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[ 25 avril 2017 ] Imprimer

Procédure pénale

Manif’ d’écolos et infraction politique

Mots-clefs : Liberté de réunion, Liberté de manifestation, Manifestation interdite, Infraction politique, Procès-verbal, Délit politique

La convocation par procès-verbal ne s’applique pas en matière de délits politiques.

Notion non définie par le législateur, l’infraction politique est soumise à un régime particulier, témoignage d’une vision « romantique » (A. Vitu, Le meurtre politique en droit international et extraditionnel, in. mélanges Levasseur, Litec, 1992, p. 370) de leurs auteurs, animés non d’un esprit crapuleux, mais au agissant au nom d’un idéal. En particulier, du caractère politique de l'infraction découle la procédure de saisine du tribunal. À ce titre, le recours à la procédure par procès-verbal est impossible (C. pr. pén., art. 397-6).

En l'absence de définition légale, deux approches possibles peuvent être retenues pour donner une qualification politique à l'infraction. Selon une approche subjective, sera politique, toute infraction dont l’auteur a agi dans un but politique. Selon une approche objective, est politique, l’infraction qui porte atteinte à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. Le critère objectif prédomine aujourd'hui. En principe, seule l’infraction dont l’objet est politique, constitue une infraction politique. Dans cette perspective, les délits électoraux définis par le code électoral sont par exemple considérés comme des infractions politiques (Crim. 2 oct. 2001, n° 01-80.334). La jurisprudence refuse donc de prendre en considération le mobile politique pour qualifier de « politique » une infraction. Elle avait admis en ce sens, il y a plusieurs lustres, que « l’assassinat, par sa nature et quels qu’en aient été les mobiles, constitue un crime de droit commun » (Crim. 20 août 1932, aff. Gorguloff).

Mais qu’en est-il de l’infraction prévue à l’article 431-4 du Code pénal réprimant le fait, pour celui qui n'est pas porteur d'une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations ?

En l’espèce, un individu a fait l’objet de poursuites de ce chef et pour violences aggravées. Il avait participé à une manifestation organisée par le Nouveau parti anticapitaliste, qui avait fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’interdiction. Cité à comparaître devant le tribunal correctionnel suivant la procédure de comparution par procès-verbal, il avait soulevé la nullité des poursuites fondée sur la nature politique des faits. La juridiction du premier degré a fait droit à l’exception de nullité et renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir. Sur appel du procureur de la République, la Cour d’appel, déniant le caractère politique de l’infraction, a infirmé la décision et condamné le prévenu à six mois d’emprisonnement avec sursis assorti d’un travail d’intérêt général.

Statuant sur le pourvoi formé, la chambre criminelle censure la décision au visa des articles 431-4, alinéa 1er du Code pénal et 397-6 du Code de procédure pénale et rappelle au terme d’un attendu de principe que « selon le second de ces textes, la convocation par procès-verbal, prévue par l’article 394 du code de procédure pénale, n’est pas applicable en matière de délits politiques » et « que constitue un tel délit, l’infraction prévue et réprimée par le premier de ces textes ».

La Cour de cassation rejette l’analyse des juges du fond consistant à ne pas admettre que cette infraction n’est pas politique par nature rappelant que « l’infraction politique, fondée sur la nature de l’intérêt protégé, est celle qui porte atteinte à l’existence ou l’organisation politique de l’État ». Selon ces derniers, tel n’était pas le cas en l’espèce. Se basant sur le motif de la manifestation, afin de lui conférer un caractère politique ou non, ils retenaient que « le seul fait de participer à une manifestation interdite, fût-elle organisée par un parti politique, ne confère pas de caractère politique à cet événement dès lors que son objet visait l’annulation du projet de barrage de Sivens, la restauration écologique du site, la dénonciation de violences policières et la militarisation, par l’État, de l’espace public, ce qui est exclusif d’une volonté de remise en cause des institutions et des intérêts de la Nation ». Ils avaient ajouté « que l’interdiction préfectorale était liée à la tardiveté de la déclaration de manifestation, celle-ci faisant suite à une précédente s’étant déroulée une semaine plus tôt, au cours de laquelle d’importantes dégradations avaient été perpétrées, ainsi qu’à l’impossibilité de sécuriser le trajet ou d’envisager un trajet alternatif en vue de prévenir des troubles à l’ordre public ». Ils en déduisaient que « le maintien de la manifestation caractérisait une désobéissance à une interdiction qui ne constituait qu’une restriction à l’exercice d’une liberté décidée par l’autorité publique dans le cadre de l’État de droit ».

Le raisonnement de la Cour d’appel prenait ainsi en considération l’absence de mobile politique de la manifestation pour attribuer à l’infraction un caractère de droit commun, s’éloignant d’une conception objective de l’infraction politique expliquant la censure de la Cour de cassation. Selon cette dernière, l’objet même de cette infraction est politique. L’infraction étant situé au sein du Livre IV du Code pénal relatif aux « crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique », elle constitue une infraction portant atteinte au fonctionnement des pouvoirs publics. La solution ne saurait surprendre. Déjà dans un arrêt du 12 décembre 1963 (n° 62-92.028), la Cour de cassation avait affirmé le caractère politique de l'infraction prévue et réprimée par les anciens articles 104 et 105 du Code pénal, lesquels réprimaient notamment toute personne non armée qui, faisant partie d'un attroupement armé ou non armé, ne l'aura pas abandonné après la première sommation.

Précisons en dernier lieu que la cour d’appel, pouvait en revanche statuer sur les poursuites du chef de violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique, puisque pour ce chef d’infraction, la jurisprudence refuse traditionnellement de voir des infractions politiques dans les violences envers les personnes (Crim. 7 mars 1972, n° 71-91.303. Crim. 13 juin 1972, n° 71-91.420).

Crim. 28 mars 2017, n° 15-84.940

Références

■ Crim. 2 oct. 2001, n° 01-80.334 P, D. 2001. 3491 ; RSC 2002. 319, obs. B. Bouloc.

■ Crim. 20 août 1932GorguloffDP 1932.1.121, concl. P. Mater.

■ Crim. 12 déc. 1963, n° 62-92.028 P; D. 1964. 185.

■ Crim. 7 mars 1972, n° 71-91.303 P.

■ Crim. 13 juin 1972, n° 71-91.420 P.

 

Auteur :C. L.


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