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[ 24 mars 2017 ] Imprimer

Procédure pénale

L’autorisation de comparution forcée ne permet pas de visiter un domicile

Mots-clefs : Visite domiciliaire, Ordre de comparution, Perquisition, Atteinte à la vie privée, Contrainte, Force publique

 

L’article 78 du Code de procédure pénale ne permet pas à l’officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la République à contraindre une personne à comparaître par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile.

En enquête préliminaire, l’article 78 du Code de procédure pénale permet à l’officier de police judiciaire de convoquer une personne aux fins d’audition. Cette personne est alors tenue de comparaître, et peut y être contrainte par la force publique, sur autorisation du procureur de la République, si elle n’a pas répondu à une convocation ou qu’on peut craindre qu’elle n’y réponde pas (ou encore, comme l’a récemment ajouté la loi du 3 juin 2016, « en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l’infraction »).

En l’espèce, le procureur de la République, dans le cadre d’une enquête préliminaire, délivra oralement une autorisation de comparution sous la contrainte visant Mme Y., soupçonnée d’avoir participé à des faits de violence avec arme. Munis de cette autorisation, les policiers se rendirent au domicile de M. X., susceptible d’héberger la suspecte. En l’absence de tout occupant, les policiers pénétrèrent dans les lieux après avoir fracturé deux fenêtres. Ils y découvrirent des pieds de cannabis. A son retour, M. X. fut placé en garde à vue pour détention et usage de stupéfiants. Mais le tribunal correctionnel annula l’ensemble de la procédure et renvoya le prévenu des fins de la poursuite, jugeant que l’entrée des policiers dans son domicile était irrégulière. La cour d’appel confirma ce jugement, en retenant qu’à supposer que l’autorisation de comparaître sous la contrainte eut été délivrée dans le respect des conditions prévues à l’article 78 du Code de procédure pénale, elle ne permettait pas aux policiers de pénétrer en son absence et par effraction, dans le domicile d’un tiers susceptible d’héberger la personne recherchée.

Par un arrêt « PBI » du 22 février 2017, la chambre criminelle estime cette décision justifiée et rejette, sans surprise, le pourvoi formé par le parquet. La Haute Cour énonce qu’« en effet, l’article 78 du code de procédure pénale ne permet pas à l’officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la République à contraindre une personne à comparaître par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile, une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d’en apprécier préalablement la nécessité ». 

En d’autres termes, l’article 78 du Code de procédure pénale ne permet pas, quand ses conditions d’application sont réunies, de contourner les règles spécifiques de l’article 76 du même code en matière de visites domiciliaires, perquisitions et saisies. On rappellera que la visite domiciliaire est, précisément, le droit pour un officier de police judiciaire de pénétrer au domicile d’un citoyen (et la perquisition celui d’y rechercher les éléments de preuve de la commission d’une infraction). Ces actes d’enquête font l’objet d’une réglementation spécifique devant se concilier avec le principe d’inviolabilité du domicile, qui est protégé constitutionnellement (par le biais de l’art. 66 de la Constitution) et conventionnellement (par l’art. 8 de la Conv. EDH). La perquisition permet certes de se rendre au domicile du suspect ou de toute personne paraissant détenir des pièces ou objets relatifs aux faits incriminés. Mais elle suppose en principe, en enquête préliminaire, l’assentiment exprès de la personne chez laquelle elle a lieu, seul le juge des libertés et de la détention pouvant, si l’infraction recherchée est suffisamment grave (crime ou délit puni de 5 ans d’emprisonnement), décider, par décision écrite et motivée, que ces opérations seront effectuées sans l’assentiment de la personne (C. pr. pén., art. 76, al. 4, qui précise encore que la décision du JLD doit, à peine de nullité, préciser la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée et l’adresse des lieux, et être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité des opérations, lesquelles se déroulent sous le contrôle de ce magistrat).  

Crim. 22 févr. 2017, n° 16-82.412

Références

■ Constitution du 4 octobre 1958

Article 66

« Nul ne peut être arbitrairement détenu. 

L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 8

« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

■ Rép. pén. Dalloz, vo Enquête préliminaire, par J. Buisson.

 

Auteur :S. L.


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