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[ 18 octobre 2016 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Infection nosocomiale : engagement possible de la responsabilité pour faute de l’établissement de santé par la victime

Mots-clefs : Faute médicale, Indemnisation, Infections nosocomiales, ONIAM, Responsabilité médicale, Tiers-payeurs

En matière d’infections nosocomiales, les victimes et les tiers-payeurs gardent la possibilité d’agir à l’encontre de l’établissement de santé ou du professionnel de santé, en cas de faute, sur le fondement de l’article L. 1142-1 I, alinéa 1er du Code de la santé publique.

Une femme avait contracté une infection nosocomiale ayant entraîné un déficit fonctionnel permanent de 60 % lors d’un accouchement par césarienne au sein d’une clinique. Elle avait alors assigné la clinique et son assureur en réparation et indemnisation, en invoquant l’existence de fautes à l’origine de l’infection. Son mari et ses enfants, en tant que « victimes indirectes »,  étaient intervenus dans la procédure. La clinique avait, de son côté, appelé en cause l’ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) mais avait été condamnée à indemniser la victime et les tiers-payeurs. Elle s’était alors pourvue en cassation au motif que l’ONIAM était seul tenu d’indemniser les victimes, dès lors que les dommages subis correspondaient à un taux d’incapacité permanente supérieur à 25%. 

La première chambre civile de la Cour de cassation, statuant le 28 septembre 2016, n’a toutefois pas fait droit à la demande de la clinique au motif « qu’en matière d’infections nosocomiales, les victimes et les tiers-payeurs gardent la possibilité d’agir à l’encontre de l’établissement de santé ou du professionnel de santé, en cas de faute, sur le fondement de l’article L. 1142-1 I, alinéa 1er du Code de la santé publique ; que dans ce cas, les dispositions de l’article L. 1142-1-1 1 du Code de la santé publique relatives à l’indemnisation par l’ONIAM des victimes d’infections nosocomiales et celles de l’article L. 1142-17, alinéa 7 du Code de la santé publique, concernant l’action subrogatoire de l’ONIAM, ne sont pas applicables ». Et pour dire que le dommage résultait de fautes médicales, la Cour retient « que le dommage est la conséquence d’une négligence humaine, imputable, en premier lieu au médecin » mais également que « la clinique avait commis une faute ayant contribué à la survenue du dommage ». 

Pour rappel, depuis les lois n° 2002-403 du 4 mars 2002  et n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 , lorsque le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de la victime d’une infection nosocomiale excède le seuil de gravité de 25%, l’indemnisation est prise en charge par la solidarité nationale en vertu de l’article L. 1142-1-1 1° du Code de la santé publique. Au contraire, lorsque le seuil de gravité n’est pas atteint, l’article L. 1142-1, I, alinéa 2 du Code de la santé publique octroie à la victime la possibilité d’engager la responsabilité de plein droit du médecin et de l’établissement de santé. 

La question s’est alors posée de savoir si la compétence de l’ONIAM, était exclusive d’une action en responsabilité pour faute contre le médecin et l’établissement de santé, lorsque la victime a subi un dommage grave résultant d’une infection nosocomiale et que des fautes médicales en sont à l’origine.

Le pourvoi reprenait la jurisprudence selon laquelle l’ONIAM a une compétence principale en matière d’indemnisation  des victimes d’infections nosocomiales graves, et dispose, à ce titre, d’un recours subrogatoire contre l’établissement de santé dans lequel l’infection a été contractée en cas de fautes. Ainsi, lorsque l’article L. 1142-1-1 1° du code de la santé publique est applicable, la victime n’est titulaire d’aucune action à l’encontre de l’établissement de santé où l’infection a été contractée (Civ. 1re, 19 juin 2013, n° 12-20.433, Civ. 1re, 9 avr. 2014, n° 13-16.165). C’est sur ce point que l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 septembre dernier est venu semer le trouble dans les esprits.

Toutefois, la jurisprudence consacrée antérieurement par la Haute juridiction concernait l’impossibilité pour la victime d’un dommage grave d’engager la responsabilité de plein droit de l’établissement de santé fondée sur l’article L. 1142-1, I, alinéa 2 du Code de la santé publique. Dans l’arrêt commenté les faits d’espèce diffèrent en ce que la victime s’est fondée sur l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er du Code de la santé publique pour engager la responsabilité pour faute de l’établissement de santé et du médecin, ce à quoi les juges ne se sont pas opposés. Par conséquent, la compétence principale de l’ONIAM, dans pareil cas, exclut l’engagement, pour la victime, d’une action en responsabilité de plein droit mais n’empêche pas cette dernière de rechercher la responsabilité de l’établissement de santé et du médecin sur le fondement de la faute.

Civ. 1re, 28 sept. 2016, n° 15-16.117

Références

■ Civ. 1re, 19 juin 2013, n° 12-20.433, D. 2013. 1620, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2658, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2014. 2021, obs. A. Laude ; RDSS 2013. 1131, obs. F. Arhab-Girardin.

■ Civ. 1re, 9 avr. 2014, n° 13-16.165, RDSS 2014. 768, obs. T. Tauran.

 

Auteur :F. L.


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