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Droit des régimes matrimoniaux
Contribution aux charges du mariage : prise en compte des facultés respectives des époux
Mots-clefs : Famille, Mariage, Dissolution, Contrat de mariage, Contribution aux charges, Clause de règlement, Montant, Facultés respectives
À défaut de détermination conventionnelle de la part contributive respective de chacun des époux, le montant de la contribution aux charges du mariage est fixé compte tenu de leurs facultés respectives.
À la dissolution du mariage, la dissolution subséquente du régime matrimonial peut donner lieu à des comptes entre époux, s'agissant, notamment, de la contribution aux charges du ménage. Deux hypothèses sont possibles :
– soit un époux n'a pas rempli pendant le mariage son obligation de contribution ;
– soit un époux invoque une contribution excessive et se prévaut ainsi d'une créance contre son conjoint.
Cette dernière hypothèse est celle de l’arrêt rapporté.
Deux époux séparés de biens divorcent. Dans leur contrat de mariage, une clause stipulait une présomption de règlement des charges au jour le jour par chacun des époux. Or, l’époux invoque un droit de créance au titre, d’une part, du remboursement de l’emprunt ayant servi à financer l’acquisition, en indivision, du logement familial, et d’autre part, du coût des travaux y ayant été réalisés. En appel, l’époux est débouté de sa demande au motif principal qu’indépendamment de la présomption instituée par la clause de répartition des charges, les sommes litigieuses se rattachent à l’obligation de contribution aux charges du mariage au regard de la situation respective des époux (C. civ., art. 214). Dans son pourvoi formé contre cette décision, l’époux reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si son ex-épouse avait combattu la présomption conventionnelle en rapportant la preuve de l’inexécution de son obligation contributive.
Son pourvoi est rejeté au motif que l’immeuble indivis constituant le logement familial, le paiement de dépenses afférentes à l’acquisition et à l’aménagement de ce bien participait à l’exécution par le mari de son obligation de contribuer aux charges du mariage et que la portée de la présomption instituée par la clause de répartition de ces charges n’ayant pas été débattue devant les juges du fond, ceux-ci ont pu constater que, pendant toute la durée de la vie commune, le mari avait disposé de revenus confortables et nettement supérieurs à ceux de son épouse, et ainsi souverainement pu estimer que les paiements effectués par le mari l’avaient été en proportion de ses facultés contributives.
À supposer qu'un époux n'ait pas rempli régulièrement son obligation de contribution, et dès lors que la règle « aliments ne s'arréragent pas » est inapplicable à la contribution aux charges, son conjoint peut-il lui demander des comptes ? Si la convention matrimoniale prévoit que les époux sont réputés avoir fourni au jour le jour leur part contributive, stipulation fréquente sous les régimes séparatistes, la demande sera généralement vouée à l'échec, tant la preuve contraire se révèle difficile.
En outre, la démonstration n’a véritablement d’intérêt qu’en régime de séparation de biens puisqu’en régime communautaire, les sommes que l'époux aurait négligé de fournir au titre de la contribution se retrouveront au jour de la dissolution dans la masse commune à partager.
Comme en témoigne l’arrêt rapporté, l’argument d’un trop versé est susceptible d’être invoqué à la dissolution du mariage par celui des époux, séparé de biens, qui estime avoir excédé sa part contributive. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation exige des juges du fond qu'ils retiennent une contribution dépassant la contribution normale aux charges du mariage et présentant une « certaine qualité » (v. B. Vareille. – Civ. 1re, 2 oct. 1985), ce qu'ils apprécient cependant souverainement (Civ. 1re, 8 févr. 2000). En cela, la clause relative aux charges du mariage prévue dans le contrat de mariage pourra être prise en compte par les juges, à condition toutefois qu’elle ne se limite pas à instaurer une présomption de contribution mais qu’elle précise la part contributive de chacun des époux.
Sous un régime de séparation de biens, ces clauses de répartition se révèlent particulièrement utiles du fait qu'il n'existe, par principe, aucune communauté économique entre les époux. En outre, lorsque, comme en l’espèce, les revenus du couple sont disproportionnés, une stipulation inégale quant à la répartition des charges permet de faire bénéficier le conjoint défavorisé de la richesse de l'autre. Dans l’arrêt rapporté, à défaut de détermination conventionnelle, les juges sont naturellement revenus au critère légal lié aux facultés respectives des époux, par lequel le juge est conduit à préciser l'objet de la contribution aux charges ; dès lors, l'appréciation de ces facultés respectives revient, en fait, à déterminer le niveau de vie auquel peut prétendre la famille, donc les dépenses qui peuvent être considérées comme entrant dans les charges du mariage.
En répartissant les charges du mariage en fonction des ressources des époux, il s'agit en fait d'arriver à un niveau de vie identique pour les deux époux, déterminé non pas en fonction de leurs besoins mais de leurs ressources, essentiellement pécuniaires (gains et salaires). En l’espèce, pour fixer le montant de la contribution et rejeter en conséquence les demandes du mari en remboursement, les juges ont ainsi tenu compte de la disparité de revenus de l’ancien couple, dont il convenait de déduire la proportionnalité des paiements effectués par le mari à ses facultés contributives.
Civ. 1re,15 mai 2013, n°11-26.933
Références
« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »
■ B. Vareille, «Régimes conventionnels : contribution aux charges du mariage et rémunération de la femme au foyer en régime séparatiste. La donation rémunératoire», RTD civ. 1997. 494.
■ Civ. 1re, 2 oct. 1985, n°84-13.136.
■ Civ. 1re, 8 févr. 2000, n° 98-10.846, D. 2000. Somm. 428, obs. M. Nicod.
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