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[ 27 février 2013 ] Imprimer

Droit des obligations

La preuve de l’exécution de l’obligation d’information du chirurgien n’est pas tout à fait libre…

Mots-clefs : Opération chirurgicale, Information du patient, Étendue de l’information, Preuve de l’information

Le chirurgien a l’obligation d’expliciter, notamment par la remise d’une brochure exhaustive, les risques précis de l’opération qu’il pratique.

Une patiente assigne son chirurgien en responsabilité compte tenu de la nécrose cutanée intervenue après son opération. Elle avait pourtant été informée de ce risque inhérent à l’opération qu’elle a subie. En effet, elle avait signé un document rédigé en ces termes : « j’accepte l’opération chirurgicale proposée par le docteur X. Je sais qu’il n’existe pas d’acte chirurgical sans risque et que des complications sont possibles même si l’intervention est conduite normalement ; je reconnais que la nature de l’opération prévue ainsi que ses avantages et ses risques m’ont été expliqués en termes que j’ai compris, le docteur X a répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que je lui ai posées. J’ai bien noté que toute intervention peut comporter des difficultés qui peuvent contraindre mon chirurgien à en modifier le cours dans l’intérêt de mon état de santé et futur ». La cour d’appel rejette en conséquence la demande en responsabilité de la patiente, qui se pourvoit alors en cassation. La première chambre casse l’arrêt des juges du fond : elle leur reproche d’avoir omis de rechercher si le préjudice constaté n’aurait pu être évité par un geste médical adapté et par la délivrance d’une information explicite sur les risques précis de l’opération subie.

Le postulat de base est le suivant : dans le domaine médical, l’acceptation des risques a pour effet d’écarter toute obligation de résultat car en acceptant les risques, le créancier reconnaît qu’il existe un aléa. Dès lors, tout consentement à un acte médical, et a fortiori chirurgical, comporte une part d’acceptation des risques. Encore faut-il que le patient ait été valablement informé pour donner son consentement en connaissance de cause.

Sauf exceptions, le médecin est donc tenu d’informer son patient préalablement à toute intervention. Le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la personne humaine fonde cette obligation (Civ. 1re, 9 oct. 2001). D’origine prétorienne, la règle est devenue légale — le visa en atteste. Le patient doit être pleinement avisé notamment des risques nés de l’opération envisagée, à l’exclusion des risques rares et imprévisibles compte tenu des connaissances médicales disponibles.

Comme le rappelle la décision rapportée, il a toujours été admis que le praticien devait évaluer les risques fréquents ou graves normalement prévisibles et bien entendu, tout mettre en œuvre pour éviter leur réalisation (Civ. 1re, 20 janv. 1987). Cet élément, qui aurait dû être établi, a ici manqué d’être recherché par les juges du fond, qui encourraient alors la censure de la Haute juridiction.

De façon plus surprenante, la cour d’appel se voit également reprocher de ne pas avoir caractérisé la bonne exécution par le chirurgien de son devoir d’information. Pourtant, le chirurgien avait bien rapporté la preuve, dont il a la charge (Civ. 1re, 25 févr. 1997), de l’exécution de son obligation par le versement aux débats d’un document d’information personnalisé et signé par la patiente. Or, rappelons que s’agissant d’un fait juridique, cette preuve devrait être libre. Malgré cela, la transparence étant de plus en plus recherchée (et sanctionnée), le médecin, et spécialement le chirurgien, ont pris la précaution nécessaire de se préconstituer un écrit comportant l’ensemble des éléments d’information à fournir de la façon la plus précise, claire et complète possible. Bien entendu, l’information délivrée doit être adaptée à la situation personnelle du patient : les formules pré-imprimées standardisées ne sont donc pas prises en compte.

En l’espèce, le document d’information n’a pas été jugé suffisant. Certes personnalisé, l’imprécision des risques susceptibles de survenir, qui auraient dû être mentionnés et explicités dans l’acte, caractérise la mauvaise exécution, par le chirurgien, de son devoir d’information. Il doit en conséquence indemniser, outre les préjudices corporel et moral éprouvés, la perte de chance d’échapper au risque qui s’est finalement réalisé. Néanmoins, ce dommage, par principe distinct des autres, l’est également dans le montant de la réparation auquel il donne droit : il correspond, en effet, à une fraction des différents chefs du dommage subi, et déterminé en mesurant la chance perdue et sans pouvoir être égal aux atteintes corporelles résultant de l’acte chirurgical (Civ. 1re, 13 févr. 2007).

Civ. 1re, 6 févr. 2013, n°12-17.423

Références

 Civ. 1re, 9 oct. 2001, n°00-14.564, D. 2001. 3470, note Thouvenin.

 Civ. 1re, 20 janv. 1987, n°85-10.636.

 Civ. 1re, 25 févr. 1997, n°94-19.685, RTD civ. 1997. 434, obs. Jourdain.

 Civ. 1re, 13 févr. 2007, n°06-12.372.

 Code de la santé publique

Article L. 1142-1

« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »

Article L. 1111-2

« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. 

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. 

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. 

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. 

Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle. 

Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé. 

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.

L'établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie. »

 

Auteur :M. H.


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