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Procédure pénale
Défaut d'accès à l’intégralité du dossier pendant la garde à vue : conventionnalité !
Mots-clefs : Garde à vue, Accès au dossier, Droits de la défense
L’absence de communication de l’ensemble des pièces du dossier au stade de la garde à vue n’est pas de nature à priver la personne d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l’accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d’instruction et de jugement.
La chambre criminelle vient d’apporter sa contribution au débat sur la conventionnalité de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et plus précisément sur la question de l’accès au dossier. Aux termes de l’article 63-4-1 du Code de procédure pénale, l’avocat assistant une personne gardée à vue peut consulter le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi à l’issue de l’examen éventuellement pratiqué et les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. Cet accès fragmentaire au dossier est contesté ( v. J. Danet, J. Alix, H. Matsopoulou).
En l’espèce, placé en garde à vue, du 27 au 29 juin 2011, le prévenu a sollicité l’assistance d’un avocat, lequel a vainement demandé à prendre connaissance de l’intégralité de la procédure d’enquête. Ultérieurement poursuivi devant le tribunal correctionnel, il a demandé l’annulation du procès-verbal établi lors de son audition, motif pris de ce refus. Le tribunal ayant refusé de faire droit à cette exception, un appel a été interjeté.
La cour d'appel d'Agen a infirmé le jugement, au visa de l'article 6 § 3 de la Conv. EDH et annulé le procès-verbal contesté au motif « que l’effectivité du droit à l’assistance d’un avocat nécessite que celui-ci ait accès à l’entier dossier de la procédure, et que, cette règle n’ayant pas été respectée, la garde à vue du prévenu n’a pas été conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme » (Agen, 24 oct. 2011).
Tel n’est pas l’avis de la chambre criminelle qui refuse de prononcer la non-conventionalité de cette disposition issue de loi du 14 avril 2011. Selon elle, l'effectivité de l'assistance de l'avocat au gardé à vue ne passe pas nécessairement par l'accès à l'entier dossier de la procédure, « l’absence de communication de l’ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n’étant pas de nature à priver la personne d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l’accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d’instruction et de jugement ». En somme, peu importe qu’au stade de la garde à vue, l’accès soit parcellaire tant que l’accès au dossier complet est garanti à un stade ultérieur : instruction et jugement.
La chambre criminelle valide ainsi la différence de régime entre l'enquête de police et l'instruction concernant le droit d'accès au dossier comme l’avait fait avant elle le Conseil constitutionnel (Cons. const. 18 nov. 2011, n° 2011-191/194/195/196/197 QPC). Néanmoins le débat est loin d’être clos. D’abord, il pourrait rebondir à Strasbourg. Ensuite, la transposition de la directive du droit de l’Union relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (Dir. 2012/13/UE du 22 mai 2012) pourrait obliger le législateur à faire évoluer notre législation : elle prévoit que les suspects doivent disposer d'informations détaillées concernant les accusations portées contre eux afin de pouvoir préparer leur défense.
Crim. 19 sept. 2012, n° 11-88.111 FS-P+B
Références
■ Instruction
« Phase de l’instance pénale constituant une sorte d’avant-procès, qui permet d’établir l’existence d’une infraction et de déterminer si les charges relevées à l’encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu’une juridiction de jugement soit saisie. Cette phase, facultative en matière de délit, sauf dispositions spéciales, obligatoire en matière de crime, est conduite par le juge d’instruction sous le contrôle de la chambre de l’instruction. »
Source : Lexique des termes juridiques 2013, Dalloz.
■ Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue
■ Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012
■ Cons. const. 18 nov. 2011, n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, D. 2011. 3034, note Matsopoulou, Dalloz Actu Étudiant 5 déc. 2011.
■ Agen, 24 oct. 2011 n° 11/00403.
■ J. Danet, « Constitutionnalité, non-conventionalité et application de la loi nouvelle sur la garde à vue », RSC 2012. 185.
■ J. Alix, « Les droits de la défense au cours de l'enquête de police après la réforme de la garde à vue : état des lieux et perspectives », D. 2011. 1699.
■ H. Matsopoulou, « Une réforme inachevée », JCP G 2011. 542.
■ Art. 63-4-1 du Code de procédure pénale
« À sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes. »
■ Article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme
« Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
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