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[ 26 juin 2015 ] Imprimer

Droit des biens

Présomption de propriété du dessous : la preuve du contraire

Mots-clefs : Propriété immobilière, Sol, Dessus, Dessous, Présomption de propriété au profit du propriétaire du sol, Force de la présomption, Preuve contraire, Titre, Prescription acquisitive, Domaine d’application

La présomption de propriété du dessous, résultant de l'article 552, alinéa 1er, du Code civil, au profit du propriétaire du sol, n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription.

Des époux sont propriétaires d'un immeuble édifié sur une parcelle dans le tréfonds de laquelle se trouve une cave accessible de plain-pied uniquement par le jardin voisin. Cette cave appartient à leurs voisins qui l’ont acheté en 2007 à un particulier. Les époux, propriétaires de l’immeuble, estiment que ce particulier était titulaire d'un simple droit d'usage sur la cave et que ce droit d’usage s’est éteint lors de la vente. Les époux assignent leurs voisins ainsi que le vendeur de la cave litigieuse pour voir déclarer éteint le droit d'usage de ce dernier et constater l'occupation sans droit ni titre de la cave par leurs voisins. 

La cour d'appel déclare cependant les voisins propriétaires de la cave litigieuse. 

Les époux, propriétaires de l’immeuble, se pourvoient en cassation, invoquant le principe selon lequel la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n’est susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre, ou par prescription acquisitive et que celui qui se prétend propriétaire du dessous doit non seulement établir que celui-ci n’appartient pas au propriétaire du dessus, mais qu’il en est lui-même propriétaire, soit pour l’avoir prescrit par lui-même ou par ses auteurs, soit pour en avoir acquis la propriété en vertu d’un titre translatif auquel il est partie ou auquel était partie l’un de ses auteurs. Or, selon les demandeurs, les juges du fond auraient violé l’article 552 du Code civil en attribuant aux voisins la propriété de la cave litigieuse située sous leur immeuble sur le seul fondement de leurs propres titres, auxquels leurs voisins étaient étrangers. Leur pourvoi est rejeté au motif que la présomption de propriété du dessous dont ils bénéficient en leur qualité de propriétaires du sol étant susceptible d'être combattue par la preuve contraire résultant, notamment, d'un titre, la cour d'appel, ayant confronté les divers titres produits aux débats, en a souverainement déduit que les voisins étaient propriétaires de la cave litigieuse.

En principe, le droit du propriétaire du sol s'étend au-dessus et au-dessous (C. civ., art. 552). Cependant, la règle qui en découle selon laquelle le propriétaire du sol est également propriétaire du dessous ne constitue qu’une présomption simple, susceptible d’être combattue par une preuve contraire. C’est donc à celui qui entend faire valoir ses droits sur un bâtiment ou un ouvrage souterrain d'apporter la preuve de la dissociation de l'immeuble. Concernant les modes de preuve admissibles pour renverser la présomption, la Haute cour admettait, à l’origine, que la division de l'immeuble pût être établie librement, par tous moyens (Req., 26 juin 1901: la présomption de l'article 552 « cède devant la preuve contraire, laquelle peut résulter, dans le silence des titres, des circonstances de fait qui établissent un droit contraire »). 

Plus exigeante, la jurisprudence récente ne reconnaît la dissociation de l'immeuble que par la preuve d'un titre ou le jeu de la prescription acquisitive, comme le prévoit l'article 553 (Civ. 3e, 12 juill. 2000, n° 97-13.107: « La présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n’est susceptible d’être combattue que par la preuve contraire résultant d’un titre ou de la prescription acquisitive » ; V. déjà, à propos d’une cave située sous deux immeubles contigus, Civ. 3e, 26 mai 1992, n° 90-22.145). 

En l’espèce, la cour d’appel a déduit des divers titres versés aux débats le renversement de cette présomption, rejetant en conséquence les demandes des propriétaires tendant à la libération des lieux et à la remise en état des fondations de leur maison : en premier lieu, la cave était visée par deux actes distincts comme étant la propriété originaire du vendeur de ladite cave aux voisins ; en second lieu, la cave n’était pas incluse dans les actes de ventes ultérieurs ayant été conclus ; en troisième lieu, elle n’était pas mentionnée dans les actes de propriété passés par les propriétaires ; et en quatrième et dernier lieu, la mention faite dans deux autres actes d’une servitude d’usage ne pouvait valoir comme la constitution d’une servitude dès lors qu’il n’existe aucun acte de cession de la cave au profit des propriétaires de l’immeuble ou de leurs auteurs, qui en auraient concédé l’usage. 

Soulignons enfin que la jurisprudence refuse d’étendre la présomption résultant de l'article 552, par un renversement de la règle, à la propriété du sol : si la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, la propriété soit du dessus soit du dessous n'emporte, quant à elle, aucun droit sur le sol. Ainsi la preuve de la propriété du tréfonds ne permet-elle pas au demandeur d'être déclaré propriétaire du sol (Req., 7 mai 1838). Inversement, la présence d'ouvrages surplombant un terrain ne permet pas à leur propriétaire d'être présumé l'être aussi du terrain situé au-dessous : « la propriété du sol, qui comporte la propriété du dessus et du dessous, ne doit pas être étendue au-delà de ses termes, et (...) la présomption résultant de l'article 552 du Code civil ne saurait s'appliquer, en renversant cette règle, au propriétaire du dessus qui n'est point, par principe, présumé propriétaire du sol » (Req., 24 juin 1941). 

Une jurisprudence claire et constante donc, qui chasse le « sens dessus dessous » !

Civ. 3e, 13 mai 2015, n° 13-27.342 et 14-15.678

Références

■ Code civil

Article 552

« La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu'il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre "Des servitudes ou services fonciers".

Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu'il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu'elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police. »

Article 553

« Toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâtiment. »

■ Req., 26 juin 1901, S. 1902, 1, p. 214, DP 1901, p. 501.

 Civ. 3e, 12 juill. 2000, n° 97-13.107, Bull. civ. III, n° 144, RDI 2000. 525, obs. M. Bruschi, RTD civ. 2002. 539, obs. T. Revet.

■ Civ. 3e, 26 mai 1992, n° 90-22.145, Bull. civ. III, n° 172, D. 1993. 36, obs. A. Robert, AJDI 1993. 269, RDI 1993. 483, obs. J.-L. Bergel.

■ Req., 7 mai 1838, S. 1838, 1, p. 719.

■Req., 24 juin 1941, DA 1941. 293. 

 

Auteur :M. H.


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