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[ 27 octobre 2016 ] Imprimer

Droit commercial et des affaires

Ouverture d’une procédure collective contre un ex-époux : sort des biens communs et opposabilité du divorce

Mots-clefs : Entreprise en difficulté, Redressement judiciaire, Divorce, Sort des biens communs, Indivision, Opposabilité du jugement de divorce aux tiers

Le divorce est opposable aux créanciers d’une procédure collective au moment de sa retranscription sur les actes de l’état civil des ex-époux. L’immeuble dépendant de la communauté peut donc entrer dans le gage commun des créanciers entre le prononcé du divorce et la retranscription de celui-ci sur les actes de l’état civil.

En l’espèce, deux époux, qui étaient mariés sous le régime de la communauté, divorcent par l’effet d’un jugement prononcé le 11 janvier 2011. Une procédure de redressement judiciaire est ouverte contre l’ex-époux quelques mois après, le 13 mai 2011. Le jugement de divorce est finalement mentionné en marge des actes d’état civil le 27 octobre de la même année. Le redressement est ensuite converti en liquidation judiciaire, et par une ordonnance du 19 juin 2013, le juge-commissaire autorise la vente aux enchères publiques d’un immeuble dépendant de l’indivision post-communautaire. L’ex-épouse interjette alors appel de cette décision, mais elle est déboutée par la cour d’appel de Montpellier le 17 décembre 2013. Elle forme donc un pourvoi en cassation. 

Se posaient aux juges les questions suivantes : dans quelles conditions l’indivision qui résulte d’un divorce produit concrètement ses effets sur la procédure collective ouverte postérieurement ? Et incidemment, à quel moment un immeuble dépendant de la communauté peut-il être appréhendé par cette procédure ?

Au soutien de son pourvoi, l’ex-épouse invoque le fait que, lorsque la dissolution de la communauté entre le débiteur en procédure collective et son conjoint devient opposable aux tiers, ce conjoint doit être entendu ou dûment convoqué avant toute décision ordonnant ou autorisant la vente des biens de l’indivision. Elle ajoute que le liquidateur ne peut solliciter la saisie immobilière d’un bien de l’indivision lorsque ce bien était déjà indivis à la date de l’ouverture de la procédure collective. Ainsi, en ordonnant la poursuite de la vente judiciaire de l’immeuble, la cour d’appel aurait violé les articles L. 642-18 et R. 641-30 du Code de commerce. 

Mais l’indivision est-elle vraiment antérieure à l’ouverture de la procédure collective dans l’affaire qui nous intéresse ? La Cour de cassation répond négativement, et confirme la décision des juges du fond en retenant que l’indivision qui touche les biens de la communauté dissoute ne produit ses effets qu’à compter du moment où le divorce devient opposable aux tiers. Or en l’espèce, le jugement de divorce n’a été retranscrit sur les actes d’état civil qu’après l’ouverture du redressement judiciaire. Si dans les rapports exclusifs entre époux, la dissolution de la communauté a lieu dès le prononcé du divorce, dans les rapports avec les tiers, dont les créanciers, elle n’est effective qu’au jour de la transcription du divorce.   

Selon les termes de la Haute juridiction, « (…) le jugement de divorce n’ayant été rendu opposable aux tiers en ce qui concerne les biens des époux que postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, l’immeuble dépendant de la communauté était entré dans le gage commun des créanciers de celle-ci avant qu’il ne devienne indivis, de sorte que le liquidateur judiciaire pouvait procéder à sa réalisation dans les conditions prévues à l’article L. 642-18 du Code de commerce ». 

Ce qui compte finalement, c’est le moment où les tiers ont connaissance, ou peuvent avoir connaissance du divorce. Peu importe que celui-ci ait été prononcé avant l’ouverture de la procédure collective. Les effets de l’indivision sont conditionnés par l’opposabilité du divorce au tiers. Tant qu’il ne figure pas sur les actes d’état civil, les créanciers ne sont pas censés en avoir connaissance, et peuvent donc légitimement considérer les biens de la communauté comme faisant partie du périmètre de leur droit de gage au jour de l’ouverture de la procédure collective. Et la transcription tardive du divorce, ainsi que l’opposabilité et l’effectivité de l’indivision qu’elle emporte, ne remet pas cela en cause. Par conséquent, le liquidateur autorisé par le juge-commissaire demeure recevable à procéder, même après cette transcription, à la vente des biens.

Com., 27 septembre 2016, no 15-10.428

 

Auteur :B. J.


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