Actualité > À la une

À la une

[ 14 avril 2016 ] Imprimer

Procédure civile

L’appréciation objective de l’impartialité du tribunal

Mots-clefs : Tribunal, Impartialité, Appréciation objective

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; cette exigence doit s’apprécier objectivement.

Une société s’étant vue notifier un indu dans le remboursement de transport ainsi qu’une pénalité financière par une caisse primaire d’assurance maladie, a saisi de deux recours une juridiction de sécurité sociale.

La Cour de cassation au visa de l’article 6, § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a retenu qu’il résulte de ce texte que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et que cette exigence doit s’apprécier objectivement.

En l’espèce, elle a admis qu’ en statuant sur ces recours, alors que l’ « assesseur du tribunal, était membre de la commission consultative amenée à apprécier la responsabilité de la société dans la réalisation des faits reprochés et à proposer le prononcé d’une pénalité au directeur de la caisse dans les conditions fixées par l’article L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale, de sorte qu’il avait porté une appréciation sur les mêmes faits litigieux entre les mêmes parties, le tribunal a méconnu les exigences du texte susvisé ».

Par cet arrêt la Cour de cassation rappelle que l’impartialité du tribunal doit, notamment, s’apprécier objectivement. La Cour européenne des droits de l’homme retient, en effet, une double appréciation de l’impartialité, selon une démarche subjective et objective. L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Hauschildt contre Danemark, en date du 24 mai 1989 (n° 10486/83), énonce qu’ « Aux fins de l’article 6 par. 1 (art. 6-1), l’impartialité doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et aussi selon une démarche objective amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ». S’agissant de l’appréciation objective, elle précise que celle-ci : « consiste à se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. […] L’élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de l’intéressé peuvent passer pour objectivement justifiées. » (même décision).

Se fondant sur l’article 6, § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation a admis que viole cet article l’arrêt qui statue dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà connu du même litige, en participant, en première instance, à une décision de caractère juridictionnel (Civ. 3e, 27 mars 1991, n° 89-13.239). La violation de l’article 6, § 1er étant également retenue dans l’hypothèse d’un arrêt rendu sur renvoi après cassation sous la présidence d'un magistrat qui avait participé au délibéré de l'arrêt cassé (Civ. 3e, 11 juin 1987, n° 85-14.785).

Dans la présente affaire, l’assesseur du tribunal était membre de la commission consultative amenée à apprécier la responsabilité de la société dans la réalisation des faits reprochés et à proposer le prononcé d’une pénalité au directeur de la caisse. Cet assesseur qui a rendu un avis lors de l’examen en commission consultative, avait donc déjà connaissance du litige et une opinion sur les faits litigieux s’agissant, notamment, de la responsabilité de la société en cause. L’assesseur a donc, comme l’explique la Cour de cassation, « porté une appréciation sur les mêmes faits litigieux entre les mêmes parties », appréciation se suffisant à elle-même indépendamment du cadre dans lequel elle avait été rendue, à savoir ici, une commission consultative. Elle a alors conclu à la violation de l’article 6, § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en raison de la méconnaissance de l’exigence d’impartialité.

Civ. 2e, 10 mars 2016, n°15-12.970 et 15-12.971

Références

■ Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Article 6 § 1

« Droit à un procès équitable.  1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

■ CEDH 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, aff. n° 10486/83

■ Civ. 3e, 27 mars 1991, n° 89-13.239

■ Civ. 3e, 11 juin 1987, n° 85-14.785

 

Auteur :C. D.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr