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Droit des obligations
Le régime de l’action en responsabilité du tiers victime d’un dommage contractuel
Mots-clefs : Contrat, Manquement, Tiers, Dommage, Action en responsabilité, Preuve, Faute délictuelle
Le tiers victime d’un dommage causé par un manquement contractuel doit apporter la preuve d’une faute délictuelle pour en obtenir réparation.
Lorsqu’un tiers est victime d’un dommage causé par un manquement contractuel et exerce une action en responsabilité extracontractuelle contre le débiteur, doit-il apporter la preuve d’une faute délictuelle ou quasi délictuelle spécifique, distincte de la faute contractuelle, ou peut-il se contenter de démontrer que son dommage résulte du manquement contractuel imputable au débiteur ?
À la fin du xxe siècle, les chambres de la Cour de cassation apportaient des réponses diverses à cette question qui concerne, au fond, la délimitation de la frontière entre les responsabilités contractuelle et délictuelle. Pour la chambre commerciale, le tiers devait nécessairement apporter la preuve que le manquement contractuel constituait à son égard une faute délictuelle. Solution inspirée par le principe de la relativité de la faute contractuelle, en vertu de laquelle une faute contractuelle ne peut être invoquée, au soutien d’une action en responsabilité, que par les contractants et ne revêtir cette qualification qu’à l’égard de ceux qui ont conclu le contrat inexécuté, à l’exclusion des tiers. Aussi, puisque le droit reconnu au tiers d’agir en responsabilité délictuelle contre le débiteur contractuel, ne revient pas à l’autoriser à agir en qualité de créancier contractuel, mais simplement à titre de victime d’un dommage, le tiers doit, pour que son action prospère, démontrer que son préjudice a été causé par une faute délictuelle ou quasi délictuelle, indépendante de la seule faute contractuelle que peut exclusivement invoquer le cocontractant. Tel n’était pas l’avis des chambres civiles qui décidaient que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel, lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à apporter d’autres preuves et pour lesquelles, donc, le succès de l’action en responsabilité extracontractuelle du tiers supposait simplement qu’il prouve que son préjudice avait bien été causé par le manquement contractuel imputable du débiteur.
Par un très important arrêt rendu, le 6 octobre 2006, l’Assemblée plénière a tranché : « Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». En clair, le tiers n’a pas à démontrer que ce manquement contractuel constitue aussi à son égard une faute délictuelle ou quasi délictuelle.
L’arrêt a été critiqué car l’Assemblée plénière a pris d’importantes libertés avec les règles traditionnelles qui déterminent la portée des effets du contrat. En effet, admettre que l’inexécution d’une obligation contractuelle constitue nécessairement une faute délictuelle, dont un tiers peut se prévaloir pour agir en responsabilité délictuelle, conduira, parfois, à permettre au tiers d’obtenir l’exécution par équivalent d’un contrat auquel il n’était pas partie, ni plus ni moins…
On pouvait espérer dans une perspective de sécurité juridique que, discutable ou pas, la règle posée en 2006 s’inscrirait dans la durée. Or, cet espoir semble déçu au regard de l’arrêt commenté. Alors que des juges du fond avaient condamné un agent immobilier, dont le manquement à son devoir de conseil à l’égard de son client, avait aussi causé un dommage à une banque, tiers au contrat qui unissait l’agent et son client, en se fondant sur ce seul manquement contractuel, la Cour de cassation censure leur décision. Pourquoi ? Parce qu’en condamnant le débiteur contractuel à indemniser le dommage subi par le tiers « sans caractériser en quoi le manquement contractuel qu’elle relevait, constituait une faute quasi délictuelle à l’égard de la banque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard » de l’article 1382…
La première chambre civile prend donc l’exact contre-pied de la règle énoncée par l’Assemblée plénière, alors que cette dernière avait consacré sa propre jurisprudence. Doit-on conclure à un revirement ? L’arrêt n’est pas publié, ce qui incite à ne pas doter d’une portée très forte cette décision.
Civ. 1re, 15 déc. 2011, pourvoi n°10-17.691, inédit
Références
■ Ass. plén. 6 oct. 2006, n°05-13.255, D.2006. 2825, note G. Viney ; JCP 2006. II. 10181, obs. M. Billiau ; RDC 2007. 269, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2007. 123, obs. P. Jourdain.
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
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