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[ 1 octobre 2014 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

L’exigence d’effectivité de la protection du droit au logement en cas de garantie immobilière pour un crédit à la consommation

Mots-clefs : Logement, Protection du consommateur, Clause abusive, Charte des droits fondamentaux, Autonomie procédurale, Principe d’effectivité, Sûreté

Le droit de l’Union européenne a parmi ses objectifs la protection du consommateur. À cette fin, une directive a été adoptée en 1993 concernant les clauses abusives (Dir. 93/13/CEE). La Cour juge que, dans l’hypothèse d’une garantie immobilière adossée à un crédit à la consommation, pouvant être exécutée dans le cadre d’une procédure extrajudiciaire, l’accès et le contrôle du juge doivent être effectifs compte tenu de la nature du bien en cause, le logement.

La Charte des droits fondamentaux constitue un fondement juridique essentiel à l’interprétation du droit de l’Union face à l’application de législation nationale entrant dans le champ d’application du droit de l’Union. La consécration du droit au logement comme droit fondamental amène la Cour à considérer, de manière plus stricte, les conditions de la protection du consommateur découlant de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives.

À l’origine du litige, il y a une femme qui a conclu un prêt à la consommation d’une valeur de 10 000 euros en acceptant que son logement soit la sûreté. Sans doute consciente de la différence de valeur entre le bien immobilier et le prêt, elle a intenté un recours afin de demander l’annulation des contrats de prêt et de sûreté. Face à ce contentieux, la juridiction slovaque a demandé à la Cour de justice si la condition de mise en œuvre de cette sûreté, fondée sur une procédure extrajudiciaire, est abusive.

La Cour répond en plusieurs temps, l’amenant à une position nuancée à l’égard de la législation. Elle ne la juge pas incompatible à la condition que cette dernière offre suffisamment de garanties en matière d’accès au juge et que cet accès soit effectif étant donné que le logement est directement menacé.

Ainsi, la Cour ne s’oppose pas au recours à une garantie immobilière pour un prêt à la consommation, fondée sur une procédure extrajudiciaire, ce dernier point étant le véritable problème. Cependant la Cour précise rapidement que la Charte contient plusieurs droits, dont les droits à la protection du consommateur (article 38), au logement (article 7) et à un recours effectif (article 47). Dès lors, la mise en œuvre d’une telle clause, mettant en œuvre une procédure extrajudiciaire, exige que des garanties aient été introduites dans la loi afin que les droits fondamentaux aient une effectivité.

En conséquence, pour la Cour, la directive 93/13/CEE doit être interprétée au regard des deux droits que sont la protection des consommateurs et le droit au recours juridictionnel effectif, même si la directive ne contient aucune disposition sur les sûretés.

Dans cette situation, la Cour se place une nouvelle fois dans le cadre de l’autonomie procédurale, autonomie qui laisse aux États membres le soin de déterminer les règles de procédures sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité. La loi slovaque permet l’accès au juge après la notification de l’exécution de la sûreté. Toutefois la Cour précise que la protection du consommateur ne peut être garantie que si les clauses abusives peuvent être écartées. Or la procédure slovaque prévoit que le juge a la faculté de prendre des mesures provisoires, notamment pour empêcher l’exécution de la vente. Il a ainsi un véritable pouvoir de protection.

L’état de la législation ne suffit néanmoins pas à la Cour étant donné que c’est le logement qui est cause et que la sûreté peut avoir des incidences également sur la famille. La Cour de justice se rallie alors à la position de la Cour européenne des droits de l’homme sur le fait que perdre son logement est une atteinte graveau sens de l’article 8 de la Conv. EDH (CEDH 13 mai 2008, McCann c/ Royaume-Uni). Il faut rappeler que le droit au logement est également reconnu en France comme un droit fondamental, il est déduit des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, droit qui a été renforcé par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Il est, dès lors, nécessaire d’examiner la proportionnalité de la mesure. La proportionnalité n’est admise pour la Cour que si le juge de droit interne à la compétence pour faire obstacle à l’application de la clause. C’est le cas en l’espèce.

CJUE 10 sept. 2014, Monika Kušionová c/SMART Capital a.s.,C-34/13

Références

■ CEDH 13 mai 2008, McCann c/ Royaume-Uni, n° 19009/04.

■ Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

■ Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit au respect de la vie privée et familiale

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

■ Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

Article 7 - Respect de la vie privée et familiale

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. »

Article 38 - Protection des consommateurs

« Un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l'Union. »

Article 47 - Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. »

■ Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

Alinéa 10

« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »

Alinéa 11

« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

 

Auteur :V. B.


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