyée des fins de la poursuite dans la mesure où, comme l’a relevé la juridiction de proximité de Cahors, l’article L. 241-3-2 du Code de l’action sociale et de l’aide aux familles, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-300 du 18 mars 2015, avait institué la gratuité du stationnement sur toutes les places de stationnement ouvertes au public pour les personnes handicapées et que la loi plus douce devait bénéficier à l’intéressée qui n’avait pas encore été jugée.

Saisie par l’officier du ministère public près le tribunal de police, la chambre criminelle de la Cour de cassation estime que « la juridiction de proximité a fait l'exacte application des textes visés au moyen », à savoir les articles 112-1 du Code pénal, L. 241-3-2 du Code de l'action sociale et des familles et 537 du Code de procédure pénale (relatif à la preuve des contraventions), « dès lors que l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et de l'aide aux familles, entré en vigueur le 18 mai 2015, n'établit, en dehors de l'alinéa 5 de ce texte inapplicable en l'espèce, aucune restriction, ni sur le type de place ouverte au public, ni sur la durée de stationnement, sauf pour l'autorité compétente à fixer la durée maximale de stationnement, qui ne peut être inférieure à douze heures ». 

La loi du 18 mars 2015 a modifié l’article L. 241-3-2 Code de l'action sociale et des familles dans le but de faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement. Le texte prévoit désormais, dans son alinéa 4, que « la carte de stationnement pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l'accompagnant d'utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public » (les autorités compétentes pouvant fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures) ; et l’alinéa 5 permet, par dérogation, que les titulaires de la carte soient soumis au paiement de la redevance en vigueur pour le stationnement sur des parcs disposant de bornes d’entrée et de sortie.  

En l’espèce, la loi nouvelle, en instaurant le stationnement gratuit et illimité pour les titulaires d’une carte de stationnement, supprimait à leur égard l’incrimination de stationnement abusif ; elle était donc plus douce et devait bien s’appliquer aux faits commis le 14 décembre 2014, soit avant son entrée en vigueur.

Crim. 12 juill. 2016, n° 16-80.001

Références

■ Th. Garé et C. Ginestet, Droit pénal. Procédure pénale, Dalloz, Hypercours, 2016, n° 47 s. 

■ Rép. pén. Dalloz, v° Lois et décrets, par C. Porteron, nos 126 s.

 

Auteur :S. L.


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