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Droit administratif général
Les procédures d’urgence en droit administratif
Mots-clefs : Référés d’urgence, Procédures d’urgence, Référé-suspension, Référé-liberté, Référé-mesures utiles, Juge des référés
Lors d’un séminaire organisé, le 23 septembre 2014 à Varsovie, par l’Association internationale des Hautes juridictions administrative, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État a présenté les procédures, méthodes de travail et défis nouveaux relatifs à l’urgence devant la juridiction administrative suprême française. Cette intervention est l’occasion pour Dalloz Actu Étudiant de faire un point sur les procédures d’urgence.
La loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives organise trois procédures d’urgence :
– le référé-suspension (CJA, art. L. 521-1), qui consiste à demander la suspension d’une décision administrative ;
– le référé-liberté (CJA, art. L. 521-2) qui permet d’invoquer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale portée par une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privée chargée de la gestion d’un service public ;
– et le référé-mesures utiles (CJA, art. L. 521-3) qui permet au juge des référés d’ordonner toute mesure utile sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative.
Ces trois procédures d’urgence sont appelées « référés d’urgence » par rapport aux « référés traditionnels » (constat : CJA, art. R. 531-1 s., référé-instruction et référé-provision : CJA, art. R. 532-1 s.).
■ Le référé-suspension (CJA, art. L. 521-1)
Conditions de recevabilité. La demande de référé-suspension doit être dirigée contre une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours, la décision doit donc faire grief et ne pas avoir été entièrement exécutée (CE, ord., 19 juin 2001, Mme B. : irrecevabilité de la demande de suspension des épreuves d'admissibilité d'un concours, alors que les épreuves d'admission ont eu lieu ; CE, ord., 17 mars 2010, Min. éducation nationale, porte-parole du Gouvernement c/ Mme J. : demande de suspension de retenues sur traitement entièrement exécutées). Par ailleurs, pour être recevable, la demande de référé-suspension doit faire également l’objet d’une requête au fond (requête en annulation ou en réformation). En l'absence d'une telle demande, la requête à fin de suspension est atteinte d'une irrecevabilité d'ordre public (CE, ord., 26 janv. 2007, Assoc. La Providence).
Condition d’urgence. Le juge des référés apprécie la condition d’urgence de façon globale et concrète, à la date à laquelle il se prononce tout en procédant à une balance des intérêts en cause (CE, ord., sect., 19 janv. 2001, Conféd. nat. des radios libres et CE, ord., sect., 28 févr. 2001, Préfet des Alpes-Maritimes, Sté Sud-Est Assainissement).
Condition de doute sérieux. Le juge des référés doit apprécier si un moyen de la requête est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée (CE, ord., 13 janv. 2014, Min. éducation nationale). Il ne juge pas le droit.
Pouvoirs limités. Le juge des référés ne peut pas, sans excéder sa compétence, prononcer l'annulation d'une décision administrative ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant une telle décision (CE, ord., 9 juill. 2001, Min. intérieur c/ M. L.).
Recours. Le justiciable ou l’administration peut former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État dans un délai de quinze jours.
■ Le référé-liberté (CJA, art. L. 521-2)
Condition d’urgence. Le requérant doit justifier de l’urgence de l’affaire. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Parmi ces libertés, on peut citer par exemple :
– la liberté d’aller et venir (CE, ord., 26 juin 2006, Mme A. et Mlle H. : rétention d’un passeport étranger par l’administration) ;
– la liberté d’expression (CE, ord., 9 janv. 2014, Min de l'intérieur c/ Sté Les Productions de la Plume et M. Dieudonné) ;
– ou encore le droit au respect de la vie et les droits du patient (CE, ord., 14 févr. 2014, Lambert).
Modalités d’appréciation. Pour apprécier le degré de gravité de l'atteinte à la liberté fondamentale en cause, le juge des référés prend en compte les limitations de portée générale apportées par le législateur à l'exercice de cette liberté pour permettre certaines interventions de la puissance publique jugées nécessaires.
Compétence exclusive du juge de premier ressort. Une demande fondée sur l'article L. 521-2 du CJA peut être valablement présentée indépendamment de l'existence de conclusions au fond, elle doit être portée devant la juridiction compétente en premier ressort, tribunal administratif ou Conseil d'État, alors même qu'une instance non dépourvue de tout lien serait pendante devant une juridiction d'appel ou de cassation (CE, ord., 29 mars 2002, B.).
Recours. Le demandeur ou l’administration peut faire appel de l’ordonnance devant le Conseil d’État dans un délai de quinze jours. La juridiction administrative suprême se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
■ Le référé-mesures utiles ou référé conservatoire (CJA, art. L. 521-3)
Conditions. L'article L. 521-3 du CJA pose trois conditions afin que le juge puisse prendre la mesure demandée. Ainsi, la mesure :
– doit être justifiée par l'urgence (CE, ord., 28 mars 2003, Assoc. Maison des jeunes et de la culture de Méru) ;
– doit être utile (CE 3 mars 2008, Min. de la défense c/ Cne d'Aiguines) ;
– et ne doit faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative (CE 18 juill. 2011, M. F.).
Par ailleurs, s’ajoute à ces trois conditions spécifiques, la condition commune à tous les référés, posée par l'article L. 511-1 du CJA, selon laquelle le juge des référés ne peut statuer que par des mesures qui présentent un caractère provisoire.
Recours. Les décisions sont rendues en dernier ressort. Le demandeur ou l’administration peuvent former un pourvoi cassation devant le Conseil d’État.
Références
■ CE, ord., 19 juin 2001, Mme B., no 234360, Lebon 273.
■ CE, ord., 17 mars 2010, Min. éducation nationale, porte-parole du Gouvernement c/ Mme J., no 331383, Lebon ; AJDA 2010. 587, obs. Montecler.
■ CE, ord., 26 janv. 2007, Assoc. La Providence, n° 297991, Lebon T. 1009.
■ CE, ord., sect., 19 janv. 2001, Conféd. nat. des radios libres, n° 228815, Lebon 29, concl. Touvet ; AJDA 2001. 150, note Guyomar ; D. 2001. 1414, note Seiller.
■ CE, ord., sect., 28 févr. 2001, Préfet des Alpes-Maritimes, Sté Sud-Est Assainissement, nos 229562, Lebon 109, D. 2002. 2222, obs. Vandermeeren ; RFDA 2001. 399, concl. Fombeur.
■ CE, ord., 13 janv. 2014, Min. éducation nationale, n° 370323.
■ CE, ord., 9 juill. 2001, Min. intérieur c/ M. L., no 232818 , Lebon T. 1121.
■ CE, ord., 26 juin 2006, Mme A. et Mlle H., nos 294505 et 294506 , Lebon 279.
■ CE, ord., 9 janv. 2014, Min de l'intérieur c/ Sté Les Productions de la Plume et M. Dieudonné, req. n° 374508, au Lebon ; D. 2014. 200, note Maus ; RFDA 2014. 87, note Gohin.
■ CE, ord., 14 févr. 2014, Lambert, n° 375081, au Lebon ; RFDA 2014. 255, concl. Keller.
■ CE, ord., 29 mars 2002, B., n° 244523.
■ CE, ord., 28 mars 2003, Assoc. Maison des jeunes et de la culture de Méru, n° 252448, Lebon T. 934.
■ CE 3 mars 2008, Min. de la défense c/ Cne d'Aiguines, n° 308275, Lebon.
■ CE 18 juill. 2011, M. F., n° 343901, Lebon 366.
■ Code de justice administrative
« Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. »
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
« En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. »
« S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. Il peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Il peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix.
Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels.
Par dérogation aux dispositions des articles R. 832-2 et R. 832-3, le délai pour former tierce opposition est de quinze jours. »
« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction.
Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission.
Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d'avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère. »
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