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[ 12 juin 2012 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Point sur les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

Mots-clefs : Principe fondamental reconnu par les lois de la République, PFRLR, Conseil constitutionnel, Domaine essentiel pour la vie de la Nation, Régime républicain antérieur à la Constitution de 1946, Tradition, Continuité du principe

Le principe selon lequel l’imposition foncière doit être établie sur des bases nettes n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR). L’arrêt ainsi rendu par le Conseil d’État le 30 mai 2012 concernant une demande de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel en droit fiscal offre l’occasion à Dalloz Actu Étudiant de faire un point sur les PFRLR.

En l’espèce, le requérant demandait au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du I de l’article 23 de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 de finances rectificative pour 1964. Le requérant soutenait que cette disposition méconnaîtrait un PFRLR selon lequel l’imposition foncière doit être établie sur des bases nettes, principe constitutionnel non encore expressément reconnu par le Conseil constitutionnel. Selon les juges du Palais Royal, ce « principe invoqué, qui n’intéresse pas un domaine essentiel pour la vie de la Nation ne figure dans aucune loi intervenue sous un régime républicain antérieur à la Constitution de 1946 ». Ainsi, ce principe n’a pas le caractère d’un PFRLR. Le Conseil d’État refuse de transmettre la question du requérant au Conseil constitutionnel.

▪ Origine des PFRLR

Lors de la seconde Constituante, en 1946, un amendement fut inséré à l’alinéa 1er du préambule de la Constitution, par lequel le peuple français réaffirmait solennellement les PFRLR. Cette notion est restée incertaine avant sa consécration 25 ans plus tard par le Conseil constitutionnel. En effet, il était difficile de déterminer à la simple lecture du Préambule à quels principes, à quelles lois, à quelle République, il devait être fait référence.

▪ Consécration par le Conseil constitutionnel

La notion de PFRLR a véritablement pris tout son sens grâce à la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 relative à la loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. En effet, les juges de la rue Montpensier déclarent non conforme à la Constitution une disposition législative en se fondant pour la première fois sur le préambule de la Constitution de 1958 (préambule qui rappelle notamment que « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789 , confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 », cette phrase sera complété en 2005 par les mots suivants «, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 »). Ainsi, le Conseil constitutionnel proclame que la liberté d’association, parce qu’elle constitue un PRFLR, appartient au bloc de constitutionnalité.

▪ Reconnaissance d’un PFRLR

Trois conditions cumulatives sont nécessaires pour reconnaître un nouveau PFRLR :

– pour être « fondamental », le principe doit énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la nation, comme les libertés fondamentales, la souveraineté nationale ou l’organisation des pouvoirs publics (Cons. const. 14 janv. 1999, n° 98-407 DC § 9) ;

– ensuite, le principe doit trouver une base textuelle dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946 (Cons. const. 23 janv. 1987, n° 86-224 DC § 15) ; 

– enfin, le principe doit avoir fait l’objet d’une application continue. Aucune dérogation au principe, par une loi républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946, ne peut être acceptée (Cons. const. 20 juill. 1988, n° 88-244 DC § 12).

▪ Liste des PFRLR

À la suite du principe de liberté d’association (Cons. const. 16 juill. 1971, n° 71-44 DC), le Conseil constitutionnel a dégagé d’autres PFRLR :

– le respect des droits de la défense (Cons. const. 2 déc. 1976, n° 76-70 DC ) ; 

– la liberté individuelle (Const. const. 12 janv. 1977, n° 76-75 DC ) ; 

– la liberté de conscience (Const. const. 23 nov. 1977, n° 77-87 DC § 2 et 3) ; 

– la liberté de l’enseignement (Const. const. 23 nov. 1977, n° 77-87 DC ) ; 

– l’indépendance de la juridiction administrative (Const. const. 22 juill. 1980, n° 80-119 DC §6 ) ; 

– la garantie de l’indépendance des professeurs d’université (Const. const. 20 janv. 1984, n° 83-165 DC ) ; 

– la compétence exclusive de la juridiction administrative pour l’annulation des actes de la puissance publique (Const. const. 23 janv. 1987, n° 86-224 DC § 15) ; 

– la compétence de l'autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière privée (Cons. const. 25 juill. 1989n° 89-256 DC § 23) ; 

– la recherche du relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées (Const. const. 29 août 2002, n° 2002-461 DC § 26) ;

– le maintien de la législation des départements d’Alsace et de Moselle tant quelle n’est pas remplacée (Cons. const. 5 août 2011, Sté SOMODIAn° 2011-157 QPC § 4).

Il convient toutefois de signaler que le Conseil d’État a également dégagé un PFRL selon lequel l’État doit refuser d’extrader un étranger dans un but politique (CE, Ass., 3 juill. 1996, Koné).

▪ Rattachement de certains PFRLR à une norme constitutionnelle écrite 

Certains PFRLR, ne sont plus reconnus comme tels. Le droit ou la liberté qu’ils consacraient sont maintenant rattachés à d’autres dispositions du bloc de constitutionnalité. Ainsi : 

– la liberté individuelle (Cons. const. 12 janv. 1977n° 76-75 DC § 2), est désormais rattachée à l'article 66 de la Constitution de 1958 (Cons. const. 29 déc. 1983n° 83-164 DC § 25) ;

– la liberté de conscience (Cons. const. 23 nov. 1977n° 77-87 DC § 5), est désormais rattachée à l'article 10 de la Déclaration de 1789 (Cons. const. 27 juin 2001n° 2001-446 DC § 13) et, au besoin, à l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const. 27 juin 2001n° 2001-446 DC § 13 s.) ;

– le respect des droits de la défense (Cons. const. 2 déc. 1976n° 76-70 DC), est désormais rattaché à l'article 16 de la Déclaration de 1789 (Cons. const. 30 mars 2006n° 2006-535 DC § 24).

De ce fait, les PFRLR reconnus par le Conseil constitutionnel actuellement « en vigueur » sont actuellement au nombre de 8.

CE 30 mai 2012, GFA Fielouse-Cardet, n° 355287

Références

■ Cons. const. 16 juill. 1971, n° 71-44 DCGDCC, 16e éd., no 6; D. 1974. 83, chron. Hamon ; AJDA 1971. 537, note Rivero ; RD publ. 1971. 1171, note Robert.

■ CE, Ass., 3 juill. 1996, Koné, n° 169219Lebon ; GAJA, 18e éd. 2011, n° 97 ; RFDA 1996. 870, concl. Delarue.

■ Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

Alinéa 1er

«  Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

Alinéa 5

« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »

■ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

Article 10

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

Article 16

« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

■ Article 66 de la Constitution de 1958

« Nul ne peut être arbitrairement détenu. 

L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

 

Auteur :C. G.


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