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[ 23 avril 2010 ] Imprimer

Droit pénal spécial

Non-respect des règles de sécurité des lieux de travail et homicide involontaire

Mots-clefs : Respect des règles d'hygiène et de sécurité (manquement), Homicide involontaire, Faute d'imprudence (faute délibérée, faute caractérisée), Responsabilité pénale du chef d'entreprise, Responsabilité pénale de l'entreprise, Concours d'infractions, Cumul des peines de même nature

La responsabilité pénale du chef d'entreprise et de la personne morale doit être retenue dès lors qu'un salarié mis à disposition de cette entreprise se trouve victime d'une chute mortelle ayant pour origine le non-respect des règles de sécurité des lieux de travail.

Un salarié est victime d'une chute mortelle en passant au travers d'une trappe restée ouverte et dénuée de protection alors qu'il circulait sur une passerelle. Le chef d'entreprise est poursuivi pour homicide involontaire et non-respect de la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, la personne morale se voyant reprochée uniquement le délit d'homicide involontaire.

Tous deux furent condamnés par la cour d'appel, qui, relevant que les « ouvrants en élévation ou en toiture sont conçus de manière à ne pas constituer en position d'ouverture, un danger pour les travailleurs », se plaça sur le terrain de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, obligation prévue par l'article R. 4214-5 du Code du travail. Elle retint également que le dirigeant avait commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer compte tenu de son expérience professionnelle et des avertissements répétés lors de la création de la trappe litigieuse à l'origine de la chute.

La Haute cour retient que le dirigeant a commis une « faute à l'origine de l'accident et exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer compte tenu des avertissements répétés lui ayant été prodigués lors de la mise en place de la trappe », donc une faute caractérisée, dont la jurisprudence indique qu'elle peut notamment se déduire d'une accumulation d'imprudences ou de négligences (donc de la succession de fautes simples), ou de la violation d'une obligation de sécurité pénalement sanctionnée en elle-même.

En se plaçant sur le terrain de la faute caractérisée, indépendamment de la violation des dispositions du Code du travail, la Cour permet une double déclaration de culpabilité. Sur ce point, le défendeur invoquait la violation de l'article 132-3 du Code pénal, qui pose le principe, s'agissant d'une procédure unique, du non-cumul des peines de même nature dans la limite du maximum légal le plus élevé (Crim. 29 mai 1996 ; 5 déc. 2000). Cependant, la Cour applique ici sa jurisprudence relative aux cumuls des sanctions encourues pour les infractions en concours des articles L. 4741-1, L. 4741-9 du Code du travail et 221-6 du Code pénal et retient que, « lorsqu'à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les unes visées par l'article L. 263-2 du Code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, les autres prévues par les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du Code pénal, les peines de même nature se cumulent, dès lors que leur total n'excède pas le maximum légal de la peine la plus élevée qui est encourue » (v. déjà, Crim. 13 sept. 2005).

Crim. 2 mars 2010, F-P+F, n° 09-82.607

 

Références

■ Conflits de qualifications

« Situation dans laquelle le comportement d’un délinquant relève a priori de plusieurs textes d’incrimination, si bien que se pose la question du cumul ou du non-cumul des qualifications pénales en concours (ex. : la présentation d’un bilan falsifié aux fins d’obtention d’un prêt peut être qualifiée aussi bien d’usage de faux que d’escroquerie). »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

■ Code du travail

Article R. 4214-5

« Les ouvrants en élévation ou en toiture sont conçus de manière à ne pas constituer, en position d'ouverture, un danger pour les travailleurs. »

Article L. 4741-1

« Est puni d'une amende de 3 750 euros, le fait pour l'employeur ou le préposé de méconnaître par sa faute personnelle les dispositions suivantes et celles des décrets en Conseil d'État pris pour leur application :

1° Titres I, III et IV ainsi que section II du chapitre IV du titre V du livre I ;

2° Titre II du livre II ;

3° Livre III ;

4° Livre IV ;

5° Titre Ier, chapitres III et IV du titre III et titre IV du livre V ;

6° Chapitre II du titre II du présent livre.

La récidive est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 9 000 euros.

L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise concernés par la ou les infractions relevées dans le procès-verbal prévu à l'article L. 8 113-7. »

Article L. 4741-9

« Est puni d'une amende de 3 750 euros, le fait pour toute personne autre que celles mentionnées à l'article L. 4741-1, de méconnaître par sa faute personnelle les dispositions des articles L. 4311-1 à L. 4311-4, L. 4314-1, L. 4321-2, L. 4321-3, L. 4411-1, L. 4411-2, L. 4411-4 à L. 4411-6, L. 4451-1 et L. 4451-2 et celles des décrets en Conseil d'État pris pour leur application.

La récidive est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 9 000 euros.

L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise concernés par la ou les infractions relevées dans le procès-verbal mentionné à l'article L. 8 113-7. »

■ Code pénal

Article 132-3

« Lorsque, à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée. Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.

Chaque peine prononcée est réputée commune aux infractions en concours dans la limite du maximum légal applicable à chacune d'entre elles. »

Article 221-6

« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. »

Article 222-19

« Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende. »

Article 222-20

« Le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

■ A. Ponseille, « La faute caractérisée en droit pénal », RSC 2003. 79.

 Crim. 29 mai 1996Bull. crim. n° 220 ; Dr. pénal 1996. 254, obs. Maron ; RSC 1997. 377, obs. Bouloc.

■ Crim. 5 déc. 2000Bull. crim. n° 363.

■ Crim. 13 sept. 2005Bull. crim. n° 224 ; AJ pénal 2005. 371, obs. Delprat ; RSC 2006. 334, obs. Cerf-Hollander.

 

Auteur :S. L.


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