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Droit des obligations
Devoir d'information du médecin : responsabilité délictuelle !
Mots-clefs : Médecin, Devoir d'information, Manquement, Fondement (contractuel, délictuel), Réparation (preuve de la perte de chance, non)
Dans un arrêt du 3 juin 2010, la première chambre civile estime que le non-respect du devoir d'information qui découle des articles 16 et 16-3, alinéa 2, du code civil, cause à celui auquel l'information était due, un préjudice réparable sur le fondement de l'article 1382.
Dans cet arrêt rendu en matière de responsabilité médicale, la Cour de cassation retient qu'aucun manquement fautif dans le suivi post-opératoire ne peut être reproché au médecin dont la responsabilité était recherchée sur ce fondement, et, surtout, considère que celui-ci a engagé sa responsabilité délictuelle pour manquement à son obligation d'information.
En l'espèce, un homme avait subi une adénomectomie prostatique après laquelle il s'était plaint d'impuissance, risque inhérent à l'intervention dont il n'avait cependant pas été informé. La cour d'appel avait considéré qu'il ne pouvait se prévaloir d'une perte de chance d'échapper à ce risque, qui s'était réalisé, dès lors qu'il n'existait pas d'alternative à l'intervention litigieuse et qu'il était « peu probable que le patient, dûment averti des risques de troubles érectiles qu'il encourait du fait de l'intervention, aurait renoncé à celle-ci et aurait continué à porter une sonde qui lui faisait courir des risques d'infection graves ».
Cette décision était a priori conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (v. par ex. Civ. 1e, 6 déc. 2007, retenant que « le seul préjudice indemnisable à la suite du non-respect de l'obligation d'information du médecin […] est la perte d'une chance d'échapper au risque qui s'est finalement réalisé »). Elle est pourtant censurée par la Haute cour qui, statuant au visa des articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382 du Code civil, rappelle le contenu du consentement devant être exprimé par le patient et les conditions dans lesquelles il doit être recueilli, puis énonce que le non-respect « du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice, qu'en vertu du dernier des textes susvisés, le juge ne peut laisser sans réparation ».
De cet arrêt, il nous semble devoir retenir deux enseignements :
- Le manquement par un médecin à son obligation d'information doit être nécessairement réparé (quand bien même les conditions d'une indemnisation pour perte de chance ne seraient pas remplies) ;
- La responsabilité du médecin pour manquement à son obligation d'information a désormais, sans conteste, un fondement délictuel ; la jurisprudence presque séculaire retenant le fondement contractuel de cette responsabilité (Civ. 20 mai 1936, Mercier) est donc renversée. Une évolution qui montre que l'obligation dépasse le contrat médical pour rejoindre des valeurs constitutionnelles touchant au respect de la dignité humaine.
Civ. 1e, 3 juin 2010, n° 09-13.591, FS-P+B+R+I
Références
« Devoir légal pesant sur le professionnel, vendeur de biens ou prestataire de services, d’informer son partenaire sur les caractéristiques de la chose commercialisée ou de l’opération projetée au moyen, notamment, de mentions informatives et de documents annexes. Outre de nombreux textes imposant une telle obligation dans des domaines précis (démarchage, crédit, capitalisation, voyages…), le Code de la consommation édicte, à titre de principe, une obligation précontractuelle d’information dans un souci de protection du consommateur et dispose qu’en cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté cette obligation. »
« Préjudice résultant de la disparition, due au fait d’un tiers, de la probabilité d’un événement favorable et donnant lieu à une réparation mesurée sur la valeur de la chance perdue déterminée par un calcul de probabilités et qui ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. »
« Dans la création d’un acte juridique, adhésion d’une partie à la proposition faite par l’autre. L’échange des consentements entraîne l’accord de volonté qui lie les parties. »
■ Code civil
« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. »
« Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui.
Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
■ Civ. 1e, 6 déc. 2007, D. 2008. Jur. 192, note Sargos ; ibid. Chron. 804, obs. Neyret ; ibid. Chron. 1908, obs. Bacache ; RTD civ. 2008. 303, obs. Jourdain.
■ Civ. 20 mai 1936, DP 1936. 1. 88, rapp. Josserand et concl. Matter ; RTD civ. 1936. 691, obs. Demogue ; F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, 12e éd., Dalloz, coll. « Grands arrêts », 2008, n° 162.
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