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[ 6 décembre 2019 ] Imprimer

Procédure pénale

Nullité de la garde à vue et des actes subséquents

La chambre criminelle rappelle que la nullité d’une garde à vue entraîne la nullité des actes subséquents si ces derniers trouvent leur support nécessaire dans la mesure annulée.

En l’espèce, le procureur de la République de Toulouse délivrait, le 2 février 2019, des réquisitions de contrôle d’identité aux fins de recherche des auteurs d’infractions en matière d’armes et explosifs, stupéfiants, vol et recel. Suite à un contrôle effectué à 13 heures, un membre d’un groupe, indiquant s’appeler Nicolas, remettait, lors de son interpellation, divers objets et notamment une clef en croix habituellement utilisée par les pompiers et permettant l’ouverture de certaines parties communes des immeubles. Néanmoins, après cette interpellation, le suspect déclarait une autre identité. Il était alors placé en rétention pour vérification d’identité (C. pr. pén., art. 78-3) mais refusait de se laisser signaler.

En raison de ce refus, il était placé en garde à vue à 14 heures 50 avec effet à compter de 13 heures 30. Les autorités suisses signalaient sa réelle identité. De ce fait, il se voyait notifier à 17 heures 28 l’extension des poursuites au chef d’usurpation d’identité. Il était alors mis en examen et placé en détention provisoire.

Le 15 février 2019, une requête en nullité du contrôle d’identité et de la mise en examen était déposée. La chambre de l’instruction annulait le placement en garde à vue et la mise en examen pour les seules infractions de refus de se prêter aux prises d’empreintes digitales et de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques. La garde à vue pour l’infraction d’usurpation d’identité était maintenue. Un pourvoi en cassation était alors formé. Le premier moyen invoquait le fait que l’annulation de la garde à vue aurait dû entraîner l’annulation de tous les actes ayant cette mesure pour support nécessaire, y compris les actes postérieurs à la notification supplétive des droits et portant sur des faits visés par cette notification supplétive, celle-ci n’entrainant pas un nouveau placement en garde à vue. Le deuxième moyen portait sur l’annulation de la saisie des clefs trouvées sur le gardé à vue. Pour le demandeur, la saisie et l’exploitation des objets n’étaient justifiées qu’en raison de la garde à vue. 

La chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule la décision de la chambre de l’instruction. Elle rappelle que la notification de l’extension d’une garde à vue initiale fondée sur l’article 65 du Code de procédure pénale n’a pas pour effet de générer une garde à vue distincte de celle au cours au moment de cette notification, le délai de 24 heures continuant à courir malgré cette notification. De ce fait, la chambre de l’instruction, lorsqu’elle annule un acte de procédure, « doit également annuler tous les actes de la procédure subséquente qui découlent des actes viciés ». La chambre criminelle indique ainsi qu’en l’espèce, les saisies des objets découlaient nécessairement du placement en garde à vue et auraient, de ce fait, dû être annulées. La chambre de l’instruction n’a, ainsi, pas tiré toutes les conséquences de la nullité qu’elle constatait

La chambre criminelle se fonde notamment sur les articles 174 et 206 du Code de procédure pénale pour expliquer la cassation de l’arrêt de la chambre de l’instruction. En effet, selon ces textes, lorsqu’une cause de nullité est découverte, l’acte est déclaré nul. La nullité peut également s’étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure. Pour donner lieu à annulation, il faut que les actes subséquents aient pour support nécessaire le premier acte annulé. La chambre criminelle juge en effet que « lorsque la chambre d’accusation prononce l’annulation d’actes de la procédure, les actes ultérieurs ne doivent être annulés que s’ils trouvent leur support nécessaire dans les actes viciés » (Crim. 23 juin 1999, n° 99-82.186). Ainsi, un lien de causalité doit exister entre les différents actes. Si seule une partie d’un acte postérieur est concernée, il n’y a pas lieu de l’annuler mais de le canceller. 

Cet arrêt n’a rien de surprenant tant cette solution est retenue par la chambre criminelle depuis de nombreuses années. La Cour de cassation applique strictement ce principe en refusant la nullité des actes subséquents dès qu’ils peuvent être dus à un autre acte que l’acte entaché de nullité ou qu’ils lui sont antérieurs. Elle a notamment pu juger que les conditions irrégulières d’un placement en garde à vue n’emportent pas annulation d’actes d’interpellation et de dépôt de plainte qui sont antérieurs (Crim. 4 janv. 2005, n° 04-84.876).

Crim. 14 nov. 2019, n° 19-83.285

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Garde à vue (Garanties)Garde à vue (Conditions)Nullités (Procédure pénale)

■ Encyclopédie pénale – Rubriques : Garde à vue – Cristina MAURO – Juin 2014 ; Nullités de procédure - Muriel GUERRIN - Juin 2015

■ Crim. 23 juin 1999, n° 99-82.186 P : D. 1999. 221

■ Crim. 4 janv. 2005, n° 04-84.876 P : D. 2005. 761, note J.-L. Lennon ; ibid. 2006. 617, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2005. 160, obs. J. Leblois-Happe

 

Auteur :Lucie Robiliard


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