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[ 31 mars 2017 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Maltraitance d’un enfant à l’école par des enseignants

Mots-clefs : Interdiction de la torture, Traitement inhumain et dégradant, Maltraitance, Enfant, Enseignant, École maternelle publique, Responsabilité de l’État

Les maltraitances infligées à un jeune garçon par des enseignantes constituent une violation du principe de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants posé par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’État est directement responsable lorsque les faits litigieux se produisent au sein d’une école maternelle publique.

Un enfant russe de quatre ans a subi, à l’école maternelle publique à Saint-Pétersbourg, toutes sortes de mauvais traitements pas ses enseignantes : administration de gouttes ophtalmiques antibiotiques en recourant à la force, sans prescription médicale ou sans le consentement de ses parents ; enfermement, à plusieurs reprises dans les toilettes sans lumière avec menace de se faire dévorer par les rats ; fermeture de la bouche avec du ruban adhésif ou encore obligation de se tenir longuement debout, en sous-vêtements, les bras levés, dans le couloir de l’école. Les parents de l’enfant se sont plaints des mauvais traitements reçus par leur fils qui ont entraîné des troubles neurologiques. Il leur a fallu attendre presque une année avant qu’une enquête préliminaire ne soit ouverte. Les services de police décidèrent finalement ensuite d’ouvrir une enquête pénale plus de deux ans après les faits. S’appuyant sur des éléments délivrés par des experts psychiatres et psychologues, les autorités ont estimé qu’il était établi que les enseignantes avaient fait subir à l’enfant des actes violents à l’origine de douleurs physiques et constitutifs d’un traitement cruel. Il fut néanmoins mis un terme à l’enquête car au regard des dispositions du code pénal russe, les faits reprochés étaient prescrits. Aussi, les autorités de poursuite avaient abandonné l’enquête, faute de prouver l’intention de causer une atteinte à la santé, élément essentiel constitutif de l’infraction. Ces décisions de mettre un terme à l’enquête se sont également fondées sur les avis rendus par des experts, lesquels avaient estimé que compte tenu du jeune âge de l’enfant, à l’époque des mauvais traitements allégués et du temps écoulé depuis lors, les déclarations de celui-ci ne pouvaient plus être considérées comme fiables. 

La mère de l’enfant se plaignit auprès de diverses autorités des retards accusés par l’enquête, du refus de la laisser consulter le dossier et l’omission répétée des autorités de lui signifier des décisions procédurales importantes. Les services de police assurent de leur côté que l’enquête avait été minutieuse et que de nouvelles mesures d’investigation étaient inutiles. 

Le requérant a alors saisi la Cour européenne des droits de l’homme. Il soutient qu’il a été maltraité par ses enseignantes dans une école maternelle publique et que l’enquête consécutive au sujet de ses allégations n’avait pas été effective. 

La Cour estime cohérent et détaillé le récit de l’enfant sur les mauvais traitements. Ce récit est par ailleurs confirmé par une professeur assistante, par certains parents d’élèves de l’école et par un rapport établi par des experts. S’appuyant sur ces éléments, elle observe que les autorités elles-mêmes avaient conclu que les enseignantes avaient infligé à l’enfant des coups et blessures et un traitement cruel et avaient été à l’origine d’une atteinte de gravité moyenne à sa santé. Ces mauvais traitements sont suffisamment graves pour mériter d’être qualifiés d’inhumains et dégradants. la Cour souligne le très jeune âge de l’enfant à l’époque des faits, le type de punitions subies pendant une période de plusieurs semaines au moins, le fait que ces punitions, administrées par des enseignantes qui se trouvaient dans une position d’autorité et de contrôle par rapport à lui, avaient pour but de l’éduquer en l’humiliant et en l’avilissant, ainsi que les conséquences durables qu’elles ont eues pour lui, sous la forme de troubles neurologiques post traumatiques.

Par ailleurs, la Cour estime que l’État porte la responsabilité directe des maltraitances commises par les enseignantes sur l’enfant. En effet, les sévices ont eu lieu lorsque l’enfant était sous la garde exclusive d’une école maternelle publique. Cette dernière est soumise à la réglementation et au contrôle de l’État et assure un service public d’intérêt général : la garde et l’éducation de jeunes enfants.

Enfin, la Cour condamne le délai abusif qui s’est écoulé avant l’ouverture d’une enquête pénale sur les allégations de mauvais traitements formulées par l’enfant. En effet, celui-ci a largement compromis l’effectivité de l’enquête et a surtout entraîné la prescription des faits reprochés aux enseignantes, lesquelles n’ont ainsi pas pu être poursuivies.

Dans son arrêt de chambre, la Cour européenne des droits de l’homme conclut ainsi à deux violations de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : maltraitances infligées à l’enfant  par ses enseignantes et manquement des autorités à leur obligation de mener une enquête effective sur les allégations de celui-ci.

CEDH 7 mars 2017, V. K. c/ Russie, n° 68059/13

Référence

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 3

« Interdiction de la torture.  Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

■ Sur les tortures et actes de barbarie en droit français, V : Fiche d’orientation Dalloz.

 

Auteur :S. L.


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