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[ 16 décembre 2013 ] Imprimer

Droit administratif général

Le défaut d’assimilation : obstacle à l’acquisition de la nationalité française par mariage

Mots-clefs : Nationalité, Acquisition de la nationalité française par mariage, Indignité, Défaut d’assimilation, Principe d’égalité homme-femme, Valeurs essentielles de la société française

Le défaut d’assimilation, caractérisé en l’espèce par le non-respect des valeurs essentielles de la société française (et parmi elles, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes), permet à l’Administration de refuser à un étranger la nationalité française.

Depuis la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, le gouvernement peut s’opposer, par décret, à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger uniquement pour indignité ou défaut d’assimilation (C. civ., art.  21-4). Ainsi, par exemple, l’absence de communauté de vie ne constitue pas un motif d’opposition mais une cause d’irrecevabilité de la déclaration faite par l’étranger. La demande d’annulation du décret de refus d’acquisition de la nationalité française est de la compétence du Conseil d’État. 

L’appréciation de l’indignité est fondée sur des faits répréhensibles commis en France ou dans un pays étranger. La circulaire du 29 août 2011 relative au contrôle de la condition d’assimilation dans les procédures d’acquisition de la nationalité française en donne divers exemples : perception frauduleuse, pendant plusieurs années, de prestations de la caisse d’allocation familiale ; travail clandestin et perception indue du RMI ; actes de violence et d’intimidation…

L’affaire soumise au Conseil d’État le 27 novembre 2013 concernait le défaut d’assimilation.

En l’espèce, un étranger, marié à une française, s’était vu refuser, en application notamment de l’article 21-4 du Code civil, le bénéfice de la nationalité française. En effet, les propos et les comportements de cet homme lors de divers entretiens avec les fonctionnaires préfectoraux ont révélé son refus d’accepter les valeurs essentielles de la société française et notamment l’égalité entre les hommes et les femmes. La spécificité de cette affaire tient notamment au fait que les propos litigieux n’avaient pas été tenus en public. Le Conseil d’État rejette la demande d’annulation du décret de l’étranger lui refusant l’acquisition de la nationalité française.

L’appréciation de l’assimilation du déclarant à la communauté française se fonde sur divers éléments. La circulaire du 29 août 2011 précise que : « l’assimilation à la communauté française suppose une adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de tolérance, de laïcité, de liberté et d’égalité de la société française. ». 

En l’espèce, le décret est motivé par le défaut d’assimilation caractérisé par le refus, le rejet des « valeurs essentielles de la société (ou communauté) française ».

Divers exemples jurisprudentiels illustrent le refus de l’acquisition de la nationalité française: CE 14 oct. 1998, M. Nourredine X. (ressortissant algérien marié à une Française et militant actif d’un mouvement extrémiste, qui répandait dans sa région, notamment au sein de la mosquée d'Angers, des thèses manifestant un rejet des valeurs essentielles de la société française) ; CE 9 juin 1999, M. Ferath X. (activité militante pour intégrisme islamique, comportement révélant un rejet des valeurs essentielles de la société française) ; CE 20 déc. 2000, M. Youssef X. (militant actif des mouvements intégristes islamiques ayant manifesté par les thèses soutenues le rejet des valeurs essentielles de la société française) ; CE 21 déc. 2007, Mustapha A. (à plusieurs reprises, propos à connotation discriminatoire, hostiles à la laïcité et à la tolérance révélant un rejet des valeurs essentielles de la société française) ; CE 13 févr. 2008, Lyes A (imam ayant tenu des propos d’une teneur radicale, de nature à encourager la propagation de thèses contraires ou hostiles aux valeurs essentielles de la société française) ; CE 27 juin 2008, Fraisa A. (pratique radicale de la religion [port de la burqa], incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, et notamment avec le principe d'égalité des sexes).

CE 27 nov. 2013, M. A., req. n° 365587

Références

■ CE 14 oct. 1998, M. Nourredine X., req. n° 175186, Lebon T 898.

■ CE 9 juin 1999, M. Ferath X., req. n° 184713.

■ CE 20 déc. 2000, M. Youssef X., req. n° 203987.

■ CE 21 déc. 2007, Mustapha A., req. n° 297355, AJDA 2008. 372.

■ CE 13 févr. 2008, Lyes A., req. n° 301711, AJDA 2008. 1284.

 CE 27 juin 2008, Fraisa A., req. n° 286798, Lebon ; AJDA 2008. 1997, étude Zeghbib D. 2009. 345, note Vallar ; RFDA 2009. 145, chron. Santulli.

■ Article 21-4 du Code civil

« Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'État, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée. 

La situation effective de polygamie du conjoint étranger ou la condamnation prononcée à son encontre au titre de l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal, lorsque celle-ci a été commise sur un mineur de quinze ans, sont constitutives du défaut d'assimilation. 

En cas d'opposition du Gouvernement, l'intéressé est réputé n'avoir jamais acquis la nationalité française. 

Toutefois, la validité des actes passés entre la déclaration et le décret d'opposition ne pourra être contestée pour le motif que l'auteur n'a pu acquérir la nationalité française. »

 

Auteur :C. G.


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