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[ 4 mai 2016 ] Imprimer

Droit de la famille

Le droit de ne pas connaître ses origines : la Cour de cassation refuse !

Mots-clefs : Adoption, Légitimation adoptive, Copies d’actes de naissance, Révélation de l’adoption, Secret de l’adoption (non)

La délivrance de copies intégrales d’actes de naissance révélant à celui qui en fait la demande qu’il fut adopté par légitimation adoptive, avant l’entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 1966 réformant l’adoption, ne peut être qualifiée de faute de l’officier d’état civil ni ouvrir le droit de l’adopté à être indemnisé.

Antique institution, l’adoption est désormais légalement reconnue comme un mode de filiation à part entière. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, dans la décision rapportée, la Cour refuse d’ériger en droit le secret de sa révélation à l’adopté, ignorant l’avoir été. 

En l’espèce, en ayant demandé, en 2007, une copie intégrale de son acte de naissance, un homme avait appris, sans l’avoir voulu, avoir été adopté en 1966 à la suite de ce que l’on appelait jadis une « légitimation adoptive ». Créée par un décret-loi du 29 juillet 1939, celle-ci permettait, à certaines conditions, aux enfants de moins de cinq ans dont les parents étaient soit inconnus, soit décédés, soit les avaient abandonnés, qu’un lien de filiation fût créé entre ces enfants et des couples mariés sans descendance. Cette légitimation adoptive était mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’enfant, qui bénéficiait en conséquence des mêmes droits qu’un enfant autrefois qualifié de légitime et se trouvait irrévocablement privé de tout lien, lorsqu’il était encore susceptible d’être noué, avec sa famille d’origine, au sujet de laquelle des informations figuraient néanmoins dans la copie intégrale de l’acte de naissance. 

C’est la raison pour laquelle en l’espèce, l’adopté, qui le fut le 15 avril 1966, a eu connaissance d’informations relatives à sa famille d’origine. La date de son adoption se révèle déterminante car la réforme de l’adoption opérée par une loi du 11 juillet 1966 a conduit à supprimer la légitimation adoptive pour créer une nouvelle institution, l’adoption plénière, la décision prononçant celle-ci étant transcrite sur les registres de naissance de l’adopté sans qu’aucune information relative à sa filiation d’origine pût y figurer. Toutefois, pour les cas d’une adoption prononcée avant l’entrée en vigueur de la loi de 1966, une instruction générale relative à l’état civil (IGREC) du 11 mai 1999 avait, pour protéger l’identité des parents biologiques, interdit aux officiers d’état civil de délivrer une copie intégrale des actes de naissance faisant état d’une légitimation adoptive et prévu que la demande fut transmise au procureur de la République (IGREC, art. 197-8). Or en l’espèce, l’officier d’état civil avait méconnu cette instruction en transmettant la copie intégrale de l’acte. L’adopté avait donc, sur le fondement de cette instruction, invoqué l’existence d’une faute et demandé l’indemnisation du préjudice que cette révélation lui avait causé. La cour d’appel rejeta sa demande au motif qu’en l’état du droit positif, le secret de l’adoption ne repose sur aucun fondement légal ou réglementaire. Au soutien du pourvoi qu’il forma devant la Cour de cassation, l’adopté invoqua au contraire le caractère impératif des dispositions générales de l’instruction et soutint qu’en toute hypothèse, en vertu de l’article 12 du décret n° 62-921 du 3 août 1962, lorsqu’un enfant a fait l’objet d’une adoption plénière, d’une légitimation adoptive marquant une rupture des liens avec sa famille d’origine, les extraits des actes le concernant doivent, sans référence au jugement, indiquer comme père et mère les seuls adoptants. Son pourvoi est rejeté par la Cour au motif qu’en l’absence de secret de l’adoption imposé par la loi et à défaut de disposition légale ou réglementaire imposant qu’un tel secret soit gardé lors de la délivrance de copies intégrales d’actes de naissance, la cour d’appel a exactement décidé que l’officier d’état civil n’avait, en l’espèce, commis aucune faute. 

La Cour affirme ainsi que le secret de l’adoption, dénué de fondement textuel, n’existe pas en droit positif. Pourtant, l’interprétation extensive du décret proposée par le demandeur au pourvoi aurait pu justifier une solution inverse. Jugeant ce moyen inopérant, l’on comprend ainsi que la Cour refuse d’étendre l’application de ce texte, qui se borne à prévoir que soient mentionnés sur les extraits d’actes de naissance les adoptants comme parents, à la délivrance de copies intégrales des mêmes actes. La solution rendue se fonde aussi, implicitement, sur la nature purement indicative des instructions, dès lors que leur contenu n’est pas, par ailleurs, consacré par une loi ou un règlement. Sans valeur réglementaire, l’instruction litigieuse a donc légitimement été ignorée par les juges pour écarter la responsabilité de l’officier d’état civil et refuser d’indemniser le demandeur. 

Civ. 1re , 31 mars 2016, n° 15-13.147

 

Auteur :M. H.


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