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Droit de la responsabilité civile
Prédisposition pathologique de la victime : la réparation du préjudice reste intégrale
Mots-clefs : Responsabilité civile, Préjudice, Prédisposition pathologique, Réparation intégrale, Conditions
L’indemnisation du préjudice corporel de la victime ne peut être limitée en raison de sa prédisposition pathologique dès lors que l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.
La victime d'un accident de la circulation avait demandé à être indemnisée de la perte de revenus résultant de son accident.
Elle s’était vue opposer par les juges du fond une limitation du montant de son indemnisation au motif que si l'accident lui avait bien fait subir une perte de revenus, il n’en restait pas moins que le lien de causalité entre cette perte de revenus et l’accident dont l’assureur du conducteur, auteur du dommage, devait réparer les conséquences demeurait partiel, en sorte que le préjudice de la victime ne pouvait être intégralement réparé.
La Cour de cassation censure sans surprise ce raisonnement, reposant sur l’ancienne doctrine de la causalité partielle depuis longtemps abandonnée. Au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, dont découle le droit de la victime à la réparation intégrale de ses préjudices corporels, la deuxième chambre civile juge indifférent le fait que la prédisposition pathologique ait pu favoriser la survenance du dommage.
Ainsi la Cour procède-t-elle au rappel d’une règle jurisprudentielle désormais bien ancrée, au pénal comme au civil, selon laquelle le droit à réparation de la victime ne saurait être limité en raison de son état de santé antérieur ou d’une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue « n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » (V. déjà Crim. 12 avr. 1994, n° 93-84.367; Civ. 2e, 10 juin 1999, n° 97-20.028; Civ. 2e, 10 nov. 2009, n° 08-16.920 ; Crim. 11 janv. 2011, n° 10-81.716 ; Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-18.720, RTD civ. 2013.130, obs. P. Jourdain). Pour le dire autrement, le préjudice s’apprécie in concreto sans perte ni profit pour la victime, dont l’indemnisation doit réparer le seul mais l’entier préjudice dès lors que ce dernier constitue la suite nécessaire du fait dommageable. Pour mener à bien cette appréciation, les juges du fond doivent, à l’appui de rapports d’experts, connaître l’état de santé de la victime avant l’accident pour identifier les séquelles éventuelles découlant directement de l’accident. Il convient donc d’analyser l'état antérieur à l'événement dommageable (maladies, accidents, opérations) et les prédispositions de la victime, pour déterminer ensuite si son état constitutionnel préexistant s’était déjà révélé symptomatique avant la survenance des faits litigieux. En effet, seuls l’état antérieur et les prédispositions de la victime en lien direct et certain avec le fait dommageable et ses conséquences doivent être retenus pour limiter valablement son indemnisation. C’est la raison pour laquelle la Cour reproche en l’espèce aux juges du fond d’avoir pris en considération une pathologie préexistante à l’accident pour limiter le montant de la réparation, sans pour autant avoir constaté que les effets néfastes de cette pathologie s’étaient déjà révélés avant le jour de l’accident. En effet, il ressortait des rapports d’expert versés aux débats que ce ne fut qu’à compter de la survenance de l’accident que l’état de fragilité de la victime s’était traduit par divers symptômes, auparavant inexistants, emportant des conséquences nouvelles, notamment sur sa vie professionnelle. Ainsi l’accident devait-il être regardé comme une cause certaine et directe, quoique non exclusive, du dommage et c’est à ce titre qu’il devait être intégralement réparé. Le fait qu'une pathologie antérieure ait été l'une des causes du dommage demeure, à la condition que celle-ci ne se soit pas antérieurement révélée, sans incidence sur la réparation si le fait imputable au défendeur apparaît lui-même comme une cause certaine de celui-ci (P. Jourdain, obs. sous Civ. 2e, 28 juin 2012, préc.).
Civ. 2e, 19 mai 2016, n° 15-18.784
Références
■ Crim. 12 avr. 1994, n° 93-84.367 P.
■ Civ. 2e, 10 juin 1999, n° 97-20.028 P.
■ Civ. 2e, 10 nov. 2009, n° 08-16.920 P, D. 2009. 2863
■ Crim. 11 janv. 2011, n° 10-81.716.
■ Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-18.720, RTD civ. 2013. 130, obs. P. Jourdain.
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