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Droit du travail - relations individuelles
Force de la rupture conventionnelle
Mots-clefs : Rupture conventionnelle, Droit de rétractation, Prise d’acte de rupture
Le « succès » de la rupture conventionnelle dans les relations du travail est connu : environ 30 000 ruptures conventionnelles sont conclues chaque mois, pour un taux de refus d’homologation avoisinant les 5%. Et cette force statistique semble bien se traduire en droit par une manière de suprématie de la rupture conventionnelle sur les autres modes de ruptures.
La cour a déjà pu estimer que la conclusion d’une rupture conventionnelle intervenant postérieurement à l’introduction par le salarié d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail rendait sans objet cette dernière, dès lors que la nullité de la rupture conventionnelle n’avait pas été demandée dans le délai imparti (Soc. 10 avr. 2013, n° 11-15.651). On se souvient aussi que « lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue » (Soc. 3 mars 2015, n° 13-20.549. En l’espèce, la rupture conventionnelle faisait suite à un licenciement).
Dans un arrêt rendu le 6 octobre dernier, la Cour de cassation précise comment peuvent s’articuler rupture conventionnelle et prise d’acte de rupture. En l’espèce, un salarié conclut une convention de rupture avec son employeur. Passé le délai légal de rétractation de quinze jours (C. trav., art. L. 1237-13), mais avant la date d’effet de la rupture précisée dans la convention, le salarié procède à une prise d’acte de rupture aux torts de son employeur. Après que l’Administration a homologué la convention de rupture, le salarié saisit la juridiction prud’homale de demandes d’indemnisation au titre d’une « rupture abusive » de son contrat de travail. Débouté en appel, il se pourvoit en cassation et fait valoir l’efficacité de la prise d’acte intervenue avant la prise d’effet de la rupture conventionnelle. Mais pour la Cour de cassation, « il résulte des articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du Code du travail qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, un salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ». Or en l’espèce le salarié s’en remettait à des manquements antérieurs à la conclusion de la convention de rupture.
A suivre ce raisonnement, ce n’est pas seulement la justification de la prise d’acte qui est en cause (produit-elle les effets d’une démission ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?), mais bien son efficacité à rompre le contrat de travail. La conclusion d’une convention de rupture, en l’absence de rétractation, et même si cette convention n’est pas encore homologuée et n’a pas encore produit effet, fait obstacle à la prise d’acte de rupture pour des faits qui lui sont antérieurs. Non seulement la convention vient comme absoudre l’employeur pour des faits antérieurs, mais encore prend-elle le dessus sur la prise d’acte pour déterminer quel a été le mode de rupture du contrat.
Le sentiment d’une force particulière dévolue à la rupture conventionnelle se trouve encore renforcé à la lecture de l’arrêt lorsqu’on apprend que le salarié, son avocat, avait souhaité exercer son droit de rétractation de la convention de rupture. L’arrêt d’appel déboutant le salarié se trouve à nouveau justifié par la Cour de cassation sur ce point. La Cour affirme en effet l’absence de validité de la rétractation faite par lettre adressée non à l’employeur lui-même, partie signataire de la convention, mais à l’administration. En l’espèce, l’avocat du salarié a procédé à la rétractation pour le compte de son client la veille de l’expiration du délai. On peut penser que le salarié s’est tourné vers lui dans les jours suivants la prise d’acte, d’où son intervention in extremis. Mais l’avocat adresse la lettre de rétractation à l’administration du travail plutôt qu'à l’employeur. Or, l’article L. 1237-13 du Code du travail, énonce, in fine, que le droit de rétractation « est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie ». Pour la Cour de cassation, il s’agit là d’une condition affectant la validité même de la rétractation.
Soc. 6 octobre 2015, n° 14-17.539
Références
■ Code du travail
■ Soc. 10 avril 2013, n° 11-15.651, Bull. civ. V, n° 98
■ Soc. 3 mars 2015, n° 13-20.549, Bull. . civ. V, à paraître.
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