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[ 6 mars 2013 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Le renforcement de la prévalence de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par la Cour de justice de l’Union européenne aux dépens des droits nationaux

Mots-clefs : Compétence la Cour de justice de l’Union européenne, Charte des droits fondamentaux l’UE, Principe ne bis in idem, Sanction administrative, Sanction pénale, Principe de primauté

L’interprétation de l’article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne conduit à reconnaître que cette dernière s’applique chaque fois que les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union, c'est-à-dire y compris dans l’hypothèse où la norme interne en cause entre dans le champ d’application du droit de l’Union, bien qu’elle ne soit pas un acte de transposition. Les droits y figurant doivent alors être interprétés conformément à la jurisprudence de la Cour de justice qui juge que le principe ne bis in idem n’est pas violé lorsque des sanctions pénales sont prises au côté de sanctions administratives dès lors que ces dernières n’ont pas de caractère pénal.

L’articulation entre la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les standards nationaux de protection des droits fondamentaux fait l’objet d’interrogations fréquentes de la part des juridictions nationales. Celles-ci n’hésitent plus à saisir la Cour de justice afin qu’elle précise le champ d’application matériel de la Charte et les obligations qui en découlent pour les organes nationaux. La question du champ d’application résulte de l’ambiguïté de l’article 51 de la Charte qui précise que les États membres ne sont liés par les dispositions de ce texte que « lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». Cet article, sujet à plusieurs interprétations, a enfin fait l’objet d’une clarification par la Cour dans l’arrêt ici rapporté. Le choix retenu a été celui d’une application étendue, identique à celles des autres dispositions de l’Union relative aux droits fondamentaux.

À l’origine de l’arrêt, un ressortissant suédois, sanctionné fiscalement par l’administration en 2007, pour des fraudes relatives à des déclarations de TVA inexactes. Parallèlement, une procédure pénale a été ouverte en 2009 à son encontre sur les mêmes faits. Le requérant a soulevé le principe ne bis in idem afin de faire annuler la procédure pénale. Le juge suédois a donc interrogé la Cour de justice pour déterminer tout d’abord si cette procédure pénale violait l’article 50 de la Charte relatif à ce principe. Ensuite, il lui a demandé quelle était la portée des obligations découlant de la Charte par rapport au droit national.

La Cour a successivement traité trois problèmes, tout d’abord celui de sa compétence et ensuite celui de la violation du principe ne bis in idem. Enfin, elle a examiné la portée des obligations des juges face à la Charte.

▪ La compétence de la Cour de justice étant contestée, cette dernière a préalablement dû se prononcer sur l’application de la Charte. La difficulté résultait des textes appliqués dans le cadre de la procédure pénale. Il ne s’agissait en effet que de dispositions internes, n’ayant pas pour objet de transposer une directive de l’Union. La mise en œuvre du droit de l’Union par l’État membre, condition nécessaire à l’application de la Charte n’apparaissait dès lors pas remplie. La Cour a repris ici sa jurisprudence antérieure sur la protection des droits fondamentaux qu’elle a étendue à la Charte. Elle a précisé que la Charte s’imposait également lorsqu’une réglementation nationale entrait dans le champ d’application du droit de l’Union. Or, la procédure pénale engagée visait à sanctionner une fraude à la TVA, TVA qui fait elle-même l’objet de dispositions communautaires et notamment en tant que ressources propres du budget de l’Union. Les États doivent alors agir pour lutter contre les déclarations inexactes afin de protéger les intérêts financiers de l’Union. Ainsi, le litige reposait bien sur la mise en œuvre du droit de l’Union, au sens où la procédure entrait dans le champ d’application du droit de l’Union. Cependant, la Cour précise que si l’action des États membres n’est pas entièrement déterminée par le droit de l’Union, les organes nationaux peuvent alors appliquer les standards de protections nationaux sous réserve de ne pas porter atteinte à l’effectivité de la Charte, c'est-à-dire au niveau de protection découlant de la Charte. Si la protection nationale peut être plus élevée, elle ne peut être moindre. L’intervention du droit national est ainsi réduite.

▪ Ensuite, la Cour interprète la portée du principe ne bis in idem. La Cour précise que des sanctions administratives et pénales peuvent être prononcées pour des mêmes faits sans que le principe soit violé. Cependant, le juge national doit rechercher si la sanction administrative ne revêt pas un caractère pénal. Dans l’hypothèse où elle aurait un caractère pénal, le cumul de peines n’est pas envisageable au sens de la Charte. Cependant, la Cour enferme la notion de sanction pénale, réaffirmant le caractère autonome de cette notion en droit de l’Union. La nature pénale d’une sanction s’apprécie : 

– en premier, au travers de la qualification juridique de l’infraction en droit interne ;

– en deuxième, au regard de la nature de la sanction prononcée ; 

– et, en troisième, au travers du degré de sévérité de la sanction.

Cet encadrement vise à empêcher que ne soit pas prononcée une sanction effective, proportionnée et dissuasive, remettant ainsi en cause les obligations issues de l’Union. En conséquence, si le cumul n’est pas possible, la seule sanction finalement prononcée doit répondre aux exigences jurisprudentielles de l’effectivité du droit de l’Union.

▪ Parallèlement, dans l’hypothèse où la norme nationale est contraire au droit de l’Union, y compris à la Charte, le juge national a l’obligation de l’écarter conformément au principe de primauté. Le juge ne doit pas faire dépendre cette obligation d’une contrariété évidente du droit interne avec le droit de l’Union, sachant qu’il peut en cas de doute saisir la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel en interprétation. Toute pratique judiciaire nationale contraire viole le droit de l’Union, ce qui est une pleine application de la jurisprudence antérieure de la Cour de justice.

CJEU, gr. ch., 26 février 2013, Aklagaren c./ Hans Akerberg Fransson, C-617/10

Références

 Ne bis in idem

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits.

■ Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 

 Article 50 - Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

 Article 51 - Champ d'application

« 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives.

2. La présente Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour la Communauté et pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités. »

 

Auteur :V. B.

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